L’Opéra Comique capitalise sur son patrimoine et son réseau pour sa saison 2020

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Les Journées européennes du patrimoine ouvrent toutes les portes de l’Opéra Comique, jusqu’aux ateliers de costumes. La Salle Favart a accueilli aussi ce dimanche sa présentation de saison, dont l’introduction avec les lourdes considérations sur les vertus de l’abonnement (le mot a dû être prononcé plus de trente fois en moins de cinq minutes) a vite fait place au vif du sujet. Le directeur général Olivier Mantei a rappelé les missions de son « économie » : l’Opéra Comique tient son succès de ses coproductions, et est la première maison lyrique en France en termes de tournées. L’accessibilité reste une priorité, non seulement quant à la visibilité (tous les spectacles sont enregistrés et filmés, disponibles en streaming ou en DVD), mais aussi quant aux publics (la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique a recruté 48% de ses effectifs en zone prioritaire). La collaboration a bon vent pour Olivier Mantei : aussi co-propriétaire du Théâtre des Bouffes du Nord, il puise les équipes de création de ses productions d’un théâtre à l’autre, offrant de nouveaux regards sur les œuvres lyriques tout en rendant les prédictions de programmation presque automatiques. La saison 2020 de l’Opéra Comique déroge un peu à la règle, en revenant sur le patrimoine récent de la maison.

Alors que L’Inondation, création mondiale de Francesco Filidei s’ouvre Salle Favart à partir de vendredi, Macbeth Underworld de Pascal Dusapin vient de se révéler à la Monnaie de Bruxelles. Le compositeur nancéien reviendra présenter fin mars cet opéra aux variations shakespeariennes place Boïeldieu, avant de lever les amarres pour l’Opéra de Rouen Normandie en mai. Franck Ollu dirigera l’Orchestre Philharmonique de Radio France et la distribution réunira Katarina Bradić, Georg Nigl, Gidon Saks, Ekaterina Lekhina, Lilly Jørstad et Christel Loetzsch dans une mise en scène de Thomas Jolly. Le Fantasio peu enjoué de ce dernier sera également repris pour les Fêtes, sous la baguette de Laurent Campellone et avec un rôle-titre endossé par Marianne Crebassa comme lors de la naissance de la production au Châtelet en 2017.

Rab d’Offenbach en mai, avec Le Voyage dans la lune, en coproduction avec l’Opéra national grec, sous les manettes scéniques de Laurent Pelly (qui avait déjà monté, in locoLe Roi malgré lui de Chabrier en 2009) et sous la battue d’Alexandra Cravero, avec Les Frivolités Parisiennes. Le spectacle prend le pari de faire investir le plateau vocal uniquement par la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique. Le trublion de Cologne faisait en effet chanter ses rôles par des interprètes du même âge !

La Maîtrise sera bien occupée à l’occasion de la troisième édition de Mon Premier Festival d’Opéra, programmation familiale qui verra une reprise de la fantastique Petite balade aux enfers d’après Orphée et Eurydice de Gluck, une adaptation du Don Quichotte de Massenet, ainsi qu’un opéra de 2013 sur le premier être vivant envoyé en orbite (Laïka, le chien de l’espace). L’ensemble choral marchera la tête haute pour une nouvelle production de Carmen, à l’automne. La mise en scène est confiée à Andreas Homoki, directeur de l’Opernhaus Zürich (institution coproductrice avec le Beijing Music Festival, celui-ci continuant son partenariat avec l’Opéra Comique après l’inoubliable Hamlet de 2018) qui connaît le Théâtre pour avoir présenté David et Jonathas en 2013. Gaëlle Arquez incarnera la séductrice, face au Don José de John Osborn, de l’Escamillo de Jean-François Lapointe et de la Micaëla de Nathalie Manfrino. Dans la fosse, Long Yu chapeautera les instrumentistes de l’Orchestre Symphonique de Shanghaï. Selon la dramaturge Agnès Terrier, il faut s’attendre à une lecture du mythe de Carmen qui traverserait les époques, comme un concept universel que chaque culture a pu s’approprier depuis la création de l’opéra de Bizet Salle Favart en 1875.

À l’instar de nos amis zurichois, qui ont pu découvrir une nouvelle production d’Hippolyte et Aricie de Rameau en mai dernier (par Jetske Mijnssen), l’Opéra Comique révélera en novembre ce titre selon Jeanne Candel, en cofinancement avec l’Opéra Royal de Versailles. La complice de Samuel Achache (dont Songs, à la Croix-Rousse, avait ébloui notre consœur Elodie Martinez) conçoit la musique comme un élément moteur du théâtre, dans des dispositifs scéniques et performatifs qui ont été entre autre joués aux Bouffes du Nord.  Nous retrouverons Raphaël Pichon et Pygmalion, ainsi qu’un plateau de premier choix : Reinoud Van Mechelen, Elsa Benoît, Sylvie Brunet-Grupposo, Stéphane Degout, Lea Desandre, Nahuel di Pierro

Pour fêter le début de l’été, un saut de 86 ans en arrière nous mènera au Bourgeois gentilhomme de Molière, mis en musique par Lully. Le prédécesseur d’Olivier Mantei, Jérôme Deschamps, aura la double casquette d’acteur et réalisateur, tandis que Marc Minkowski et Thibault Noally animeront Les Musiciens du Louvre, avec quatre chanteurs : Sandrine Buendia, Paco Garcia, Lisandro Nesis et Jérôme Varnier.

Terminons enfin là où tout commence : le spectacle inaugural de la saison ouvrira les rideaux sur La Dame blanche de Boïeldieu, premier spectacle de l’institution ayant connu plus de mille représentations ! L’Orchestre national d’Île-de-France effectuera son grand retour Salle Favart depuis sa réouverture en 2017, aux côtés de Julien Leroy et du chœur Les éléments. Pauline Bureau obtient une confiance renouvelée après Bohème, notre jeunesse pour ressusciter cette perle du répertoire avec les membres de la Nouvelle Troupe Favart (Philippe Talbot, Elsa Benoit, Sophie Marin-Degor, Jérôme Boutillier, Aude Extrémo, Yann Beuron et Yoann Dubruque).

L’Opéra Comique de 2020 dialogue ainsi avec son passé, à travers le patrimoine qu’il représente et continue à faire connaître, avec le début du XXIe siècle par l’ère Jérôme Deschamps, et avec son avenir par les nœuds commerciaux et artistiques qu’il lie à l’international.

Thibault Vicq

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