Berlin 2017/2018 : saison multicolore pour paysage en transition

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Cette fois, c’est sûr, le chantier est fini : la Staatsoper de Berlin revient à Unter den Linden, les Champs-Élysées berlinois, le 3 octobre prochain – même s’il faudra attendre décembre pour que tous les travaux soient finis et que la maison reprenne un fonctionnement normal. Opera-Online fait le point sur ce que la nouvelle saison lyrique berlinoise a à proposer aux spectateurs, à la Staatsoper comme dans les autres lieux d’un paysage lyrique unique au monde.

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Staatsoper Unter Den Linden

Le 3 octobre, donc, ce n’est pas un opéra qui marquera la réouverture de la Staatsoper, mais les Scènes du Faust de Goethe de Schumann. Jürgen Flimm, qui dirige la maison depuis 2010, met en scène avec l’aide du plasticien Markus Lupertz, et l’orchestre est dirigé, comme il se doit, par le vrai maître des lieux, Daniel Barenboim. Et même si ce n’est pas un opéra, les amateurs de voix seront servis : les habitués de la scène berlinoise que sont René Pape et Roman Trekel sont rejoints par une des plus prometteuses voix françaises, Elsa Dreisig, qui est désormais membre de la troupe. La troupe, à Berlin, n’est pas synonyme de petits rôles : elle y chantera aussi Violetta, Pamina ou l’Euridice de Gluck, dans des productions du répertoire.

L’autre événement de la saison de la Staatsoper, c’est comme toujours à Pâques, avec un bref et très prestigieux festival autour d’un nouveau Falstaff, mis en scène par Mario Martone et dirigé – comme il se doit – par Barenboim : on y entendra Nadine Sierra et Maria Agresta, mais ce sera surtout l’occasion d’une prise de rôle stimulante, celle du sombre et entier Michael Volle en Falstaff ; et Barenboim remettra sur le métier un spectacle auquel il tient particulièrement, le Parsifal vu par Dmitri Tcherniakov. Barenboim, d’ailleurs, montre son enthousiasme pour le travail de Tcherniakov sur Wagner, puisqu’il le réinvite en mars, cette fois pour Tristan et Isolde, avec Andreas Schager et Anja Kampe – à des prix plus raisonnables que ceux du festival pascal.

Mais le public international viendra plus encore pour un autre spectacle : Macbeth dirigé par Daniel Barenboim et mis en scène par Harry Kupfer suffirait largement à remplir les salles, mais le couple meurtrier est interprété par Plácido Domingo et Anna Netrebko : les places ne seront mises en vente que le 7 octobre, à vos claviers !

Face au faste retrouvé de la Staatsoper, les deux maisons qui forment avec elle une fondation (Opernstiftung) destinée à mieux coordonner l’activité lyrique à Berlin auront fort à faire. La Deutsche Oper Berlin avait voisiné pendant les travaux Unter den Linden avec la Staatsoper, hébergée pendant ce temps dans un théâtre à quelques pas d’elle ; la Deutsche Oper pourra donc au moins retrouver son exclusivité sur l’Ouest berlinois. On va y entendre, avant tout, le grand répertoire, avec des distributions très variées, alternant membres de la troupe et grands noms internationaux (Anja Harteros dans Lohengrin, oui… mais pour une seule soirée !). Les deux grands moments annoncés de la saison seront une création mondiale d’Aribert Reimann qui, après Debussy et Dukas, met en musique Maeterlink, et la poursuite d’un cycle consacré à Meyerbeer : cette fois, ce sera Le Prophète, avec Gregory Kunde et Clémentine Margaine. Les autres nouvelles productions mélangent raretés relatives, avec Le Voyage à Reims et Le miracle d’Héliane de Korngold, et deux titres inusables, Carmen et La Chauve-Souris (mise en scène par Rolando Villazón !), dans les deux cas sans éclat particulier : le fond de commerce de la maison, c’est le répertoire sans risque, et il est peu probable que cela change dans l’immédiat.


Komische Oper Berlin (2007)

La Komische Oper Berlin a un profil trop original pour véritablement souffrir de la concurrence : pas de grands noms, certes, mais des répertoires rares et des mises en scène audacieuses qui ont, elles aussi, leur public. Côté XXe siècle, le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui affronte le monumental Satyagraha de Philip Glass, le maître de maison Barrie Kosky se réserve le terrifiant et hilarant Nez de Chostakovitch ; mais l’Opéra-Comique, avec des moyens qui ne sont pas ceux des grandes scènes mondiales, ose aussi les capiteux Stigmatisés de Franz Schreker, une œuvre de plus en plus présente sur les scènes mais difficile à appréhender : que pourra en faire Calixto Bieito ? Le répertoire est certes lui aussi présent, avec un Don Giovanni délirant mis en scène par le trépidant Herbert Fritsch ou la Flûte enchantée pleine de vidéos féériques du collectif 1927 ; mais l’identité de la Komische Oper, depuis des décennies, c’est la muse légère, avec une attention particulière pour le méconnu répertoire berlinois ; mais c’est Offenbach qui sera à la fête cette saison avec une nouvelle production de Barbe-Bleue : certes, il faudra accepter la traduction allemande, mais la mise en scène de Stefan Herheim pourra au moins intriguer, et le soin unique avec lequel la maison monte ce répertoire est irremplaçable. Et comme la maison joue essentiellement les week-ends, les voyageurs lyriques de France et d’ailleurs y seront comme chez eux.

Dominique Adrian

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