La Fille de Madame Angot, dans la boîte pour le Label Bru Zane

Xl_enregistrement_la_fille_de_madame_angot_label_bru_zane © Le Philtre

Prenons un peu d’avance et projetons-nous en juin. Les salles de spectacle seront (peut-être) ouvertes et nous aurons (peut-être) le loisir de discuter à une terrasse de café de ce que nous viendrons d’entendre au Festival Palazzetto Bru Zane Paris. Dans sa 8e édition, mettant à l’honneur Saint-Saëns quatre ans après le mémorable Timbre d’argent à l’Opéra Comique, se niche La Fille de Madame Angot, perle de Charles Lecocq qui sera jouée en concert dans sa première version de Bruxelles (1872), au Théâtre des Champs-Élysées. Le précieux Label Bru Zane vient de donner le clap final d’un enregistrement de cette orchestration originale à la Seine Musicale. Nous avons assisté à une après-midi de ce travail d’orfèvre.


Enregistrement de La Fille de Madame Angot, Anne-Catherine Gillet


Enregistrement de la La Fille de madame Angot -
Sébastien Rouland et Véronique Gens

Sous le Directoire, à Paris, Clairette Angot (Anne-Catherine Gillet, la fille de Madame) est une orpheline qui a grandi aux bons soins des femmes des Halles. Elle a beau aimer le journaliste et chansonnier contre-révolutionnaire Ange Pitou (Mathias Vidal), c’est au perruquier Pomponnet (Artavazd Sargsyan) qu’elle est destinée. Malgré moult rebondissements aux côtés du financier Larivaudière (Matthieu Lécroart), du policier Louchard (Antoine Philippot) et de Mademoiselle Lange (Véronique Gens), Clairette s’unira tout compte fait à son désigné d’office ! Le succès de l’œuvre se manifestera partout dans le monde, et en particulier dans la capitale française, où elle restera à l’affiche pour plus de 400 représentations.

Sur l’Île Seguin, à Boulogne-Billancourt en février 2021, l’atmosphère est bon enfant mais studieuse, pour redonner vie à la partition. Depuis la cabine son, Alexandre Dratwicki, le directeur artistique du Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française, partage ses impressions aux interprètes (« Pensez à la volupté des « r » », « Crachez les consonnes ») après chaque prise à travers une enceinte située derrière le chef Sébastien Rouland. Ce dernier, qui nous avait enthousiasmés dans Le Postillon de Lonjumeau en 2019 Salle Favart, dirige un Orchestre de chambre de Paris au pouls interne, d’un seul tenant, dans des mécanismes d’engrenages fascinants. Les contretemps s’intègrent au feu de l’action, les basses sont bien là mais ne prennent jamais trop de place. Dans la valse à la fin de l’acte II (le « bal de noces »), le flow n’en a jamais assez, et l’ivresse se nourrit joyeusement d’elle-même. Du peu que nous avons entendu, Sébastien Rouland a en tout cas une approche très plurielle, exceptionnellement chaleureuse, ni caricaturale, ni « de niche », ni programmatique.

Et il faut reprendre. Encore et toujours. Changer le placement du cornet pour son court solo, jusqu’à le placer dans le couloir. Trouver l’intensité idéale du Chœur du Concert Spirituel pour que la présence des masques ne se ressente pas dans le résultat audio. Redemander plusieurs prises aux chanteurs (quitte à les mettre dans l’inconfort pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes). Atteindre l’exactitude, ce souci du détail, dans la musique et dans les mots. Pinailler, c’est réellement faire la différence sur un enregistrement !

Tout est sémillant et pêchu chez Anne-Catherine Gillet. L’intelligible volte-face des mots de Véronique Gens sous les traits d’une maîtresse de cérémonie, témoigne de son expérience nourrie de tragédienne. Mathias Vidal est élégant et rigoureux, comme à l’accoutumée. Flannan Obé est du côté de la clarté nuageuse, restituant la part guignolesque du rôle dans sa diction (« Pppe(r)du »). L’appétit vient en mangeant, et cet amuse-bouche (une quinzaine de minutes de musique dans la boîte, à l’issue de cette session de quelques heures de travail), nous déclenche une fringale de quatre mois avant le dévoilement complet avenue Montaigne en juin prochain !

Thibault Vicq
(Boulogne-Billancourt, 19 février 2021)

La Fille de Madame Angot, de Charles Lecocq, en version de concert au Théâtre des Champs-Élysées (dans le cadre du 8e Festival Palazzetto Bru Zane Paris) le 30 juin 2021

Enregistrement pour la collection « Opéra français » – Label Bru Zane (parution prévue en 2022)

Crédit photo © Le Philtre

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