La Monnaie de Bruxelles bouscule le destin pour sa saison 2023-24

Xl_saison-opera-2023-2024-la-monnaie-de-bruxelles © La Monnaie / De Munt

« Nos vies sont-elles prédéterminées par le caractère prétendument inéluctable du destin ? » Telle est la question posée par le Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles pour définir sa saison 2023-24 (et une partie de la saison 2024-25), sous-titrée There Will Be Fate. Et la question fait manifestement écho au point d’orgue de la saison : un nouveau Ring de Richard Wagner dans une mise en scène inédite de Romeo Castellucci, en coproduction avec le Gran Teatre del Liceu de Barcelone. La Tétralogie de Wagner se déclinera sur deux saisons, d’abord L'Or du Rhin et La Walkyrie pour la saison 2023-24, puis Siegfried et Le Crépuscule des dieux en 2024-25. La production est confiée à la baguette du directeur musical de la maison, le chef Alain Altinoglu pour accompagner les voix notamment de Gábor Bretz, Peter Hoare, Scott Hendricks, Eric Cutler, Sally Matthews ou encore Ingela Brimberg.

Deux créations : Cassandra et Ali

La Monnaie se présente comme une maison de création, très ancrée dans l'époque. L’établissement ouvrira donc sa saison avec Cassandra, une commande de la Monnaie à son ancien directeur Bernard Foccroulle, sur un livret de Matthew Jocelyn. Inspiré par l’activisme écologique face à l’inertie de nos sociétés contemporaines, l’ouvrage du compositeur belge entend « confronter la Cassandre de la mythologie "soumise au destin", à son alter ego contemporain, la "libre" Sandra, une activiste climatique », de sorte de faire « résonner une voix lyrique dans le débat écologique ». Dirigée par le chef Kazushi Ono, la production sera mise en scène par Marie-Eve Signeyrole « en concertation avec des jeunes militants du mouvement Youth for Climate » et notamment portée par Katarina Bradić dans le rôle principal.

La saison proposera également la première mondiale d’Ali, ouvrage inspiré du parcours du jeune Ali Abdi Omar, jeune Somalien ayant « échappé à la terreur dans son pays natal en empruntant la route migratoire meurtrière reliant la Corne de l’Afrique au cœur de l’Europe ». La musique est signée Grey Filastine, compositeur de musique électronique et un artiste multimédia, avec Walid Ben Selim et Brent Arnold, sur un livret du metteur en scène et dramaturge Ricard Soler Mallol. La création sera portée sur scène par le contre-ténor Sanele Mwelase, originaire de Johannesburg.

Des relectures du répertoire

La saison 2023-24 de la Monnaie fait aussi une place au répertoire, mais la maison belge le renouvelle en en proposant une relecture articulée autour « d’assemblages ». En 2020, la Monnaie avait déjà imaginé un condensé des trois grands opéras italiens de Mozart ; cette année 2023, l’établissement bruxellois réitérait avec Bastarda, composé des meilleurs moments des opéras « Tudor » de Donizetti ; et la saison prochaine, elle se focalisera sur les « années de galère » de Verdi avec Nostalgia e Rivoluzione, « un florilège de grands chœurs, d’airs brillants et de finales magistraux » des œuvres du compositeur. Présenté comme une création originale du metteur en scène Krystian Lada et du chef d’orchestre Carlo Goldstein, le projet entend explorer les premiers succès de Verdi, ses « années de galère » puis les œuvres qui en ont fait le « maestro assoluto » du répertoire italien – ou comment le jeune compositeur aux idéaux progressistes a progressivement évolué vers une approche plus traditionnaliste de son art. Donnée en deux parties en mars 2024, la production sera notamment portée sur scène par le ténor Scott Hendricks (pour la première partie) et Enea Scala (pour la seconde), aux côtés notamment de Nino Machaidze.

Pour conclure sa saison 2023-24, la Monnaie donnera aussi une nouvelle production de Turandot. Un monument du répertoire lyrique mais selon le directeur de la Monnaie Peter de Caluwe, la production imaginée par le metteur en scène Christophe Coppens « ose renverser plusieurs idées reçues ». Turandot, interprétée en alternance par Ewa Vesin et Svetlana Aksenova, n’y est plus la princesse glaciale que dépeint l’ouvrage habituellement, mais « une femme que son passé a conditionnée à ne jamais aimer, mais qui tente néanmoins de nouer des liens » notamment avec Calaf interprété par Stefano La Colla et Amadi Lagha. La direction musicale est confiée à Kazushi Ono.

Et des reprises attendues

Notons également deux reprises d'opéra attractives. D’abord Le Conte du tsar Saltane de Rimski-Korsakov dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov créée en 2019. Le metteur en scène abordait l’œuvre comme un « conte merveilleux » avec des costumes et décors colorés et la production était saluée par la critique – notamment récompensée de l’International Opera Award de la « meilleure nouvelle production ». Elle sera donc reprise à la Monnaie en décembre 2023, dirigée par Timur Zangiev avec sur scène de nouveau la basse Ante Jerkunica, Bogdan Volkov ou Svetlana Aksenova.

En guise de contrepoint aux exubérances du Conte du tsar Saltane, la Monnaie reprendra aussi The Turn of the Screw (le Tour d'écrou) de Benjamin Britten dans la mise en scène d’Andrea Breth – déjà donné en 2021, mais uniquement dans le cadre d’une retransmission en ligne du fait de la pandémie. En mai 2024, on pourra donc (re)découvrir la production sur scène avec Sally Matthews et Julian Hubbard dont les prestations avaient été saluées en 2021.

En 2023-24, la Monnaie s’interroge et nous encourage à nous interroger sur le caractère inéluctable du destin qui s’imposerait à nos vies. Au regard des choix résolument artistiques de Peter de Caluwe, manifestement prompt à bousculer les carcans voire à renverser les traditions (opératiques), on imagine que la maison bruxelloise a déjà quelques solides idées pour répondre à la question qui sous-tend la saison à venir. Le détail du programme, entre opéras, ballets, mais aussi récitals et concerts, est disponible sur le site de La Monnaie / De Munt.

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