"Viva l'Opera !" avec Karine Deshayes et ses amis à l'Opéra de Toulon

Xl_img_9251 © Emmanuel Andrieu

L’Opéra de Toulon Provence Méditerranée aurait dû initier la saison 20/21 avec ce mastodonte lyrique qu’est Semiramide. La crise sanitaire est passée par là, et les deux dates prévues ont été remplacées par un gala lyrique intitulé « Viva l’Opera ! », avec les artistes qui devaient se produire dans l’ouvrage de Gioacchino Rossini. L’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Toulon, en fond de scène à bonne distance les uns des autres et tous dans une forme olympique, sont confiés à la baguette du jeune chef grec George Petrou – qui avait justement dirigé Semiramide dans l’Opéra voisin de Nice en 2015.


Viva l'Opéra - Karine Deshayes © K. Bouffard

La reine de la soirée est bien évidement celle qui aurait dû interpréter le rôle-titre de Semiramide, et c’est justement par le grand air de cette héroïne « Bel raggio lusinghier » que Karine Deshayes initie ce gala lyrique. On l’avait entendue dans le personnage lors de sa prise de rôle en mars 2018, et avec plus de flamboyance encore elle fait un sort à cet aria redoutable, avançant toutes voiles dehors. Elle n’hésite pas à donner du volume, sans que cela ne nuise au beau chant, et ici la grande tragédienne qu’elle est, parle haut et clair : face à tant d’autorité, de charisme et de présence, il est tout simplement impossible de résister ! C’est ensuite dans le répertoire français qu’elle s’illustre, et notamment celui de Jacques Offenbach (on se souvient de son éblouissante Belle-Hélène à l’Opéra de Tours en 2016), dont elle délivre tour à tour (avec son incroyable talent de diseuse…) « Je t’adore brigand » issu de La Périchole, puis « Ce n’est qu’un rêve » tiré justement de La Belle-Hélène, en duo avec le ténor français Philippe Talbot.

Ce dernier, qui devait chanter initialement le rôle d’Idreno, éblouit dès son premier air, avec le morceau de choix pour tout ténor qu’est « Ah mes amis, quel jour de fête ! » extrait de La Fille du régiment de Gaetano Donizetti : les fameux neuf contre-Ut sont ici lancés avec une remarquable insolence, et ils lui valent une des plus grandes ovations de la soirée. Après avoir chanté le rôle-titre du Le Comte Ory in loco en janvier dernier, il revêt à nouveau les habits de son personnage, à travers le duo avec Isolier « Je vais revoir la beauté », où son timbre suave et son phrasé gracieux font merveille, puis il s’attelle à un autre duo tiré de cet autre ouvrage rossinien qu’est L’Italienne à Alger, « Se inclinassi a prender moglie », aux côtés de la basse italienne Mirco Palazzi en Mustafa. Hasard de calendrier, on retrouvera ces deux mêmes chanteurs dans ces mêmes rôles le mois prochain à l’Opéra de Marseille (et bien sûr nous y serons !).


Viva l'Opéra - Teresa Iervolino et Mirco Palazzi © K. Bouffard

Mirco Palazzi est un habitué de la scène phocéenne où nous l’avons entendu dans des ouvrages aussi divers que Les Noces de Figaro l’an passéLe Barbier de Séville (rôle de Basilio) en 2018 ou encore Anna Bolena (rôle d’Enrico) en 2016. A chaque fois, nous avions été impressionnés par ses qualités vocales, alliant une incroyable étendue du registre à une souplesse vocale et un legato tout simplement admirables : des dispositions naturelles qui font mouche autant dans l’air mozartien « Aprite un po quegli occhi » (Le Nozze) qu’à nouveau dans le rôle de Mustafa avec l’air « Gia d’insolito ardore ».

Si Mirco Palazzi devait interpréter le personnage d’Assur, Teresa Iervolino devait elle se frotter à celui d’Arsace. A défaut, c’est au rôle de Giulio Cesare de Haendel (à travers le fameux « Va tacito e nascosto ») qu’elle se mesure, après avoir endossé ici-même les habits de Cornelia dans le même ouvrage, il y a cinq années de cela. Avec son timbre chaud et opulent à la fois, la mezzo italienne brille dans ce morceau, qu’elle ornemente de manière aussi hardie qu’inventive. On la retrouve en duo avec Karine Deshayes dans une Barcarolle d’Offenbach emplie d’émotion, puis face au Mustafa de Palazzi dans le duo « Oh, che muso, che figura » où ses talents d’actrice (avec ses mimiques innénarables) arrachent des rires aux spectateurs.

Trois autres artistes étaient conviés à la fête, avec chacun un air solo pour conquérir l’audience. L’on y remarque en premier lieu la basse géorgienne Nika Guliashvili qui délivre un Air de la calomnie (Le Barbier de Séville) sonnant de manière impressionnante, comme un vrai « colpo di canone » ! Et si la voix de la jeune soprano française Roxane Chalard est encore un peu verte pour faire pleinement honneur à l’air de Servilia « S’altro che lagrime » (La Clémence de Titus), celle de son collègue Camille Tresmontant fait très bonne impression dans un « Dalla sua pace » (Don Giovanni) délivré entièrement sur le souffle, et agrémenté de magnifiques piani.

Tout ce petit monde est réuni à la fin du concert (donné sans entracte) pour deux airs « collectifs » extraits de la Semiramide que l’on aurait dû entendre (et que l’on espère repoussée à une date ultérieure…), et enfin pour l’inévitable « Libiamo ne’ lieti calici » extrait de La Traviata de Verdi.

Et Viva l’Opera !

Emmanuel Andrieu

Gala lyrique « Viva l’Opera ! » à l’Opéra de Toulon, le 11 octobre 2020

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

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