Norma au Grand-Théâtre de Bordeaux

Xl_norma1 © Guillaume Bonnaud

Norma - l'opéra emblématique du belcanto romantique - est aussi l'un des plus redoutables. Ce chant à l'état pur qu'adorait Chopin, et que le compositeur-pianiste ne s'est pas privé de transposer dans ses œuvres les plus lyriques, a de quoi faire trembler les interprètes par son exigence stylistique plus encore que vocale. C'est donc avec courage que l'Opéra National de Bordeaux s'est lancé dans l'aventure...et le succès est au rendez-vous...même si la proposition scénique – importée d'Opera North et signée par Christopher Alden - a de quoi laisser perplexe !

Le metteur en scène new-yorkais transpose en effet l'action dans le nord de l'Angleterre, au XIXe siècle, dans un communauté qui rappelle les Amish, ne serait-ce que par leurs atours vestimentaires. Pollione et Flavio sont eux des bourgeois endimanchés : le premier finira brûlé vif sur l'immense tronc d'arbre (totémique) qui tient lieu d'unique scénographie tandis que le second sera émasculé... Cela dit, dans Norma, l'essentiel reste le chant, et sur ce plan, la réussite est totale !

Après son enthousiasmante incarnation d'Anna Bolena in loco la saison passée – et avant son Elisabetta dans Don Carlo en septembre prochain -, Elza van den Heever (qui nous a accordé une interview en anglais) comble l'auditoire pour sa première confrontation avec un rôle aussi ancré dans le mythe. Si le célébrissime « Casta Diva » trahit quelques petites inégalités dans la ligne, la voix prend ensuite son assise, et dès le second acte, la soprano sud-africaine se hisse à son meilleur niveau : beauté de l'émission, puissance des accents, souci constant des nuances, dans un mélange irrésistible d'intensité et de dignité. Elle reçoit un triomphe et une standing ovation mérités au moment des saluts.

Pour ses débuts au Grand-Théâtre, le ténor italien Andrea Carè – superbe Giasone dans Medea en avril dernier au Grand-Théâtre de Genève – réussit à transformer Pollione, rôle ingrat par essence, en un véritable protagoniste, au chant lumineux et vibrant. De son côté, la mezzo américaine Jennifer Holloway aborde Adalgisa avec aplomb, et une technique vocale n'appelant aucun reproche. Débutant lui aussi in loco - mais apprécié l'an passé en Sarastro (Die Zauberflöte) à l'Opéra de Nantes -, la basse américaine James Cresswell impose un Oroveso à la voix plus claire que de coutume, tandis que les reflets sombres de la voix de Marie Karall donnent une belle présence à Clotilde, la confidente de Norma. Enfin, le Flavio de Daniele Manischalchi est correct.

Mais le succès de cette Norma réside aussi dans la qualité de l'Orchestre National de Bordeaux, sous la direction d'un chef enthousiaste, l'américain John Fiore. Une mention également pour le chœur masculin, préparé par Salvatore Caputo, et de bout en bout excellent.

Comme nous nous y attendions, une grande Norma est née.

Emmanuel Andrieu

Norma de Vincenzo Bellini au Grand-Théâtre de Bordeaux, jusqu'au 9 juin 2015

Crédit photographique © Guillaume Bonnaud

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