Des valeurs sûres et des paris à l’Opéra Comique pour la saison 2021

Xl_ope_racomique2021 © DR Opéra Comique

La fin de la saison 2020 se profile à l’Opéra Comique, avec Hippolyte et Aricie et la reprise de Fantasio d’Offenbach (on en rendait compte en 2017). Une paire comparable lui succédera pour ouvrir 2021 : d’abord Titon et l’Aurore, pastorale héroïque de Mondonville, compositeur choisi au milieu du XVIIIe siècle par la cour pour représenter la musique nationale face à l’émergence de l’opéra italien – nous avions d’ailleurs profité de son Amour et Psyché à l’Opéra de Dijon en diptyque avec Pygmalion, de son contemporain Rameau. Reinoud Van Mechelen donnera la réplique à sa fugitive amoureuse (Gwendoline Blondeel), aux côtés de Julie Roset, Emmanuelle de Negri, Marc Mauillon et Renato Dulcini. William Christie et ses Arts Florissants seront de retour Salle Favart après leurs démentes Fêtes vénitiennes de Campra en 2015, dans une production de marionnettes de Basil Twist, en coproduction avec Château de Versailles Spectacles.

C’est alors que surgit La Belle Hélène imaginée par l’excentrique Michel Fau (vue à Lausanne l’année dernière, avant Liège pour les Fêtes), et qui vaudra à Marie-Nicole Lemieux une prise de rôle de l’icône-titre. Les membres de la Nouvelle Troupe Favart (Philippe Talbot, Kangmin Justin Kim, Franck Leguérinel, Jean-Claude Saragosse, Pierre-Emmanuel Roubet, Thomas Morris, Yoann Dubruque) chanteront dans l’énergie communicative des Frivolités Parisiennes, dirigées par Pierre Dumoussaud.

La formation reprendra du service quelques semaines plus tard dans Le Voyage dans la lune, du même trublion. La production de Laurent Pelly planifiée en mai dernier pourra enfin résonner avec la cheffe Alexandra Cravero et la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique ! L'ouvrage est typique du genre de l’opéra-féerie, que les prodiges de l’électricité ont facilité fin XIXe. La création mondiale Les Éclairs (troisième opéra de Philippe Hersant, premier livret lyrique de Jean Echenoz d’après son roman presque éponyme de 2010), racontant le quotidien du scientifique Nikola Tesla, apparaît donc comme une évidence place Boieldieu ! L’ingénieur autrichien (Jean-Christophe Lanièce) peu prudent se fera ainsi rouler par Edison (André Heyboer), aux yeux d’Elsa Benoit, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Jérôme Boutillier, François Rougier et du chœur Aedes. Ariane Matiakh tiendra la baguette de l’Orchestre Philharmonique de Radio France pour sa première venue à Favart. Notons le cofinancement avec le Théâtre national croate – Zagreb et l’Opéra National Grec : encore une œuvre nouvelle qui pourra au moins un peu voyager ! À la mise en scène, le sociétaire de la Comédie-Française Clément Hervieu-Léger reconstituera cette société américaine des années 1880.

Éric Ruf, l’administrateur général de l’institution théâtrale parisienne, y propose depuis 2015 sa version de Roméo et Juliette de Shakespeare. Il reprendra les décors et la mise en scène de cette production pour les adapter à l’opéra de Gounod. Cette démarche « écoresponsable », partagée avec l’Opéra national de Washington, l’Opéra de Rouen Normandie (qui fait venir son orchestre à Paris, sous l’égide de Laurent Campellone), le Théâtre de la Ville de Berne et l’Opéra de Toulon Provence Méditerranée, ouvrira sans doute la voie à de nouveaux fonctionnements économiques… Les amants de Vérone auront la voix de Julie Fuchs et Jean-François Borras, au cœur du conflit entre les clans Capulet (Jérôme Boutillier, Marie Lenormand, Yu Shao, Yoann Dubruque) et Montaigu (Adèle Charvet, Philippe-Nicolas Martin).

L’Orfeo de Monteverdi sublime lui aussi une histoire éternelle. Pauline Bayle, qui a transposé Homère et Balzac sur les planches, entre dans le monde de l’opéra avec une belle équipe : Marc Mauillon et Luciana Mancini en couple mythologique, ainsi que Jordi Savall et Le Concert des Nations. Versailles et l’Opéra Grand Avignon accueilleront plus tard le spectacle. Si Orphée voit son Eurydice succomber deux fois, Léonore empêche la mort de Florestan dans Fidelio. L’unique opus lyrique de Beethoven revient enfin Rive droite dans une version scénique, confiée à Cyril Teste (magicien vidéo à l’œuvre dans le magnifique Hamlet en 2018). Siobhan Stagg était Marzelline à Genève en 2015 ; elle sera ici le rôle principal, libérant son mari (Michael Spyres) des griffes de Don Pizarro (Gábor Bretz). Raphaël Pichon élargira le répertoire de son ensemble Pygmalion, pour un spectacle qui tournera à l’Opéra Nice Côte d’Azur et à l’Opéra de Dijon.

Parmi les initiatives jeunesses, les concerts en chansigne feront leur apparition, en plus des habituels rendez-vous Mécanopéra et des après-midi Porte 8 Kids renouvelés cette saison.

Et parce que la solidarité est un des piliers du projet artistique, l’Opéra Comique et la Fondation de France réserveront désormais chaque année cinq bourses de 9500 euros chacune à de jeunes solistes prometteurs. La maison d’Olivier Mantei a obtenu à nouveau cette année le double label « Diversité » et « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » délivré par l’AFNOR. Outre la production de Roméo et Juliette, la réutilisation de bouteilles plastiques dans les décors du Voyage dans la lune, ou l’organisation d’un colloque annuel portant sur « le spectacle lyrique face au défi écologique », la Salle Favart a lancé une « réflexion » entre étudiants, chercheurs et partenaires du Théâtre au sujet du développement durable. Greenwashing de communication ou projet à long terme ? La question du « comment faire ce qu’on sait faire avec moins d’empreinte carbone » a au moins le mérite d’être soulevée. En tout cas, la potion magique de l’Opéra Comique est certaine de retrouver son public derrière le boulevard des Italiens et en dehors de l’Île-de-France (et de France tout court) en cette année 2021 !

Thibault Vicq

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