Jakub Józef Orliński : « La culture est un élément essentiel de notre vie »

Xl_interview-jakub-jozef-orlinski © DR

Avec son large sourire et son look décontracté, le contre-ténor polonais Jakub Jozef Orlinski casse les codes de la musique classique. Du haut de ses 30 printemps, le chanteur d'opéra insuffle de la fraîcheur à la musique baroque – notamment en affirmant sa seconde passion, la break-dance. Après un concert enthousiasmant à Avignon en début de saison, nous avons eu la chance de l'entendre dans un Pasticcio conçu par William Christie pour le Festival de Pâques d'Aix-en-Provence, et nous en avons profité pour lui poser cinq questions sur son parcours ou son implication dans l'organisation Opera for Peace... 

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Opera Online : Comment la musique est-elle entrée dans votre vie ? Quel a été votre parcours personnel ? Vous avez été contre-ténor dès le début ?

Jakub Jozef Orlinski : J'ai commencé mon parcours musical dans un chœur amateur appelé « Gregorianum ». J'adorais ça. Nous y interprétions de nombreuses œuvres de la Renaissance de grands maîtres comme T. Tallis, T.L. de Victoria ou G.P. Palestrina, mais aussi des œuvres plus contemporaines. J'ai vraiment aimé chanter dans cette chorale et je ne savais pas vraiment ce que je pourrais faire d'autre, j'ai donc décidé d'entrer à l'Université de musique de Varsovie en tant que contre-ténor. Dès le début, j'ai étudié en tant que contre-ténor. J'y ai eu de grands professeurs et des mentors qui m'ont beaucoup aidé à arriver là où je suis maintenant.

Vous êtes un chanteur lyrique, mais aussi un break-dancer : deux passions différentes mais compatibles ?

De prime abord, ces deux passions semblent très distinctes, mais pour peu que vous consacriez du temps à les travailler l’une et l’autre, des similitudes se font jour et vous prenez conscience que des éléments de l’une de ces formes d’art peuvent être transposés vers l’autre et inversement. C’est ce que j’essaie de faire. J’essaie d’utiliser ces formes d’art de sorte qu’elles se complètent. Bien sûr, il y a certains mouvements très physiques que je ne ferais pas avant de chanter un long concert ou un opéra, mais il y a aussi beaucoup de choses qui peuvent aider à mieux chanter. C'est pourquoi je passe beaucoup de temps à analyser ce qui est bon et ce qui ne l'est pas pour la voix.

On estime parfois que la musique classique s’adresse à un public âgé. Attirez-vous un public plus jeune lors de vos concerts ?

Je dois dire qu'initialement, ce n'était pas mon objectif, mais progressivement, j'ai remarqué que mon style de vie et ma façon de faire les choses attiraient un nouveau public dans les salles de concert et les maisons d'opéra. Donc aujourd’hui, oui, j'utilise de nouveaux outils pour amener le monde de l'opéra et l’univers classique à un public plus large. Je pense qu'il est important de montrer aux plus jeunes que la musique classique peut être vraiment étonnante, fascinante, divertissante, captivante et je pourrais poursuivre l’énumération ici. Je suis heureux de constater que de nombreux jeunes chanteurs d'opéra cherchent vraiment à attirer un jeune public et y parviennent.

Pour moi, la plus grande surprise a été de voir un public vraiment jeune à l’Opéra de Francfort où, il y a quelques années, nous avions donné un récital avec mon pianiste Michał Biel. La salle était pleine de jeunes gens, que nous avons rencontrés ensuite et qui nous ont expliqué que c’était leur première expérience de musique classique. C’est à partir de ce moment que j’ai compris que nous pouvions faire la différence et que nous devions continuer en ce sens.

Vous avez fait vos débuts en 2017 au Festival d'Aix-en-Provence dans l'opéra Erismena de Cavalli. Vous êtes maintenant de retour à Aix pour le Festival de Pâques pour un concert dirigé par William Christie et vous y reviendrez de nouveau en juillet pour un autre rendez-vous pendant le Festival d'été. Pouvez-vous nous parler de l'importance des Festivals d'Aix pour vous, mais aussi celle de William Christie ?

J'adore le Festival d'Aix-en-Provence. Depuis 2016, je viens chaque année. Pas toujours pour chanter mais aussi parfois juste pour profiter de l'atmosphère du festival (qui est unique) et assister à de grands concerts ou performances. J'aime vraiment revenir ici. J'ai été très heureux de faire mes débuts au Grand Théâtre de Provence avec William Christie, Les Arts Florissants et Lea Desandre dans un aussi festival aussi réputé que le Festival de Pâques. Je suis toujours impressionné de constater à quel point ces deux festivals sont incroyablement bien organisés et en mesure d’accueillir des artistes de premier plan du monde entier.

Concernant William Christie, c'est vraiment un rêve d’enfin travailler avec lui ! C'est notre premier projet ensemble et j'espère que ce ne sera pas le dernier. J'admire le travail du maestro Christie depuis de nombreuses années. Je pense avoir visionné tous les DVD de Rameau qui sont sortis sous sa direction. J'étais très heureux de pouvoir enfin rejoindre son équipe et travailler sur ce programme Pasticcio avec lui et son grand orchestre. Nous nous sommes vraiment bien entendus et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes tant amusés pendant toute cette tournée.

Depuis peu, vous êtes ambassadeur d'Opera for Peace. Pouvez-vous nous en parler ?

J'ai été invité à devenir ambassadeur d'Opera for Peace et je suis très heureux de rejoindre tant de personnes formidables au sein de cette organisation. Opera for Peace est un nouveau mouvement culturel qui a pour vocation d'inspirer ses contemporains et de construire un avenir créatif par le biais de la passion et de la détermination. Je pense qu'ils font de grandes choses. Ils organisent des événements, des discussions et de nombreuses sessions et programmes éducatifs avec tous ceux qui les ont rejoint. J’ai moi-même participé à plusieurs événements organisés par Opera for Peace, et tous ont reçu un accueil très positif de la part du public – notamment des étudiants. Grâce aux nombreux contacts et aux artistes extraordinaires qui prennent part aux projets d'Opera for Peace, l'impact culturel est important. J'espère que le projet continuera à se développer et que le plus grand nombre prendra conscience de plus en plus que la culture est un élément essentiel de notre vie.

Propos recueillis par Emmanuel Andrieu
(traduction libre de l'interview réalisée en anglais en avril 2021)

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