Tannhäuser à l'Opéra de Flandre

Xl_tannhauser © Annemie Augustijns

Après le succès remporté par sa (superbe) mise en scène de Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch l'an passé, Calixto Bieito revient à l'Opéra de Flandre, monter Tannhäuser de Richard Wagner cette fois. Avouons d'emblée que nous n'avons franchement pas apprécié le spectacle, à l'instar de sa production toulousaine de Turandot en juin dernier. Le trublion catalan s'adonne de manière bien trop immodérée (et souvent gratuite) - à notre goût - à sa marque de fabrique : le cocktail sexe/violence/hémoglobine. Scènes choisies : au I, Venus s'enfonce frénétiquement le poing de Tannhäuser dans l'entrejambe avant de le forcer tout aussi frénétiquement à un cunilingus dont le héros n'a absolument pas envie (il prend une mine dégoûtée...). Au II, les compères-chanteurs de Tannhäuser se déshabillent puis s'enduisent de sang les uns les autres, sans qu'on comprenne pourquoi... avant de violenter Elisabeth et de se la passer comme un jouet (sexuel). Son oncle le Landgrave la lutine d'ailleurs aussi au passage, pourquoi se priver ?... Au III, Elisabeth avale goulûment le terreau qui recouvre la scène comme le ferait une démente ses excréments, tandis que Wolfram doit chanter sa superbe Romance à l'étoile à quatre pattes en rampant dans ce même terreau... après s'être introduit la robe d'Elizabeth dans l'entrejambe ! On en passe et des meilleures... 

Carton plein, en revanche, en ce qui concerne le plateau vocal. Renversante Chrysothemis (Elektra) et Lady Macbeth (de Mzensk) ici-même la saison dernière, nous retrouvons avec bonheur Ausrine Stundyte dans le personnage de Vénus, avec lequel la soprano lituanienne semble faire corps. Physiquement et vocalement, le rôle lui va à merveille, avec un timbre idéalement chaud et un aigu ravageur. La soprano allemande Annette Dasch possède elle aussi le rayonnement requis par Elisabeth, avec une voix qui a gagné en lumière et en ampleur depuis que nous l'avons entendue dans le rôle d'Elsa (Lohengrin) au Liceu de Barcelone il y a quelques saisons.

De son côté, le ténor allemand Burkhard Fritz s'avère un Tannhäuser sur lequel on peut compter. Une fois stabilisée son émission, il n'a plus laissé retomber la tension avec un déchirant « Erbarm dich mein » au II, et un récit de Rome superbement maîtrisé. Saluons aussi la force de conviction de l'acteur, qui contrebalance un physique ingrat. Enfin, Daniel Schmutzhard campe un Wolfram raffiné et percutant à la fois, tandis qu'Ante Jerkunica offre un grandiose Landgrave, à la basse noble et à la diction parfaite.

Mais le vrai triomphateur de la soirée est incontestablement Dmitri Jurowski. A la tête de l'Orchestre Symphonique de l'Opéra de Flandre, d'une parfaite cohésion et aux superbes sonorités, le chef russe impose une dynamique très contrastée, conférant aux passages lyriques une dimension quasi chambriste, sans omettre les paroxysmes là où nécessaire.

Emmanuel Andrieu

Tannhäuser de Richard Wagner à l'Opéra de Flandre – Du 19 au 27 septembre à l'Opéra de Gand & du 4 au 17 octobre 2015 à l'Opéra d'Anvers

Crédit photographique © Annemie Augustijns

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