Triste Norma à l'Opéra des Nations de Genève

Xl_norma © Carole Parodi

Quelle saugrenue idée a eu Tobias Richter (dont le successeur, à la tête du Grand-Théâtre de Genèvevient d’être nommé) d’aller chercher cette épouvantable production de Norma imaginée par le duo Wieler/Morabito (qui tient les rênes de l’Opéra de Stuttgart). Navigant entre laideur et absurdité, cette mise en scène nous avait fait horreur lors de son passage au Teatro Massimo de Palerme et, si le cœur du lecteur lui en dit, il peut lire ici tout le mal que nous en avions pensé...

Mais l’attraction principale de cette Norma genevoise résidait dans le rôle-titre confié à la soprano Alexandra Deshorties qui nous avait littéralement « scotché », ici-même il y a deux saisons, en remplaçant Jennifer Larmore au pied levé dans Medea de Cherubini. Las, le Bel Canto romantique ne semble pas être son répertoire de prédilection, et si les aigus sont percutants, ils sont en même temps arrachés à un matériau que l’oreille sent rebelle. Si l’intensité du chant faisait mouche dans Medea – ou encore dans sa Vestale bruxelloise en octobre 2015 –, l’émission vocale de la chanteuse canadienne laisse ici peu de place à la tendresse, et c'est bien dommage, Norma n'étant pas (que) une harpie...

Le timbre de la merveilleuse mezzo roumaine Ruxandra Donose – inoubliable Grande-Duchesse in loco il y a trois saisons – ne connaît pas les mêmes limites, et charge les mélodies confiées à Adalgisa d’une énergie percutante sans que la ligne bellinienne souffre d’un tel excès d’exultation. Certes, ce type d’approche fait fi du désir du compositeur de confier les deux rôles féminins à des cantatrices capables de les aborder avec des voix souples et fines dans l’aigu, mais ce duel de décibels dégage une intensité dramatique suffisamment convaincante pour que le parti pris paraisse acceptable de nos jours. De son côté, la basse italienne Marco Spotti (Oroveso), déjà présent à Palerme, ne parvient pas tout à fait à s’imposer dans ses deux scènes avec chœurs, son compatriote Rubens Pelizzari offrant à Pollione de beaux accents, certes, mais aussi une émission peu chatoyante en plus de quelques notes aigües dépoitraillées. 

Quant au chef américain John Fiore – que nous avions entendu dans le même ouvrage à l’Opéra de Bordeaux en juin 2015 –, il ne prend pas Bellini à la légère : son accompagnement se veut fluide, nerveux, d’une extrême précision rythmique, et le délicat équilibre entre le vent et les cordes est ici réalisé avec un maximum d’éloquence.

On ne sera donc pas venu pour rien !

Emmanuel Andrieu

Norma de Vincenzo Bellini à l’Opéra des Nations de Genève, jusqu’au 1er juillet 2017

Crédit photographique © Carole Parodi
 

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