Olivier Py met en scène Lohengrin au Théâtre Royal de La Monnaie

Xl_lohengrin © Baus De Munt

Treize ans après un Tristan und Isolde de mémoire au Grand-Théâtre de Genève, Olivier Py offre – au Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles – sa quatrième production d’un opéra de Richard Wagner : Lohengrin. Avant le lever de rideau, l’homme de théâtre français vient lui-même sur scène pour expliquer que le chef d’œuvre de Wagner est un opéra « sur le nationalisme » (mais non nationaliste), qui anticipe même l’échec du futur 3ème Reich hitlérien, réfutant au passage l’idée que Wagner aurait été un proto-nazi… L’action se passe donc non sur les bords de l’Escaut, mais dans une « Allemagne, Année zéro », totalement ravagée à l’issue du conflit mondial qu’elle a provoqué. La scénographie – toujours signée par le fidèle Pierre-André Weitz, et toujours aussi imposante et monumentale – est constituée d’une sorte de cirque tournant, où défilent tour à tour un immeuble aux vitres éclatées, l’intérieur d’un théâtre très détérioré, un temple antique de guingois, et, à l’acte III, une sorte de bibliothèque où figurent les grands noms de la culture germanique : Schiller, Novalis, Goethe, Weber… S’il offre de magnifiques tableaux, notamment ceux où apparaît le Chœur de La Monnaie (éblouissant de bout en bout), le spectacle souffre cependant de « redites », et le charme de ces immenses scénographies en noir et blanc n’opère plus comme autrefois, sans compter que la vision de Py, dans ce Lohengrin, est uniformément noire, à l’image de la scène finale, qui ne voit pas reparaître vivant le frère d’Elsa, celui-ci étant déposé mort à ses pieds…

S’il y a des spectateurs pour ne pas – ou plus – goûter aux réalisations d’Olivier Py, côté chant, ce Lohengrin met tout le monde d’accord, tant la distribution est vraiment royale. Le ténor américain Eric Cutler – déjà impressionnant Apollon (dans Daphne de Strauss) ici-même en 2014 – habite le rôle-titre de son ténor clair, presque adolescent vocalement parlant. Ses aigus lumineux s'envolent sans faiblesse, et sont capables des piani les plus nuancés comme de la vaillance la plus éclatante. On languit de le retrouver au prochain festival d’Aix-en-Provence dans le rôle de Bacchus (Ariadne auf Naxos). La suédoise Ingela Brimberg – vibrante Leonore (Fidelio) au festival de Verbier il y a quatre ans – possède une large (et déjà presque trop lourde) voix de soprano dramatique, mais conjugue au plus haut point aisance technique et vérité dramatique. La soprano russe Elena Pankratova se déchaîne en Ortrud : sa voix puissante, riche aux deux extrémités de la tessiture, assume des changements de registre qui font courir le frisson dans l’auditoire. De son côté, le baryton britannique Andrew Foster-Williams s’approprie Telramund avec aplomb, servi par un timbre vibrant, au souffle long. Gabor Bretz, Roi aux accents rayonnants et Werner van Mechelen, Héraut plein d’énergie, complètent ce tableau idéal.

A la tête de l’Orchestre symphonique de La Monnaie, le chef français Alain Altinoglu – directeur musical de la phalange belge – nous enchante par une direction légère et fluide, qui suit admirablement la conduite très fine des discours, dans la scène devant le palais au II, puis celle de la chambre au III, là où l’on juge de la réelle aptitude des chefs à entrer dans l’œuvre.

Pour les inconditionnels, la prochaine rencontre entre Olivier Py et le Théâtre Royal de la Monnaie se fera en janvier 2019, avec la trop rare Gioconda de Amilcare Ponchielli.

Emmanuel Andrieu

Lohengrin de Richard Wagner au Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles, jusqu’au 6 mai 2018

Crédit photographique © Baus La Monnaie De Munt

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