Don Giovanni à l'Opéra de Monte-Carlo

Xl_dg2 © Alain Hanel

Après les deux derniers grands succès qu'ont constitués Guillaume Tell, puis le couplé Pagliacci/Eine Florentinische tragödie, c'est l' « Opéra des opéras » que propose actuellement l'Opéra de Monte-Carlo : Don Giovanni de W. A. Mozart. Jean-Louis Grinda remonte ici une production qu'il avait créée in loco en 2008 (alors qu'il dirigeait la destinée de l'Opéra Royal de Wallonie), et nous ne pourrons que nous en réjouir, car c'est un spectacle aussi séduisant pour le néophyte que pour les initiés qu'il signe là, une production inventive où les scènes s'enchaînent avec une fluidité toute cinématographique. Les images sont esthétiques et fortes, réunissant une synthèse parfaite entre un classicisme de bon aloi et des idées originales : le premier air de Donna Anna nous vaut ainsi - grâce à une projection en ombre chinoise - un discours tout autre que celui qu'elle tient à Don Ottavio, tandis qu'à la fin Don Giovanni est emporté par les fantômes vampiriques d'anciennes victimes. Véritable fête du théâtre, cette mise en scène ménage un parfait équilibre entre les dimensions suggérées par le qualificatif de dramma giocoso, en laissant à d'autres le soin de sonder la profondeur métaphysique de cet opéra énigmatique entre tous.

Une incroyable distribution réunit une équipe quasi parfaite. Erwin Schrott incarne un Don Giovanni aussi beau qu'odieux, d'une sensualité lascive et animale, facétieux et désinvolte, sûr de ses talents de séduction. Son charisme se double d'un aplomb vocal saisissant, la basse urugayenne conférant une vibrante intensité à chacune de ses phrases en cultivant l'art de la litote. A ses côtés, le roumain Adrian Sempetrean impose un Leporello à peine moins dangereux, mais sur un mode plus rustique et populaire. Le timbre est charnu autant que précis, l'articulation claire, et la violence sous-jacente de ces coups de gueule rend parfaitement plausibles ses aspirations à se substituer à son maître.

Propulsée depuis peu sur le devant des plus grandes scènes internationales, la soprano bulgare Sonya Yoncheva soulève l'enthousiasme en Donna Elvira grâce à son beau chant vibrant, son timbre ardent et l'intensité dramatique de son jeu. De vérité dramatique et d'émotion, le chant de Patrizia Ciofi n'en manque pas non plus. Par ailleurs, la classe technique de la cantatrice italienne s'impose dans « Non mi dir », tant pour le cantabile que pour d'impeccables coloratures, ou dans sa capacité à planer au dessus du « trio des masques ».

Le ténor russe Maxim Mironov campe un Ottavio aux aigus sûrs, avec une longueur de souffle et une faconde acquises au contact des compositeurs italiens de l'Ottocento. Loriana Castellano offre un portrait plein de sensualité de Zerlina : le timbre est étoffé, l'aigu facile, le jeu scénique restituant avec finesse les émois du personnage, tandis que la jeune basse argentine Fernando Javier Rado tire son épingle du jeu en Masetto. Cette distribution sans faiblesse est enfin complétée par le sombre et implacable Commandeur de la basse florentine Giacomo Prestia.

A la tête d'un orchestre magnifiquement disposé, le chef italien Paolo Arrivabeni opte pour des tempi plutôt larges et soigne particulièrement les changements de climats. Il n'est pas pour rien dans le formidable succès obtenu par la production au moment des saluts.

Emmanuel Andrieu

Don Giovanni à l'Opéra de Monte-Carlo, jusqu'au 29 mars 2015

Crédit photographique © Alain Hanel

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