Radio France en 20-21 : la voix bien portante

Xl_radio-france-saison-2020-2021-opera © DR

Au-delà de ses ondes indispensables, Radio France ne cesse de s’engager pour la musique – populaire, novatrice, réinterprétée, redécouverte – à travers ses quatre formations propres : l’Orchestre National de France, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le Chœur et la Maîtrise de Radio France. La maison ronde en bord de Seine a dévoilé dernièrement sa saison de concerts 20-21, comme toujours d’une richesse émérite, où la voix est traitée comme un medium parmi d’autres pour s’intégrer dans des programmes protéiformes. L’Auditorium et le Studio 104 restent les lieux privilégiés de ces escapades auditives soigneusement sélectionnées par quatre directeurs musicaux rompus à la recherche de sens à l’échelle d’une saison entière. Le chant s’y affiche raffiné, en contrepoint des épisodes symphoniques et chambristes s’enchaînant dans la même soirée.

Les quelques mois restants pour fêter les 250 ans de la naissance de Beethoven seront amortis avec une Missa Solemnis autour de Genia Kühmeier, Wiebke Lehmkuhl, Steve Davislim, Matthias Goerne et du chef Andrés Orozco-Estrada. La Neuvième, dirigée début janvier par Vasily Petrenko, et avec Laura Aikin, Tone Kummervold, Daniel Frank et Matthew Rose, constituera l’after de ces célébrations, qui appelleront celles de Stravinsky (décédé il y 49 ans). La Messe de ce dernier sera d’ailleurs interprétée sous la baguette de Mikko Franck, directeur musical du Philharmonique, en association avec Beethoven is calling de Kaija Saariaho en création française et avec une œuvre de Camille Pépin en première mondiale. Les incontournables du compositeur du Sacre du printemps n’ont pas été omis (notamment L'Histoire du soldat, récitée par Robinson Stévenin et mise en scène par Charlotte Lagrange), et quelques-unes de ses raretés feront surface, comme le Capriccio pour piano et orchestre, le Scherzo fantastique, ou un Chant funèbre dont le manuscrit a été découvert en 2015.

Sur le plan de l’opéra, cap sur le Théâtre des Champs-Elysées, que le National investira dans Salomé par Krzysztof Warlikowski en novembre, et où le Chœur de Radio France s’installera pour les représentations de La Somnambule, mise en scène par Rolando Villazón en juin (tous les détails de la saison avenue Montaigne ici). Retour à la Maison avec Amor Azul, opéra de Gilberto Gil (le célèbre chanteur brésilien à l’origine du mouvement tropicaliste) et Aldo Brizzi en création mondiale. La soprano Barbara Hannigan, artiste résidente à Radio France, chantera et dirigera La Voix humaine (elle était magistrale dans ce rôle à l’Opéra national de Paris en 2015) dans une composition vidéo de Denis Guéguin. On la retrouvera avec le Philharmonique, chantante dans Hommage à T.S. Eliot de Sofia Goubaïdoulina, et multifonctions à la Philharmonie de Paris dans un concert associant Pulcinella de Stravinsky (aux côtés de Julia Dawson, Ziad Nehme, et Douglas Williams) et La Gaîté parisienne d’Offenbach dans la transcription de Manuel Rosenthal.

Parfois, les voix font irruption au cours d’une symphonie. Ce sera le cas de Jodie Devos dans la Quatrième de Mahler, de Matthias Goerne dans la Treizième (« Babi Yar ») et la Quatorzième (ici accompagné de l’incandescente Asmik Grigorian) de Chostakovitch. La mélodie trouvera aisément sa place : en formation intime, le baryton Andrè Schuen répondra au violoncelliste Marc Coppey et au Quatuor Diotima dans des lieder de Schubert ; côté Philharmonique, Iwona Sobotka donnera son chant aux Wesendonck Lieder de Wagner (dirigés par Marek Janowski), Catherine Trottmann offrira le cycle « C’est l’extase » de Debussy, et on entendra Fatma Said dans Wiener Blut de Johann Strauss fils (direction Thomas Hengelbrock) ; côté National, un Nouvel An avec Anne-Sofie von Otter et la jeune cheffe Dalia Stasevska (un voyage Sibelius, Grieg, Peterson-Berger, Gershwin, Weill et Styne), les Sieben frühe Lieder de Berg par Chen Reiss sous la baguette de Daniele Gatti. Leonardo García Alarcón fera une infidélité à sa Cappella Mediterranea pour un concert Piazzolla et Nadia Boulanger, incluant quatre chansons du compositeur argentin incarnées par Mariana Flores.

Karen Harnay rejoindra quant à elle les musiciens du National dans le Stabat Mater pour soprano et quintette à cordes de Boccherini, tandis que Te Deum n°2 « Pour l’impératrice » de Haydn résonnera avec la battue de Václav Luks et les lignes solistes de Marita Sølberg, Maximilian Schmitt et Krešimir Stražanac. On continuera à prendre de l’ampleur avec Un requiem allemand de Brahms, embarquant la soprane Camilla Tilling, le baryton Stephen Powell et le chef David Zinman. La dernière saison d’Emmanuel Krivine à la tête de l’Orchestre National de France sera ponctuée par sa prise en main du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn au Théâtre des Champs-Élysées, chanté par Christina Landshamer et Anna Stéphany, et récité par Éric Ruf (de la Comédie-Française).

Les deux orchestres travaillent également le répertoire baroque. En témoignent une Passion selon saint Jean emmenée par Ton Koopman, avec Ilse Eerens, Maarten Enfeltjes, Tilman Lichdi, Klaus Mertens et Jesse Blumberg, ainsi qu’une Messe en si modelée par Trevor Pinnock, et convoquant Christina Landshamer, Sasha Cooke, Werner Güra et Konstantin Wolff. Les ensembles invités complètent la palette XVIIIe : Julien Chauvin avec son Concert de la Loge pour le Stabat Mater de Pergolèse (solos de Florie Valiquette et Adèle Charvet), Louis-Noël Bestion de Camboulas et Les Surprises dans des pages recréées de Rameau et Bernard de Bury (Marie Perbost, Jehanne Amzal, Eugénie Lefebvre, Clément Debieuvre, Tassis Christoyannis et Étienne  Bazola se succèderont sur scène), Vincent Tournet et La Chapelle Harmonique dans le Magnificat de Bach (avec Joanne Lunn, Anna-Lena Elbert, Anthea Pichanick, Krystian Adam, Matthew Brook).

Pour le Chœur de Radio France, Martina Batič a bâti une programmation autour du projet « Chorus Line », soit une dizaine de concerts étalés sur l’année dans des facettes variées : on savourera entre autres la Messe solennelle avec orgue de Louis Vierne, Six Lieder de Max Bruch, une thématique des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, Trois chants sacrés d’Alfred Schnittke, Bernstein avec orgue et le Quatuor Beat, les Carmina Burana de Carl Orff, des messes de Frank Martin et du compositeur de musique de film Howard Shore (ce concert sera aussi l’occasion rare de voir jouer du thérémine !). Le RIAS Kammerchor, dirigé par son directeur artistique Justin Doyle pour un concert de la généalogie Bach, et accentus (chapeauté par Marcus Creed) se produiront également à la Maison de la radio.

Sofi Jeannin a prévu pour Maîtrise de Radio France de nombreux rendez-vous hors-les-murs en sus des collaborations internes (dont un concert exclusivement de compositrices et un spectacle conçu par la violoniste Patricia Kopatchinskaja), tels que Wozzeck et La Passion selon saint Matthieu à la Philharmonie de Paris (toutes les infos sur ces productions ici).

Il est important de noter qu’une grande part des concerts-fiction, de la musique de chambre et de la programmation jeune public est portée par les musiciens des formations de Radio France. Une autre caractéristique du lieu est l’engouement pour la création contemporaine, reflété par le Festival Présences en février (cette année avec le projecteur sur Pascal Dusapin, après une édition 2020 consacrée à George Benjamin). Le calendrier de septembre à juillet sera rythmé par des créations françaises d’Olga Neuwirth, Thierry Escaich, Hans Abrahamsen ou Luca Francesconi.

On croise en tout cas les doigts pour pouvoir entendre l’Orchestre National de France et l’Orchestre Philharmonique de Radio France aux Chorégies d’Orange, cet été, respectivement dans La Force du destin et Samson et Dalila, si le COVID-19 n’a pas rendu d’ici-là impraticable tout événement culturel.

Rendez-vous sur le site des concerts de Radio France pour le détail de la saison 20-21.

Thibault Vicq

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