Cinq questions à Eric Cutler

Xl_eric-cutler- © DR

Le ténor américain (installé en Allemagne) Eric Cutler est l’un des ténors héroïques parmi les plus enthousiasmants du moment, notamment dans les répertoires français et allemands pour lesquels il est sollicité par les plus importantes scènes lyriques du monde. Nous l’avons rencontré à l’occasion de sa prise de rôle de Bacchus (Ariadne auf Naxos) au festival d’Aix-en-Provence (compte-rendu à lire ici), le temps de quelques questions sur sa carrière et ses projets…                          

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Opera-Online : Après avoir chanté - dans des ouvrages de Richard Strauss - le ténor italien dans Le Chevalier à la rose et Apollon dans Daphne –, vous abordez aujourd’hui Bacchus dans Ariadne auf Naxos

Eric Cutler : Une fois abordé le personnage d’Apollon (NDLR : à La Monnaie de Bruxelles, nous y étions…), les autres rôles pour ténors chez Richard Strauss ne font plus peur ! (rires) Je n’ai jamais chanté Menelas dans Hélène d’Egypte, mais le rôle a l’air redoutable aussi. Bacchus est tout d’une pièce, ce sont trente minutes de partie héroïque à chanter... qui s’assimile un peu à un sprint !

Votre évolution vocale vous a permis de vous confronter à des rôles de plus en plus lourds ces dernières années, après le répertoire mozartien et belcantiste de vos débuts…. Allez-vous l’abandonner tout à fait - ou souhaitez-vous combiner ces deux aspects ?

J’aime à penser que les rôles que je chante aujourd’hui - Beethoven, Weber, Wagner et Strauss – sont dans la continuité des compositeurs avec lesquels j’ai fait mes débuts : Mozart et les Lieder de Schubert, Schumann et Liszt. En fait, ils sont tous très proches stylistiquement parlant. Au niveau technique, la musique italienne du début du XIXe siècle permet de se faire une idée solide de sa propre tessiture vocale, mais aussi d’acquérir le contrôle de son souffle, ce qui est atout de prime importance pour aborder ensuite le répertoire wagnérien. Aussi, pour répondre à votre question, je pense qu’il est souhaitable de combiner ces différents styles et même qu’ils peuvent se nourrir l’un l’autre.

Que pensez-vous des ténors chez Strauss souvent sacrifiés (Bacchus, par exemple, n'apparaît qu'à la fin de l’ouvrage, même s'il incarne le ténor un rien caricatural en première partie de l’opéra…) ? Allez-vous aborder d'autres rôles chez Strauss, comme celui de L’Empereur dans La femme sans ombre par exemple ?

C’est drôle que vous m’en parliez, car je vais justement faire ma prise de rôle à l’automne prochain (NDLR : à la Staatsoper de Hambourg). La musique qu’a écrite Richard Strauss pour la voix de ténor est certainement la plus héroïque jamais écrite pour cette tessiture, aux côtés des rôles wagnériens, ce qui me pousse parfois à envisager vocalement ces parties comme si j’étais une soprano ! Quant à votre remarque sur Bacchus, je pense que c’est parce qu’il intervient « comiquement » dans le Prologue qu’il est plus intéressant à incarner que - par exemple - Apollon ou Menelas Et je dois avouer que ça m’a beaucoup amusé de jouer un stéréotype de moi-même dans la production de Katie Mitchell ! (rires)

Et le répertoire français... Vous avez chanté récemment Raoul de Nangis dans Les Huguenots de Meyerbeer... Est-ce une piste d'avenir pour vous ?

Je ne crois pas que je vais chanter beaucoup plus de rôles dans des ouvrages meyerbeeriens, mais je dois aussi reconnaître que chanter Raoul de Nangis a été assurément une des principales étapes de ma carrière de chanteur. Et je n'en ai bien sûr pas fini avec le répertoire français ; je voudrais interpréter maintenant des rôles comme Hoffmann, Don José ou encore Samson…

Après votre magnifique Lohengrin à La Monnaie de Bruxelles en mai dernier (nous y étions…), souhaitez-vous vous frotter à d’autres emplois wagnériens ?

Oh que oui ! (rires) Je vais notamment chanter Erik dans Le Vaisseau fantôme au Grand Opera de Houston en octobre prochain. Wagner est un compositeur que je n’aurais jamais pensé chanter au début de ma carrière, et ce n'est donc que récemment que je me suis intéressé de près à sa musique. Mais, au final, c’est une progression somme toute logique d’y arriver après avoir chanté si longtemps des Lieder allemands, et j’espère pouvoir ajouter le personnage de Walther dans Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg dans un avenir proche…

Interview recueillie par Emmanuel Andrieu

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