Julien Véronèse : « Nous autres artistes sommes tous des artisans »

Xl_julien_v_ron_se © DR

Depuis quelques années, la basse française Julien Véronèse est devenue incontournable sur les scènes lyriques du sud de la France, et plus particulièrement celles du Sud-Ouest, d’où il est originaire. C’est ainsi que nous avons plus l’applaudir dans Samson et Dalila à Monte-Carlo en novembre 2018, dans Fantasio à Montpellier un mois plus tard, dans Rigoletto à Marseille en 2019, dans Parsifal à Toulouse en 2020, dans Werther (de nouveau à Montpellier) en 2021, et plus récemment dans Béatrice et Bénédict de Berlioz au festival du même nom - avant de le retrouver, le mois prochain, dans La Bohème de Puccini dans son théâtre favori du Théâtre National du Capitole… comme il nous le confesse dans l’interview qu’il nous a accordée !

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Opera-Online : Comment êtes-vous devenu chanteur lyrique ? Quels ont été vos débuts ?

Julien Véronèse : J’ai commencé la musique tard, en l’occurrence par le piano et vers l’âge de seize ans, et je suis arrivé au chant vraiment par hasard, car c’est ma professeure de piano qui, en m’entendant parler avec ma voix grave, m’a conseillé de m’orienter vers le chant lyrique. Après mon bac, je me suis présenté au Conservatoire de Toulouse, où j’ai été pris en 2000, et après six années passées là-bas, je suis parti au CNIPAL de Marseille, où j’ai continué ma formation, et en 2007 j’ai pris un agent et commencé ma carrière professionnelle. Mes débuts ont eu lieu à Marmande avec le personnage d’Albert dans Werther – à l’époque je chantais en voix de baryton –, après avoir été repéré au fameux Concours de chant de cette même ville.

Vos deux dernières prestations étaient Claudius dans Hamlet de Thomas à Montpellier en juillet et Somarone dans Béatrice et Bénédict de Berlioz à la Côte St André en août. Que représente le répertoire français pour vous, en général, et ces deux titres en particulier ?

C’est en effet mon répertoire préféré, car j’aime ma langue maternelle et le répertoire français en général, que j’ai beaucoup travaillé et creusé. J’ai eu la chance de beaucoup étudier la Mélodie française avec des grands comme Gabriel Bacquier ou Mady Mesplé, et j’ai par ailleurs participé à l’Académie de Michel Plasson, avec qui j’ai adoré travailler. J’ai beaucoup de plaisir à défendre le chant français, qui n’est jamais assez bien servi, d’autant qu’il regorge de pépites qui ne demandent qu’à être redécouvertes. Quant aux deux personnages que vous citez et que j’ai récemment incarné, c’est un peu le grand écart car ce sont deux parties très différentes l’une de l’autre, entre un rôle de personnage noble et torturé et celui d’un joyeux luron qui aime fréquenter les tavernes, et c’est justement cette diversité que j’apprécie.

Votre Dulcamara à Bordeaux en avril dernier, puis votre Basilio à Toulouse un mois plus tard, témoignent également de vos affinités avec le belcanto

En effet, le répertoire italien me tient également à cœur, et j’ai eu la chance de chanter Dulcamara non seulement à Bordeaux, mais aussi à Toulouse et à Québec. Comme mon nom l’indique, je suis d’origine italienne, bien que né en France, et trois de mes grands-parents sont italiens. J’ai commencé à écouter de l’opéra avec les grands titres de Verdi, Rossini ou Puccini et les grandes voix italiennes avec Pavarotti et Freni, et j'ai vite pris le virus.

Les mises en scène des deux productions du Sud-Ouest étaient plutôt sages et bon enfant, gentiment décalées. Comment vous y êtes-vous intégré et que pensez-vous des (re)lectures radicales dont certains ouvrages font l’objet ?

Depuis quinze ans que je fais ce métier, j’ai surtout participé à des productions « traditionnelles », et quelques-unes, plus rares, tirant vers le regietheater. Mais je vous avouerais que je ne suis ni pro ni anti l’une ou l’autre, même si j’ai une préférence pour les mises en scène dites « classiques ». Pour les plus « contemporaines », du moment qu’elles respectent la partition et la musique, les artistes mais aussi le public, je n’ai rien contre. J’ai toujours pensé que nous autres artistes sommes tous des artisans, au même titre qu’un ébéniste ou un menuisier : on travaille tous notre art, et dans mon cas la voix, et ce de manière très artisanale ; ça permet de garder une certaine humilité vis-à-vis de notre métier, et du respect par rapport aux œuvres que l’on défend. Ce que je désapprouve dans certaines productions, en revanche, c’est la volonté qu’il peut parfois y avoir de choquer pour choquer, ou de vouloir faire le buzz à tout prix, avec une idée commerciale derrière.

Quels sont vos projets ? et vos rêves en termes de rôles/répertoire ?

Cette saison, je chanterai par deux fois au Théâtre National du Capitole : d’abord le personnage de Colline dans La Bohème, et juste après Figaro dans Les Noces, ce qui sera mon premier rôle-titre « à la maison », car je me considère comme un enfant du pays. Bref, c’est un vrai bonheur pour moi que de me produire dans cette maison, par ailleurs avec des partenaires que je connais bien et que j'apprécie beaucoup.
Quant aux rêves, je ne pourrais pas citer un rôle en particulier car j’aime des styles de musique très différents, et les rôles qui me plaisent sont innombrables. Je suis avant tout très heureux de faire ce métier, de pouvoir me produire sur scène, d’en vivre, et je mesure chaque jour ma chance. Mon rêve, c’est donc de pouvoir continuer à chanter le plus longtemps possible ! (rires)

Propos recueillis en septembre 2022 par Emmanuel Andrieu

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