François Lis : « Il faut que les productions lyriques continuent de faire rêver »

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L’emploi du temps de la basse française François Lis, comme la plupart de ses collègues, s’est réduit comme peau de chagrin suite à la crise sanitaire que nous traversons. Mais même sans actualité  hors un Thamos, Roi d’Egypte de Mozart avec l’Orchestre national de Lille en avril prochain (pour l’instant maintenu) , nous avons choisi de mettre sous les projecteurs d’Opera-Online cet artiste de grand talent, comme nous avons encore pu le constater dans les Indes Galantes données au Grand-Théâtre de Genève en décembre 2019 ou encore dans la Carmen de l’Opéra de Paris en 2017…                                        

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Opera-Online : Comment est née votre vocation pour le chant lyrique ?

François Lis : Depuis tout petit je chante, comme j’adorais le faire lors de réunions de famille, et je rêvais même d’être une rock-star ! (rires) Puis j’ai commencé l’étude du piano et de la clarinette, avant d’entrer au CNR de Lille, où j’ai découvert la classe de chant lyrique à quinze ans, et j’ai fini par me consacrer seulement à ça. Par la suite, je suis descendu à la Capitale au conservatoire du 10ème arrondissement dans la classe de Guy Chauvet, avant d’intégrer le CNSMDP.

Vocalement, où vous situez-vous aujourd’hui ?

Je suis une basse chantante, c’est-à-dire une basse lyrique avec de la brillance. Tout naturellement, je privilégie le répertoire français, avec des incursions dans les répertoires italiens et allemands, mais je dois avouer que le russe est également assez jouissif à chanter.

On vous a surtout entendu dans le répertoire baroque comme dans Les Indes galantes de Rameau à Genève ou Les Fêtes vénitiennes de Campra à l'Opéra-Comique. Pourquoi ce répertoire particulier plus qu’un autre ?...

J’ai en effet beaucoup chanté dans des ouvrages de Rameau, car c’est un répertoire très vocal et fort bien écrit pour la voix, et dans lequel on ne m’a par ailleurs jamais bridé vocalement. Cela vient peut-être aussi du fait qu’au début d’une carrière, ce sont des emplois que l’on donne plus facilement. Mais j’ai aussi abordé le répertoire « classique », romantique et même contemporain. J’ai notamment interprété tous les grands rôles de basse chez Berlioz, et aussi pas mal de Rossini, de Mozart ou de Meyerbeer.

Le premier des deux spectacles cités était assez « décalé » scéniquement parlant. D’une façon générale, que pensez-vous des mises en scène modernes ?

Je n’ai rien contre les mises en scène dites « modernes », bien au contraire même, dans la mesure toutefois qu’elles aient du sens, et que le livret ne soit pas trop trituré voire réinventé. Et il faut que les productions lyriques continuent de faire rêver, et qu’elles nous épargnent les artistes habillés en « Guerissol » et qui « forniquent » de tous côtés… (rires)

Les réseaux sociaux sont indispensables pour un chanteur aujourd’hui ?

Internet et les réseaux sociaux sont intéressants pour la diffusion et comme vecteurs pour la création. Par contre, si c’est pour étaler des egos surdimensionnés en diffusant Moi et mon chien, Moi faisant la cuisine, etc. je n’y vois pas grand intérêt… Cet « art » peut et doit se réinventer avec intelligence et talent, surtout à une époque où Internet et la vidéo ont une place primordiale, il y a une multitude de choses à créer, et la conjoncture actuelle s’y prête à merveille.

Les rôles de basses sont souvent des personnages peu recommandables. Y a-t-il du plaisir à jouer les méchants ?

Oui, j’aime à les incarner car ils s’avèrent plus intéressants à défendre. Ils ont plus de facettes et de tonalités différentes à exprimer que les personnages « gentils », de toute façon réservés aux ténors. De plus, l’autorité vocale requise pour ce genre d’emplois me sied plus que la « romance » ! (rires)

La plupart de vos prochaines dates, notamment L’Africaine de Meyerbeer à Marseille, ont été annulées. Comment le vivez-vous ?

Et oui, c’est malheureusement le lot de la plupart d’entre nous depuis un an, et de mon côté mes engagements à Lyon et Toulon cette saison ont été annulés, celui à Marseille est reporté en 23/24, et Lille reste pour l’instant à l’affiche : il n’y a plus qu’à croiser les doigts… C’est très difficile à vivre, de garder la motivation, de continuer l’entraînement et de se projeter. C’est très compliqué également pour nos agents, qui galèrent pour signer de nouveaux contrats. C’est difficile aussi de comprendre certains choix gouvernementaux qui autorisent les gens à s’agglutiner dans les transports en commun, et en même temps imposent la fermeture des théâtres, pourtant très bien préparés à la gestion des flux de personnes. Nous autres artistes vivons un peu ça comme une punition, mais il faut garder espoir !

Malgré cela, avez-vous d’autres opportunités ou projets ? Quels sont vos espoirs en matière lyrique ?

Au milieu des différents reports lors de saisons prochaines, je vais avoir l’occasion d’aller chanter dans un concert lyrique en remplacement de L’Africaine annulée, puis je participerai aux Troyens en version de concert cet été au Festival Berlioz et aussi à une création contemporaine à l’Opéra de Lausanne. Mais avant cela, dès la fin mars, je vais participer à un projet très intéressant de Flûte enchantée (rôle de Sarastro) mise en scène de manière interactive en 3.0, à l’Opéra de Vichy…
Quant à mes desiderata pour l’opéra, j’aimerais qu’on puisse retrouver la culture de la troupe dans les maisons lyriques françaises, ce qui engendrerait des engagements locaux pour les chanteurs français. Je souhaiterais ainsi plus de représentativité française dans les théâtres et festivals nationaux, ainsi que dans les émissions du service public !

Propos recueillis en février 2021 par Emmanuel Andrieu

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