Interview d'Anna Pirozzi : je suis tellement contente d’être à Paris !

Xl_anna-pirozzi_soprano_interview © charlmarais

La soprano Anna Pirozzi nous a accordé un entretien quelques heures avant la Générale de La forza del destino à Paris et alors qu’elle ne savait pas encore qu’elle assurerait également la Première, en remplacement d’Anna Netrebko. Ce fut l’occasion de constater à quel point elle était heureuse de se produire enfin dans la Grande Maison et de passer en revue ses engagements passés comme ses projets proches ou plus éloignés.

***

Bonjour Anna Pirozzi, le 12 décembre, dans des circonstances particulières, vous avez dû assurer la Première de La forza del destino, sur la scène de l’Opéra Bastille ; n’étiez-vous pas trop stressée ?

Anna Pirozzi : Si forcément ! Mais tout s’est si bien passé ! En effet, le 12, j’ai dû remplacer ma collègue Anna Netrebko qui était très malade. J’avais commencé les répétitions deux semaines auparavant, j’étais donc prête et d’accord pour assurer ce remplacement.

C’était, à la fois votre première à l’Opéra de Paris, en assurant, de plus, cette première de La forza. Voilà un sacré challenge !

Oui, c’était, tout à la fois, évident… et stressant ! Un tel défi ne pouvait que provoquer beaucoup d’adrénaline. Mais j’avais tellement envie de chanter dans ce beau (et très grand !) théâtre ! La première fois que j’ai vu la salle, je me suis dit : « Ô mon Dieu ! Est-ce qu’ils vont m’entendre tout là-haut ? » (rires)

Nous n’avions pas beaucoup de doutes là-dessus !

Ajoutons que l’acoustique est vraiment belle…

Vous allez aussi assurer prochainement, et comme prévu, la fin de série de cette Forza

Le 24, le 27 et le 30 décembre, en pleine période des fêtes.

Vous fêterez donc Noël à Paris !

Oui ! Puis, je passerai le réveillon dans ma famille en Lorraine. Ensuite, je reviendrai à Paris pour la série des Trouvère et j’y resterai jusqu’à la mi-février.

La Force du destin (2022-2023) © Charles Duprat - OnP

En effet, on vous retrouve fin janvier à Bastille, dans le rôle d’une autre Leonora, celle du Trouvère. Quelles sont les différences entre la Leonora de La Forza et celle du Trouvère ?

Bien que les deux opéras soient de Verdi, ce sont deux écritures un peu différentes. La Leonora de La Forza est très lyrique, très dramatique, quand l’écriture musicale de la Leonora du Trovatore est plus héroïque ; il y a notamment plus d’aigus. Je peux donc y montrer autre chose.

J’ai chanté ce dernier rôle plusieurs fois, alors que celui de La Forza, je l’ai interprété une fois seulement, avant l’actuelle série à Bastille. C’est, tout de même, un rôle très difficile pour la soprano.

Dans La Forza, la partie de la soprano est lourde, en effet, avec trois airs importants…

… Trois airs importants… et un double duo avec Padre Guardiano et c’est la partie la plus compliquée pour moi !

Comme on l’a dit, vous vous produisez dans deux opéras cette année à l’Opéra de Paris. Vous y reverra-t-on l’an prochain ?

Absolument, mais je ne peux pas encore dire dans quoi (sourire) ! Ce sera une surprise !

Vous aviez déjà chanté à Paris avant cela…

I due Foscari Salle Gaveau © Thibault Vicq

En effet, j’avais interprété Abigaille et Lady Macbeth au Théâtre des Champs-Élysées et Lucrezia dans I due Foscari à la salle Gaveau.

Revenons à votre carrière. Quels ont été vos grands rôles chez Verdi ?

J’ai tenu le rôle d’Abigaille (de Nabucco) dans le monde entier (sauf à Bastille et au Metropolitan), ainsi que celui de Lady Macbeth. Ce sont les deux rôles que j’ai chantés le plus.

Ensuite, comme je l’ai dit, il y a eu Le Trouvère, La Forza ainsi qu’Aïda, I due Foscari, Ernani, Attila et Don Carlos… ce dernier opéra une fois, en version concert. Je reprendrai le rôle d’Elizabeth l’an prochain en version scénique à Piacenza en Italie. J’en suis très heureuse, car je l’aime beaucoup.

Puccini tient aussi une part importante dans votre carrière…

J’ai commencé avec Tosca puis il y a eu Turandot ; c’est un rôle que tout le monde me demande, mais je veille à ne pas trop le mettre dans mon planning, car je suis encore jeune vocalement. J’ai également interprété Manon Lescaut à Liège et à Palerme (en version de concert).

Dans quelle version de Turandot avez-vous chanté ?

Dans la version qui se termine avec la mort de Liu, comme dans celle avec le final d’Alfano. Dans le premier cas, c’est assez facile pour moi, car Turandot n’est qu’une demi-heure sur scène ; une demi-heure, certes bien puissante (rires), mais c’est plus facile qu’Abigaille ou Lady Macbeth.

Vous rechantez Turandot à Londres prochainement.

En mars, oui, avec le grand maestro Antonio Pappano !

Y a-t-il d’autres rôles chez Puccini que vous pourriez envisager ?

Oui, la Minnie de La fanciulla del west que j’aurais dû interpréter cette année, mais cet engagement a été annulé… J’espère néanmoins pouvoir l’aborder bientôt.

J’ai vu que vous étiez prévue dans Adriana Lecouvreur à Liège, mais que vous avez été remplacée.

En effet, et je dois présenter mes excuses au public liégeois, car j’ai annulé pour un projet qui me tenait à cœur : chanter Medea de Cherubini dans une mise en scène de David McVicar à Athènes, pour le centenaire de la Callas. Cette prestation à Athènes, dans ces circonstances, est vraiment essentielle pour moi !

C’est au Stravros Niarchos Hall, un très beau théâtre.

Ce sera ma première fois là-bas.

Alors, malgré cette annulation, pensez-vous, bientôt, aborder Adrienne Lecouvreur ?

Oui… à vous de deviner où… (rires)

C’est Elena Mosuc qui vous remplace à Liège…

Oui et c’est drôle, car il y a quelques années, c’est moi qui l’avais remplacée dans Roberto Devereux à Bilbao… et cette année, ce sera l’inverse.

pour aller plus loin
Il Pirata prend d'assaut l'Opéra de Monte-Carlo

Chronique. Il Pirata prend d'assaut l'Opéra de Monte-Carlo

C’est là où je vous ai découverte. Ce fut un choc pour moi ! C’était magnifique !

Je dois le dire, j’adore le répertoire de bel canto et je souhaite le développer dans l’avenir. Je rappelle que j’ai déjà chanté Il Pirata de Bellini à Monte-Carlo. J’aimerais interpréter les trois Reines de Donizetti et reprendre Norma. Il y a des projets dans ce sens.

Et du côté des rôles véristes ?

Comme pour Abigaille et Macbeth, des opéras que j’ai beaucoup chantés, je vais faire une pause de ce côté-là, par exemple pour Cavalleria Rusticana.
Andrea Chénier, il y a déjà longtemps que je ne le chante plus. Je veux désormais rester dans le lyrico-spinto.
En revanche, j’ai beaucoup aimé interpréter Gioconda et j’aimerais la reprendre, car c’est un rôle qui est, il est vrai dramatique, mais aussi lyrique.

Puisqu’avec cette Forza, vous faites votre entrée à l’Opéra de Paris, une nouvelle maison pour vous, nous pouvons en profiter pour passer en revue les maisons dans lesquelles vous vous produisez… Dans lesquelles vous sentez-vous le mieux ?

Tout d’abord, je dois dire que cela faisait longtemps que je voulais chanter à Bastille ; d’abord parce que je parle français, que ma famille habite en France et que je veux qu’ils puissent venir m’écouter. Je suis donc très contente d’être là !

Pour répondre à votre question, je me sens réellement bien partout. Lorsque je me produis dans les petits théâtres italiens, le public m’aime beaucoup et je me sens « comme à la maison ». Je me sens également très bien en Espagne, à Madrid et à Barcelone. Et l’expérience au Metropolitan de New York a été vraiment très belle. Ce qui est drôle, c’est que je remplaçais déjà Anna (Netrebko) dans Macbeth. Je retournerai au MET l’année prochaine pour Il Tabarro dans Il Trittico.

Enfin, je dois avouer que je rêve de faire une Ouverture à la Scala. Mais, je crois que je n’y suis pas très appréciée par la direction actuelle.

Anna Pirozzi © charlmarais

Y a-t-il d’autres projets en route ?

Oui, un projet pour moi important : c’est celui d’enregistrer un disque. Nous devrions enregistrer prochainement un opéra de bel canto, et ce sera aussi, pour moi, une prise de rôle. J’aimerais aussi réaliser un album d’airs de Verdi. Je suis dans la même agence que Freddie de Tommaso, alors j’espère que nous allons pouvoir faire beaucoup de choses ensemble.

Parlons un peu des partenaires avec qui vous avez eu des belles expériences.

Avec Freddie précisément, nous avons donné Macbeth à Vienne ainsi qu’une Tosca très émouvante à Covent Garden. Je me rends compte que j’ai vraiment besoin d’avoir à mes côtés quelqu’un qui chante en accord avec ma voix. Par ailleurs, je dois citer Luca Salsi qui est le baryton avec qui j’ai beaucoup chanté (Nabucco, Macbeth…). Et puisque comme je suis avec lui dans cette Forza parisienne… je dois dire également que je suis fan de Ludovic Tézier. Mais, malheureusement, nous n’avons pas de véritable scène en commun.

Il nous reste à vous souhaiter de belles représentations de La forza et de très belles fêtes. À Très bientôt Anna !

À bientôt à Paris ! Vive la France ! (rires)

Propos recueillis par Paul Fourier
décembre 2022

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading