Un savoureux Pasticcio concocté par William Christie pour Lea Desandre et JJ. Orlinski au Festival de Pâques

Xl_pasticcio-william-christie-lea-desandre-jj-orlinski-festival-paques-aix-en-provence-2021 © Caroline Doutre

Après avoir entièrement annulé sa dernière édition pour cause de premier confinement, le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence propose, pour cette mouture 2021 (du 27 mars au 11 avril), un format 100 % numérique et entièrement gratuit à partir du site du festival. En ce mercredi 31 mars, ce n’était rien moins que William Christie et son fameux ensemble des Arts Florissants qui étaient à l’affiche, aux côtés des deux grands talents émergents de la scène baroque que sont Lea Desandre et Jakub Jozef Orlinski. Pour ces deux artistes et avec l’aide de son premier violon Tami Troman, le chef franco-américain a imaginé un Pasticcio, c’est-à-dire un mélange de diverses œuvres du répertoire baroque des XVIIe et XVIIIe siècles, dans lequel il a inséré quelques morceaux de jazz et de comédies musicales, autant par facétie que par goût personnel.

La soirée débute par des extraits musicaux issus de Zaïs de Jean-Philippe Rameau dans laquelle les dix musiciens réunis autour de Christie (qui dirige depuis son clavecin) offre ce son chaud, rond et expressif qui est comme la marque de fabrique des Arts Florissants depuis près de cinquante ans – malgré le renouvellement de ses membres... hors son pivot qu’est le grand Bill ! Entre deux airs chantés, on pourra savourer le brio de la formation baroque comme dans une étourdissante Ouverture de L’Olimpiade d’Antonio Vivaldi, dans lequel les cordes se font particulièrement remarquer par la légèreté du phrasé, la fluidité et la précision rythmique, mais aussi par la richesse des couleurs.

Côté vocal, c’est Jakub Jozef Orlinski qui ouvre le bal (en t-shirt et baskets blanches), avec un poignant « If the music be the food of love » de Henry Purcell où l’on apprécie, outre la beauté intrinsèque du timbre, l’engagement émotionnel de l’artiste. Le contre-ténor polonais débute la soirée juché sur un tabouret, en miroir avec la chanteuse, de part et d’autre du clavecin de William Christie et du luth de Thomas Dunford qui tiennent une place centrale. Il n’y reste néanmoins pas longtemps et délivre son air en parcourant la scène (mouvements pensés par la soprano anglaise Sophie Daneman). Plus tard, l’aria « Furibondo spira il vento » extrait de Partenope de Haendel lui permet de se déchaîner tant vocalement (quelles vocalises surpuissantes et stratosphériques !) que scéniquement, mais ce sont dans les duos avec Lea Desandre qu’il devient un vrai électron libre, allant jusqu’à nous faire une démonstration de break-dance dans le célèbre « That’s so you » de Douglas Balliett (voir ci-bas, et nous y reviendrons dans une interview qu’il nous a accordée...) !

De son côté, la soprano franco-italienne Lea Desandre – lauréate de la 7e édition du Jardin des voix, académie fondée par William Christie – tire les larmes dans le magnifique « A Chloris » de Reynaldo Hahn, où sa voix épouse de manière envoûtante le poème de Théophile de Viau. Il en va de même des attendrissants accords du luth de Thomas Dunford, qui vient s’agenouiller près d’elle, comme un troubadour au pied de sa bien-aimée. Elle aussi, a le swing dans la peau et c’est autant en dansant qu’en chantant qu’elle interprète, un peu plus tard, le célébrissime « I could have danced all night » (My fair Lady de Loewe), auquel elle donne la vie et le stamina requis. Mais c'est surtout dans un air comme celui extrait de la Zaïs précitée (« Coulez mes pleurs, l’ingrat que j’aime ») que l’on peut le mieux se délecter de son timbre, d’une délicatesse confondante, et de sa ligne de chant, d’une exquise souplesse. Passant d’un registre à l’autre avec le plus grand naturel, elle nous emporte avec son facétieux partenaire dans un « Dancing cheek to cheek » d’Irving Berlin, sur une chorégraphie trépidante de Christophe Garcia. Le concert s’achève par l’émouvant « Pur ti miro » (Le Couronnement de Poppée de Monteverdi), où leurs deux voix s’entremêlent dans une fraîcheur et une sensualité extrêmes.

Après des saluts qui ne récoltent que quelques applaudissements des rares happy few autorisés à assister à la soirée, la vie et la joie reprennent le dessus avec notamment un « All we need is love » (du duo Cartney/Lennon) que la formation baroque entonne de bon cœur avec les deux artistes… qui repartent aussitôt dans un festif et libérateur pas de deux !

Emmanuel Andrieu

Pasticcio, une revue musicale (avec Lea Desandre et Jakub Jozef Orlinski) au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, le 31 mars 2021

Crédit photographique © Caroline Doutre

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