Saison 2020-2021 à l'Opéra de Lyon : les adieux exigeants de Serge Dorny

Xl_lyon2021 © Opéra de Lyon

L'Opéra de Lyon devait présenter sa saison lors d'une conférence de presse initialement prévue le samedi 14 mars, durant les premières dates de son festival. Las, les mesures de sécurité sanitaire adoptées à ce moment-là contre le coronavirus avaient empêché la tenue de l'ensemble des manifestations prévues, et l'on attendait depuis de connaître les projets de la maison lyonnaise quant à sa saison 2020-2021. Réponse fut faite ce matin sous forme de dossier de presse.

Dans l'introduction, Serge Dorny – qui présente ainsi son ultime saison à la tête de l'instituion lyriqueavant de rejoindre la Bayerische Staatsoper de Munich – met en avant qu'il s'agit là d'une programmation « qui fait cohabiter œuvres du grand répertoire, opéras plus rares, et créations contemporaines ». Il ajoute : « le répertoire russe y est à l’honneur sous ses aspects les plus brillants, colorés, parfois ironiques (...). Des opéras qui résonnent avec nos préoccupations contemporaines : le pouvoir et ses excès, la fragile beauté du monde menacé, le voyage et la rencontre des cultures ». Le ton est donné : il ne sera pas vraiment à la légèreté ni aux grands classiques les plus couramment joués. En effet, cette saison marque bien une certaine identité et une originalité de l'Opéra de Lyon puisqu'il sera probablement l'un des rares opéras à ne compter aucune oeuvre ni de Mozart, ni baroque, ni – surtout – du moindre compositeur italien ! Les uns verront une forme d'ouverture au renouvellement et l'occasion de (re)découvrir des oeuvres différentes, les autres une fermeture aux oeuvres les plus connues, les plus populaires ou simplement les plus accessibles...

Que l'on se rassure, cela n'empêchera pas la programmation de classiques, notamment français, et une nouvelle production de Béatrice et Bénédict de Berlioz accompagnera le temps le plus festif de l'année durant la période des fêtes. Musicalement parlant, il s'agira sans doute de l'oeuvre la plus accessible de la saison et l'on est heureux de la voir sur les planches lyonnaises, d'autant qu'elle sera dirigée dans la fosse par le chef de la maison, Daniele Rustioni, et sur scène par Damiano Michieletto. Le couple éponyme sera interprété par Michèle Losier et Julien Behr, auxquels s'adjoindront Hélène Guilmette en Héro et Eve-Maud Hubeaux en Ursule, promettant à n'en pas douter de très beaux moments.

Autre classique français, le Werther de Massenet sera donné en version de concert à l'Auditorium dans la coproduction traditionnelle de novembre avec le Théâtre des Champs-Elysées. La distribution sera donc la même que pour la salle parisienne, avec Simon Keenlyside dans le rôle-titre, Stéphanie d'Oustrac en Charlotte, Jean-Sébastien Bou en Albert et Florie Valiquette en Sophie.

La maison lyonnaise imagine ensuite un petit festival Contes et fantasies lyriques regroupant trois oeuvres courtes afin de faire découvrir l'art lyrique aux plus jeunes et encourager les sorties familiales. On y retrouve là encore deux ouvrages de Ravel, L'Heure espagnole ainsi que L'Enfant et les sortilèges dans les mises en scène fantatstiques et poétiques de Grégoire Pont et James Bonas qui nous avaient tant séduits en 2018 pour la première, et en 2019 pour la seconde, lors de sa précédente reprise. Une troisième oeuvre, toujours signée par les mêmes metteurs en scène, viendra clôturer cette trilogie, La Lune, de Carl Orff, qui devait être initialement créée ce mois-ci pour le festival de la saison actuelle. Il faudra toutefois quelque peu jongler avec les dates des représentations, les spectacles étant parfois donnés le même soir (le 22 avril marquera ainsi la première à la fois de L'Heure espagnole et de La Lune, tandis que le lendemain seront données non seulement la première de L'Enfant et les sortilèges, mais aussi les deux autres productions, le tout à des horaires oscillant entre 19h30 et 20h).

Une autre oeuvre courte fera son retour hors du festival grâce à la Maîtrise de l'Opéra, à savoir Les Enfants du Levant créée en 2019 dans la mise en scène de Pauline Laidet, qui nous avait déjà marquée à ce moment-là. D'un autre côté, face au succès de The Pajama Game, il semblerait que l'Opéra poursuive l'aventure des comédies musicales en compagnie de Jean Lacornerie avec The Music Man de Meredith Wilson au Théâtre de la Croix-Rousse en décembre.

Toutefois et ainsi que le soulignait Serge Dorny dans sa présentation, le répertoire russe sera aussi à l'honneur avec pour commencer Le Coq d'or qui ouvrira la saison en octobre. Il s'agira d'une « nouvelle production » qui sera en réalité créée cet été au festival d'Aix-en-Provence dans le cadre du partenariat entre la maison et le festival, comme ce fut déjà le cas les années précédentes. Sous la baguette d'Aziz Shokhakimov, Barrie Kosky réunira scéniquement un plateau alléchant avec Andrei Popov dans le rôle de l'astrologue, Dmitry Ulyanov dans celui du tsar Dodon, et surtout Sabine Devieilhe en reine de Chemakha et retrouvera un public qui a été marqué par sa fulgurante Reine de la Nuit il y a maintenant plusieurs années (mais dont le public se souvient encore) ainsi que par sa soeur Constance. Un retour certainement très attendu puisque la dernière venue de la soprano remonte à 2015 pour un récital Mozart aux côté de son mari Raphaël Pichon. Elle profitera d'ailleurs de sa venue pour offrir un récital Debussy / Ravel / Poulenc / Fauré le 29 novembre, accompagné au piano par Alexandre Tharaud.

Concernant le répertoire russe, Igor Stravinsky sera lui aussi à l'honneur avec Le Rossignol et autres fables, repris dans la production de 2010 de Robert Lepage et avec Anna Denisova dans le rôle-titre. C'est néanmoins l'allemand qui aura le dernier mot puisque c'est au Freischütz de Carl Maria von Weber de clore la saison dans une autre nouvelle production. La mise en scène a été confiée à Dmitri Tcherniakov tandis que Mandy Fredrich et Tuomas Katajala intèrpréteront Agathe et Max. Si l'on est heureux de pouvoir découvrir cette oeuvre à Lyon, on reste toutefois dubitatif quant au choix de la proposer en fin de saison, lorsque la maison propose généralement une retransmission gratuite sur grand écran afin de faire découvrir l'art lyrique au plus grand nombre et ainsi susciter la curiosité d'un public parfois peu familier du genre. Pas sûr que, dans cette optique, le romantisme allemand soit ce qu'il y ait de plus aguicheur...

Enfin, comment passer outre le grand festival annuel de l'Opéra de Lyon, placé en 2020-2021 sous le thème des « Femmes libres » ? Ce sont trois nouvelles productions qui rythmeront ainsi le mois de mars, avec Le Château de Barbe-Bleue de Bartók dont la mise en scène sera signée par Andriy Zholdak à qui l'on doit déjà celle de L'Enchanteresse en 2019. Eve-Maud Hubeaux reviendra pour l'occasion en Judith face au Barbe-Bleue de Kàroly Szemerédy, sous la baguette de Titus Engel. Lothar Koenigs dirigera pour sa part Ariane et Barbe-Bleue de Dukas, mise en scène par Àlex Ollé avec Alexandra Deshorties en Ariane, elle dont la Médée genevoise hante encore nos souvenirs, face au Barbe-Bleue de Tomislav Lavoie et à la Selysette d'Adèle Charvet. On aurait pu s'attendre à un troisième Barbe-Bleue (celui d'Offenbach vue in loco en 2019) qui aurait ainsi pu créer une thématique plus lisible autour de la figure de Barbe-Bleue, mais c'est en réalité Pelléas et Mélisande qui se joint aux deux autres oeuvres, d'après la pièce de Maurice Maeterlinck, et donné au Musée des Tissus et des Arts décoratifs. La mise en scène sera signée par Judith Chemla (ancienne pensionnaire de la Comédie-Française) qui doit justement tenir le rôle dans l'oeuvre de Debussy à Montpellier en juin prochain (c'est pour l'instant le seul nom de la production dévoilée par l'Opéra de Lyon). Selon Serge Dorny, il s'agit là d'une « trilogie qui questionne les relations entre les hommes et les femmes – leurs clartés et leurs ténèbres, leurs énigmes et leur mystère – et qui sonde les profondeurs de l’impossible alliance ».

La saison 2020-2021 s'annonce donc pour les Lyonnais plutôt exigeante (voire austère ?), mais sera à l'évidence aussi l'occasion pour certains de belles (re)découvertes – quand bien même la programmation interroge quelque peu sur la capacité de la maison à  attirer un public néophyte, surtout après la crise que traverse actuellement le pays. Peut-être une ou deux oeuvres plus populaires auraient-elles rassurées ceux qui hésitent encore à concrétiser leur venue, et l'on peut se demander si, finalement, pour sa dernière saison à la tête de l'Opéra de Lyon, Serge Dorny a préféré satisfaire le public ou se faire plaisir. Les deux ne sont toutefois peut-être pas incompatibles, et l'avenir dira s'il a eu raison de parier sur la curiosité des Lyonnais.

Plus d'informations bientôt disponibles sur le site officiel de l'Opéra de Lyon.

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