Saison 2024-2025 : l'Opéra de Lyon, « maison de la voix et du mouvement »

Xl_opera_de_lyon_2024_2025 © Opéra de Lyon

Comme le veut désormais la coutume, l’Opéra national de Lyon profitait ce weekend de son festival annuel pour annoncer sa prochaine saison. L'occasion également de faire un point sur la situation de l'établissement, qui connaît un taux de fréquentation de 91%, dont 27% ont moins de 29 ans, et 76% ne viennent voir qu'un seul spectacle durant la saison. Au vu de la programmation annoncé, nous ne serions pas étonné que ce dernier chiffre diminue compte tenu des belles surprises qui attendent le public...

C’est dans la salle de danse au dernier étage, avec une vue panoramique sur la ville depuis sa coupole, que l’Opéra de Lyon accueillait la conférence de presse et nous révélait sa programmation 2024-2025. Celle-ci comporte dix opéras (dont une version de concert) dont le répertoire s’étend du XVIIIe siècle à l’époque contemporaine (avec deux créations). Cinq productions seront signées par des metteuses en scène, et l’on comptera deux compositrices et deux librettistes femmes. Le directeur de la maison Richard Brunel ’a pas manqué d’indiquer que ce sera la première fois que les femmes seront aussi présentes.

À quoi servent les maisons d’opéra ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Richard Brunel a souhaité revenir sur de récentes « prises de position » en posant cette question au centre de bien des débats : « à quoi servent les maisons d’opéra ? » Selon lui, il convient de rappeler que leur mission fondamentale est de garder vivantes les grandes œuvres du passé et de transmettre la diversité de ces œuvres. Il s’agit de biens inaliénables qui appartiennent à tous, au même titre que les œuvres présentes dans les musées. Il ne faut néanmoins pas seulement les conserver, il faut également en proposer des réinterprétations. A côté de cela, une autre de ses missions est de faire découvrir et de créer de nouvelles œuvres, qui sont la traduction artistique de l’époque dans laquelle nous vivons.

Il est vrai que les moyens à sa disposition pour accomplir ces missions sont de moins en moins conséquents. On se souvient notamment qu’en 2021, la ville de Lyon avait drastiquement réduit le budget alloué à l’Opéra, et l’on n’ignore pas non plus que les aides de l’État ont tendance à l’amenuisement. Entre les annonces de Bruno Lemaire – qui prévoit une coupe de 200 millions d’euros dans la Culture – et la Ministre de la Culture – qui défend une conservation des crédits en province –, l’incertitude demeure. Toutefois, l’Opéra de Lyon a aussi de bonnes nouvelles : l'établissement a signé depuis fin 2023 une nouvelle convention d’Opéra National de 2024 à 2027, ainsi qu’un partenariat avec les Hospices Civils de Lyon. Les spectacles pourront par exemple être diffusés dans les salles d’attentes ou de dialyses afin d’aider au mieux les patients dans leur attente. Le partenariat avec Piano à Lyon est également présent cette saison pour les « Grands Récitals ».

Un autre point mis en avant a été celui de la transition écologique dans laquelle s’inscrit la maison lyonnaise, avec notamment une réduction de son impact carbone qui s’inscrit dans la politique d’une ville neutre en carbone d’ici 2030.

Enfin, des séances Relax ont été évoquées. Ces séances commencent à se multiplier afin de permettre à un public qui ne peut habituellement pas se rendre aux spectacles de venir à l’Opéra, comme les personnes ayant des troubles mentaux. Les artistes sont prévenus du risque de réactions inattendus ou inhabituelles de la part de ce public.

De nombreuses nouvelles productions en 2024-2025

La saison débutera par Wozzeck, absent de la scène lyonnaise depuis plus de 20 ans. Cette production marquera la première collaboration avec l’Opéra royal de Stockholm, et fera entendre Stéphane Degout dans le rôle-titre, aux côtés d’Ambur Braid« prodigieuse » Eva dans Irrelohe en 2022 ou encore impressionnante dans La Femme sans ombre en 2023 – dans le rôle de Marie. Daniele Rustioni dirigera l’orchestre de la maison, et c’est son directeur, Richard Brunel, qui en signera la mise en scène. Il explique s’être inspiré de l’univers du Truman Show et l’exploration d’un labyrinthe mental. Wozzeck serait un cobaye sur lequel on fait des expériences, à la manière des personnes qui acceptent de tester de nouveaux médicaments contre une rémunération.

Pour les Fêtes de fin d’année, le public retrouvera Laurent Pelly qui signera Il Turco in Italia en coproduction avec le Teatro Real de Madrid où le public a pu découvrir la production en fin de saison 2023. Adrian Sâmpetrean retrouvera le rôle de Selim, Sara Blanch celui de Donna Fiorilla et Florian Sempey celui de Prosdocimo, sous la baguette de Giacomo Sagripanti qui dirigeait déjà la production à Madrid. Le chef laissera toutefois deux dates à Clément Lonca, qui a notamment déjà assisté plusieurs fois Daniele Rustioni. Le « prometteur » Alasdair Kent – entendu par exemple à Montpellier dans La Cenerentola – interprétera pour sa part Don Narciso.

Après l’actuelle Fanciulla del West – sur laquelle nous reviendrons prochainement –, Puccini sera à nouveau à l’honneur en janvier 2025 avec Madame Butterfly, en coproduction avec le Festival d’Aix-en-Provence où elle sera donnée cet été. Un événement pour le public lyonnais qui pourra entendre Ermonela Jaho, qui n’était pas revenue à Lyon depuis 2011 pour Luisa Miller. La mise en scène est signée par Andrea Breth qui jouera sur les regards : celui de Butterfly sur le monde, mais aussi celui des Occidentaux sur le monde de Cio-Cio San et leurs fantasmes. L’Opéra a par ailleurs prolongé son partenariat avec le festival jusqu’en 2027.

Enfin, l’Opéra de Lyon clôturera sa saison lyrique avec Cosi fan tutte, dans une mise en scène de Marie-Eve Signeyrole, sous la direction musicale de Duncan Ward qui fera ses premiers pas dans la fosse lyonnaise. Tamara Banjesevic, qui nous a particulièrement marqué dans Elias cette saison, reviendra pour l’occasion dans le rôle de Fiodiligi. Elle sera rejointe par Deepa Johnny (Dorabella) ou encore Ilya Kutyukhin (Guglielmo).

Un festival pour « Se saisir de l’avenir »

Le festival 2025 sera l’occasion de réunir trois œuvres avec des personnages en prise avec leur avenir, parfois avec résilience. La première production sera une nouvelle production de La Force du Destin imaginée par Ersan Mondtag – à qui l’on doit notamment un Lac d’argent déjanté et un Forgeron de Gand « habile, humoristique et politique ». Daniele Rustioni dirigera un plateau composé de Riccardo Massi, Igor Golovatenko, Michele Pertusi ainsi qu’Elena Guseva que le public lyonnais a déjà vu briller sur la scène de l’Opéra de Lyon, déjà « formidable de bout en bout » dans L’Enchanteresse en 2019, et grande et belle Tosca en 2020, ou encore actuellement dans La Dame de Pique. Pauline Bayle signera 7 Minuti de Giorgio Battistelli, un opéra syndical inspiré de faits réels et dont la création nous avait particulièrement convaincu en 2019 à Nancy. C’est justement une création qui sera donnée comme troisième œuvre du festival : L’Avenir nous le dira, de Diana Soh (nommée cette année aux Victoires de la Musique Classique). Il s’agit d’une commande pour la Maîtrise de l’Opéra, d’une œuvre pour chœur d’enfants et orchestre mécanique. Ici, un groupe d’enfants doit apprendre à s’adapter face aux fluctuations qu’ils rencontrent, et il va finalement reprendre les choses en main.

Opéra itinérant, reprise et concerts

Outre les nouvelles productions et la création que l’on vient de mentionner, la saison 2024-2025 proposera une autre création : celle d’un opéra itinérant intitulé Le Sang du glacier de Claire-Mélanie Sinnhuber, mis en scène par Angélique Clairand. Il s’agira d’un conte fantastique prenant racine dans la problématique de la fonte des glaces, des incidences qui en découlent. Après sa création, une cinquantaine de représentations sont prévues durant huit semaines. Quand aucune salle ne sera disponible, le spectacle sera donné dans deux camions accolés l’un à l’autre, permettant une centaine de places. Le but est de provoquer la rencontre avec le public et d’aller chercher celui-ci.

Chaque année, l’Opéra de Lyon se lie au Théâtre des Champs-Elysées pour un opéra en version de concert en octobre. Cette année, ce sera Andrea Chenier, avec Riccardo Massi dans le rôle-titre, Anna Pirozzi en Madeleine de Coigny, ou encore Amartuvshin Enkhbat en Carlo Gérard.

En mai, Peter Grimes reviendra à Lyon après sa dernière venue en 2014, lors du festival Britten de l’époque. Il ne s’agit toutefois pas de la reprise de cette production, mais celle du Theater an der Wien qui a connu un « grand retentissement » (selon Richard Brunel), signée par Christof Loy – et dont nous rendions compte dans nos colonnes allemandes. Sean Panikkar tiendra le rôle-titre, mais la distribution comprend également Sinéad Campbell-Wallace (Ellen Orford), Andrew Foster-Williams (Capitaine Balstrode) ou encore Anne Sofie von Otter (Mrs Sedley).

Enfin, une série de concerts sera également proposée durant la saison, notamment de la musique de chambre, Daphnis et Chloé, le Requiem de Fauré ou encore un récital de Natalie Dessay et Philippe Cassard.

A noter également que la saison prochaine accueille une nouvelle promotion de l’Opéra Studio composée de cinq solistes pour deux ans. Ils ont été choisis parmi plus de 1100 candidatures venues de 78 pays.

Cette prochaine saison permettra donc de retrouver des œuvres classiques sans pour autant oublier la création, de même que l’on retrouvera de grands noms mais aussi de jeunes talents. Ainsi que le veut sa mission, l'Opéra de Lyon se tourne ainsi vers le passé mais s’inscrit aussi pleinement dans le présent et l’avenir.

Elodie Martinez

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