Un Barbier de Séville plein de vitalité à l'Opéra national du Rhin

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Pour ouvrir la saison de l’Opéra national du Rhin, le choix d’Eva Kleinitz s’est porté sur un titre-phare du répertoire : Le Barbier de Séville. Le grand soleil que contient la partition de Gioacchino Rossini s’accorde parfaitement à l’ambiance chaleureuse de l’Opéra de Strasbourg, surtout lorsque la phalange dans la fosse, l'Orchestre Symphonique de Mulhouse, est entraînée par l’enthousiasme communicatif du chef italien Michele Gamba : une direction idéalement rossinienne, vibrante et spirituelle, parfaite dans son contenu purement stylistique… et donc pleine de fantaisie ! Le jeune Gamba – qui avait attiré notre attention au Théâtre du Capitole en mai dernier (dans Macbeth de Verdi) – maintient une constante respiration rythmique, rigoureuse et vivante ; dès la célèbre ouverture, le public strasbourgeois lui accorde une ovation méritée.

Tout aussi séduisante s’avère la proposition scénique de Pierre-Emmanuel Rousseau, qui ne laisse aucun répit aux protagonistes de ce Barbier. A l’image de la musique et de la direction orchestrale, sa mise en scène s’avère de bout en bout pétillante, réjouissante et d’une remarquable fluidité. Tirant parti d’une distribution vocale où les chanteurs ont l’âge des personnages, il y insuffle un véritable esprit de troupe, avec un mouvement et une complicité qui n’appartiennent qu’au théâtre. Homme aux multiples talents, il signe également les décors – un espace qui sent bon l’Andalousie avec ses azulejos, son patio orné d’un bassin central, et ses Madonnes habillées d’or – et les costumes, très fidèles à l’esprit de ce que l’on a vu dans cet ouvrage depuis deux siècles (avec cependant une pointe de fantaisie supplémentaire...). Côté fantaisie justement, on retiendra la scène où Rosine sort des suraigus alors que Berta manipule maladroitement sa chevelure, ou celle où elle prend un faux air de Tosca, le couteau bien vissé à la main, tandis que Bartolo l’accable de remontrances ! Bref, pas d’incongruités ici, sinon beaucoup d’humour, un respect entier de l’ouvrage et surtout une admiration émue – cela se sent à chaque instant – pour le chef d’œuvre de Rossini.

Même satisfecit pour la partie vocale. Véritable révélation dans Les Noces de Figaro (rôle-titre) en avril dernier à Liège, le baryton croate Leon Kosavic renouvelle notre enthousiasme dans le rôle de Figaro, et séduit par son engagement physique, son incarnation vive et délurée de bad boy balafré, et, bien sûr, par la qualité de son chant. La voix possède le juste format, mais surtout la ligne est ferme, à peine fragilisée dans l’aigu, et bien dessinée. Mais la magnifique Rosine de Marina Viotti lui vole cependant la vedette, notamment grâce à son tempérament de feu ! La mezzo suisse fait cependant preuve d’autres grands atouts : beaucoup de musicalité, une exécution parfaite des vocalises, et un superbe timbre, grave et puissant à la fois. Elle aussi confirme – et plutôt deux fois qu’une ! – la belle impression laissée par son Olga (Eugène Onéguine) in loco en juin dernier.

C’est le jeune ténor roumain Ioan Hotea qui incarne le Comte Almaviva, rôle dans lequel il a remplacé Michael Spyres cet été aux Chorégies d'Orange. Sans être exceptionnel, le timbre est plutôt séduisant (même s’il se pare de quelques nasalités dans le suraigu), le registre haut facile et la voix toujours très bien conduite. On regrette du coup la suppression de la difficile aria « Cessa di piu resistere ». Inversant les tessitures traditionnelles, on a ici droit à un Bartolo-basse et à un Basilio-baryton. Le premier est confié à l'italien Carlo Lepore, qui ne fait qu’une bouchée du redoutable chant syllabique, mais les aigus de son grand air « A un dottor de la mia sorte » le trouve parfois à la peine. Mêmes causes mêmes effets, les graves font défaut à son compatriote Leonardo Galeazzi, notamment dans le célèbre Air de la calomnie, mais le personnage, avec ses allures de Raspoutine, est en revanche croqué avec beaucoup de truculence. Enfin, les compositions de Marta Bauza, Berta bougonne, et d’Igor Mostovoi, Fiorello hâbleur, tout comme les interventions d’un Chœur de l’Opéra national du Rhin magnifique de précision, ajoutent une touche d’ironie de la meilleure veine à cette réjouissante production..

Emmanuel Andrieu

Il Barbiere di Siviglia de Gioacchino Rossini à l’Opéra national du Rhin, le 26 septembre 2018

Crédit photographique © Klara Beck

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