Il Barbiere di Siviglia à l'Opéra de Marseille : pour les voix plus que pour la proposition scénique de Laurent Pelly...

Xl_barbiere1 © Christian Dresse

Moins de quinze jours après avoir applaudi (à deux mains) son Roi Carotte d'Offenbach – hilarant et haut en couleurs – à l’Opéra de Lille, nous avouerons avoir été plutôt déçus par le traitement du Barbier de Séville par Laurent Pelly à l’Opéra de Marseille, une production étrennée un peu plus tôt dans la saison au Théâtre des Champs-Elysées. Notre collègue Thibault Vicq avait également émis des réserves à la création, et si la scénographie « originale » imaginée par l'homme de théâtre français séduit de prime abord, avouons qu’elle tourne ensuite vite en rond, et finit même par distiller un certain ennui…

Par bonheur, une distribution de haut rang vocal maintient très vive l’attention des spectateurs. A tout seigneur tout honneur, Florian Sempey, dans le rôle-titre, s’impose comme le triomphateur de la soirée, par la conjonction d’un matériau vocal parfait pour ce personnage, avec une liberté scénique prodigieuse et une verdeur roborative : il incarne ainsi un Figaro hâbleur, vif, séducteur, avec un timbre étoffé, une impeccable maîtrise du souffle, quand l’aigu et le grave se montrent d’une solidité à toute épreuve. Il est sans conteste un des grands Figaro du moment. Après sa Carmen au festival d’Aix-en-Provence l’été dernier, quel bonheur de retrouver Stéphanie d’Oustrac dans un rôle qui lui est familier, la mutine Rosina. A son habitude, elle gratifie l’auditoire de sa voix chaude et mordorée, de sa vocalisation parfaite, avec des ornementations tant dans le registre grave que dans l’aigu (une prouesse !), le tout délivré avec autant de charme que d’élégance. Le ténor français Philippe Talbot – qui nous a accordé une entrevue – aborde son premier air « Ecco ridente in cielo » avec une certaine prudence, mais incarne par la suite un Almaviva plein d’énergie, la voix s’épanouissant et prenant de l’aisance au fil de la soirée, jusqu’à un « Cessa di piu resistere » (que la plupart des ténors éludent…) parfaitement négocié.

Annoncé souffrant (il a été remplacé dans les premières représentations), le vétéran espagnol Carlos Chausson campe un impayable Bartolo, de grand style, même si son état de santé l’oblige à une certaine réserve vocale ce soir. Après avoir endossé les rôles de Henry VIII dans Anna Bolena et de Talbot dans Maria Stuarda in loco la saison passée, la basse italienne Mirco Palazzi est de retour sur la scène phocéenne pour y chanter son premier Basilio. Devant sa prestation dans le fameux « air de la calomnie », on ne peut que s’incliner : sa maîtrise parfaite du souffle, l’exploit de vocalises rajoutées, l'exécution de diminuendi inattendus (surtout chez une basse), et une puissance vocale phénoménale lui valent des vivats mérités. Enfin, les compositions d'Annunziata Vestri, Berta radoteuse, et Mikhaël Piccone, Fiorello hâbleur, comme les interventions d’un chœur magnifique de précision (préparé par Emmanuel Trenque), complètent les satisfactions vocales générées par le plateau.

Le chef italien Roberto Rizzi Brignoli, déjà dans la fosse marseillaise pour l’Anna Bolena déjà citée, livre une lecture vive et pétillante du chef d’œuvre de Rossini, tout en soignant les détails, et en faisant chanter les instruments solistes pour un maximum d’expressivité. Il veille également à équilibrer les tensions, tout en laissant aux interprètes une marge de manœuvre suffisante pour ornementer, à leur guise, leur ligne de chant.

Emmanuel Andrieu

Il Barbiere di Siviglia de Gioacchino Rossini à l’Opéra de Marseille (février 2018)

Crédit photographique © Christian Dresse

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