5 questions à Adrian Sâmpetrean

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Nous avions prévu d'interviewer Adrian Sâmpetrean cet été au festival de Macerata à l’occasion d'un Don Giovanni mis à l'affiche de la célèbre manifestation italienne, mais la basse roumaine a changé ses plans à la faveur d'un heureux événement, et c’est à l'Opéra de Monte-Carlo la veille de la Première d’une Carmen (dans laquelle il interprétera le rôle d’Escamillo) que nous le retrouvons pour quelques questions…

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Opera-Online : Comment est née votre vocation pour l’opéra ? Quel a été votre parcours ?

Adrian Sâmpetrean : Eh bien, disons qu’il aurait été difficile pour moi d'éviter cette passion… Elle est née en regardant et en écoutant mes parents chanter sur la scène de l'Opéra National Roumain de Cluj-Napoca, car oui, ils sont tous les deux chanteurs d'opéra, soprano et basse. Je peux dire que j'ai grandi dans les coulisses et même si j'avais d'autres voies en tête pour mon avenir jusqu'à l'âge de 18 ans, cette passion est finalement devenue de plus en plus forte et me voilà maintenant très heureux d'avoir choisi ce chemin. L’âge de dix-huit ans peut sembler tard pour commencer une carrière de chanteur lyrique, mais je pense que c'était le bon âge pour moi surtout parce que ce fut le moment où j'ai décidé par moi-même ce que je voulais vraiment, sans être influencé par personne. Bien sûr, j'ai toujours eu mes parents à mes côtés pour me soutenir et me guider, et de fait mon père est mon professeur de chant depuis mes débuts jusqu'à aujourd'hui.

Quand on regarde votre planning, on constate qu’Alidoro et Don Giovanni sont les personnages que vous chantez le plus souvent. Vous les affectionnez par ailleurs particulièrement ?

En fait… non ! (rires) Alidoro est l'un des rôles que j'ai le plus chanté, probablement dans mon top 3, mais pas Don Giovanni que j'ai commencé à chanter il y a seulement trois ans. Le rôle que j'ai le plus chanté est définitivement celui de Leporello, et de loin... J'ai eu la chance de le chanter dans diverses mises en scène, avec beaucoup de merveilleux collègues et chefs d'orchestre, et cela m'a donné beaucoup de joie et de développement artistique personnel. Je pense que le numéro 2 sur la liste des rôles que j'ai le plus chantés doit être Ramfis. Mais revenons à votre question, je peux dire que tous les rôles que j'interprète sont spéciaux pour moi, certains plus que d'autres, mais tous ont quelque chose d'unique. Bien sûr que Don Giovanni est très attrayant, le rôle possède une vocalità merveilleuse, une passion intense et un incroyable tempérament, il offre donc beaucoup de choses à incarner, mais Philippe II dans Don Carlos (NDLR : nous l'y avons entendu à l'Opéra national de Bordeaux en 2015) ou Raimondo dans Lucia di Lammermoor, ou encore Dulcamara n'en offrent pas moins... Ce que j'aime le plus, en fait, c'est exactement cette diversité, la chance d'être des personnages différents et d'essayer d'exprimer leurs sentiments, leurs combats intérieurs, leurs croyances : c'est comme pour un court moment vivre la vie de quelqu'un d'autre, et il faut arriver à être crédible même si ces personnages sont éloignés de votre propre nature... et s’avèrent même parfois d’absolus contre-emplois ! (rires)

Vous allez chanter à partir de demain le personnage d’Escamillo à l’Opéra de Monte-Carlo dans une production du maître des lieux Jean-Louis Grinda. Comment percevez-vous ce héros, et la vision qu’en a Grinda rejoint t'elle la vôtre ?...

C’est toujours un grand plaisir que de chanter dans ce théâtre, où j’ai chanté mon premier Dulcamara (NDLR : nous l’avons entendu dans le rôle à l’Opéra Royal de Wallonie en 2015) ; maintenant, je vais y chanter mon premier Escamillo, les deux fois à l’idée de Jean-Louis Grinda, et je ne peux que le remercier pour ces opportunités. Avec à chaque fois un niveau et une qualité artistiques très élevés, ce théâtre donne aux artistes vraiment l'impression d'être dans une famille, où tout le monde est si sympathique et positif, et c’est à mon avis très important. C'est la deuxième fois que je travaille avec Jean-Louis Grinda dans une de ses productions, et comme il y a cinq ans pour Leporello dans Don Giovanni (NDLR : nous y étions aussi), on est tout à fait d'accord sur les constructions du personnage. Je pense qu'Escamillo est un personnage très clair, très confiant, mais en même temps très sympathique, endurci par les corridas mais également un gentleman. Il possède un sens de l'humour très fin face à la mort qu’il côtoie à chaque fois qu'il entre dans l'arène, mais tout en aimant la vie : ce sont ses traits principaux et c'est l’idée sur laquelle nous avons travaillé pour créer ce personnage.

Votre répertoire fait une large place au belcanto. Quel travail particulier sur la technique vocale exige spécialement cette musique ?...

Le belcanto est, comme son nom l'indique, du beau chant. Ainsi, le phrasé, le legato et le chant expressif sont, à mon avis, les caractéristiques les plus importantes du belcanto. Bien sûr, cela nécessite une bonne technique, de manière très naturelle et flexible, pour que la voix et sa chaleur puissent couler et peindre de belles couleurs. Et comme souvent dans la vie, puisqu'il faut que ce soit naturel et simple, c'est très difficile ! (rires)

Quels sont à la fois vos prochains engagements, mais aussi les rôles que vous souhaiteriez aborder dans un futur proche ?

Avec ce que nous vivons actuellement, où presque tout est annulé, il est très difficile de dire ce que l'avenir nous réserve, et donc de parler des projets futurs. Je ne sais pas trop, mais si nous pouvons contrôler la pandémie, je chanterai probablement mon premier Figaro et mon premier Méphistophélès dans La damnation de Faust l'année prochaine (NDLR : à Katowice, en Pologne). Ensuite, dans le futur, j'aimerais chanter Zaccaria dans Nabucco, car c'est le rôle qui m'a donné envie de commencer à chanter quand j'ai vu mon père l’interpréter. Quant aux autres rôles, celui sur lequel je me concentre vraiment en ce moment est le rôle de père... car je suis papa pour la première fois depuis peu !...

Propos recueillis le 19 novembre 2020 par Emmanuel Andrieu

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