Il Pirata prend d'assaut l'Opéra de Monte-Carlo

Xl_pirata © Alain Hanel

Après avoir été longtemps boudé par les grandes scènes lyriques internationales, Il Pirata de Vincenzo Bellini revient en force, et après avoir assisté à une version de concert à l’Auditorium de Bordeaux en 2017, puis à deux versions scéniques (d’abord à La Scala de Milan, puis au Teatro Real de Madrid en début de saison), c’est à nouveau en version de concert que l'ouvrage est donné, cette fois dans le cadre de la saison monégasque à l’Auditorium Rainier III.

Jean-Louis Grinda a confié le rôle-titre (Gualtiero) au ténor canarien Celso Albelo qui, après avoir incarné ici-même le rôle d’Arturo des Puritains il y a deux ans, livre une prestation en demi-teinte. Dès son entrée en scène (« Di mia vendetta »), il affiche une personnalité très extravertie, dévoilant d’emblée une couleur vocale séduisante, une virtuosité évidente, mais aussi des aigus… par trop percutants, comme il en est coutumier ! Car s’il affronte avec panache la tessiture et les envolées redoutables de son personnage, dont il a indiscutablement les moyens, il devrait renoncer à tout cabotinage en délivrant des notes forte à vous « casser les oreilles », au profit d’un réel travail musical, dont il est par ailleurs capable comme le prouve son air extatique « E parlerà la tomba alle pietose genti ». Après nous avoir conquis dans des rôles comme Manon Lescaut à Liège en 2017, Odabella à Barcelone en 2018, et plus récemment Abigaille à Valencia en 2019, la soprano napolitaine Anna Pirozzi possède non seulement une technique impeccable, mais surtout une voix et un tempérament peu communs qui rendent justice au meurtrier rôle d’Imogene. Les vocalises sont enivrantes, de même que les vertigineux traits descendants de sa première grande scène. Son incarnation est aussi ardente que son chant franc, et la cantatrice italienne ne « truque » jamais, si l’on excepte une ou deux attaques en force dans l’aigu pour couronner une vocalise. Mais sa force de conviction emporte tout sur son passage, notamment dans une mémorable scène finale (« Ah, si io potessi »).

Souffrant, George Petean a dû céder la place en dernière minute au baryton italien Vittorio Prato, très applaudi l’été dernier en Comte Robinson dans ll Matrimonio segreto au festival de Martina Franca. Il éprouve néanmoins quelque difficulté à camper un personnage (celui d’Ernesto, le mari d’Imogene) aussi sonore que ses deux autres partenaires, et c’est à peine si on l’entend dans le superbe trio final « Cedo al destin orribile ». Mais à défaut de « faire du son », au moins fait-il de la musique et l’on goûte son timbre attachant, son legato soigné, et sa science des coloratures. Enfin, du Goffredo d’Alessandro Spina à l’Adele de Claudia Urru, en passant par le Itulbe de Reinaldo Macias, les comprimari remplissent efficacement leur tâche, tandis que le Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo brille également dans ses nombreuses interventions.

En fosse, le jeune chef italien Giacomo Sagripanti aborde la partition de Bellini avec nerf et violence, cravachant un Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo qui ne demande qu’à rugir sous ses coups de baguette. Le fini orchestral des détails n’en est pour autant pas négligé, et c’est sans nul doute que la partie musicale contribue au vif succès que remporte ce Pirate !

Emmanuel Andrieu

Il Pirata de Vincenzo Bellini à l’Opéra de Monte-Carlo, le 8 mars 2020

Crédit photographique © Alain Hanel 

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