Cinq questions à Amina Edris

Xl_amina_edris2 © DR

Amina Edris est une jeune soprano née en Egypte (mais ayant grandi en Nouvelle-Zélande) qui a rejoint entre 2016 et 2017 le Merola Program puis le Adler Fellowship de l’Opéra de San Francisco où elle abordera ses premiers rôles comme Norina de Don Pasquale, puis approfondira ceux qu’elle interprète depuis sur les grandes scènes internationales, comme Juliette, Musetta, Zerlina, Susanna, Adina et, plus dernièrement, celui de Manon, à Bordeaux puis à l’Opéra de Paris (en alternance avec Pretty Yende). A l’occasion de sa participation au Robert le Diable bordelais, la jeune chanteuse est revenue pour nous sur son parcours ou sur le personnage d’Alice dans le rare ouvrage de Giacomo Meyerbeer…

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Opera-Online : Comment une jeune fille née en Egypte mais ayant grandie en Nouvelle-Zélande est-elle arrivée dans l’univers lyrique ?

Amina Edris : J’ai découvert la musique classique quand j'étais plus jeune, principalement grâce à mon oncle qui aimait beaucoup Rachmaninov et Maria Callas. Mais mes connaissances étaient très limitées et je n'y pensais pas trop à l'époque. Plusieurs années plus tard, j'ai commencé à prendre des cours de chant classique au lycée, et ma professeure de chant de l'époque s'intéressait à la fois au classique et au jazz, elle m'a donc enseigné les deux styles. À l'époque, je n’imaginais pas faire carrière dans le chant, c’était simplement quelque chose que j'aimais faire. Lorsque j'ai terminé mes études secondaires et que j'ai envisagé de poursuivre le chant, mes parents n'étaient absolument pas d'accord et, pour leur faire plaisir, je me suis inscrite à un cours d'ingénierie. J'ai réalisé à quel point j'étais malheureuse après un semestre, et j'ai décidé d'abandonner le cours pour auditionner dans l'école de musique de mon université. Lorsque j'ai postulé, je voulais simplement chanter et me produire sur scène, et le genre de musique enseigné m'importait peu... opéra, jazz ou comédie musicale. J'étais loin de me douter qu'ils ne proposaient qu'une formation classique pour le chant, et c'est ainsi que j'ai découvert le chant lyrique. Je suis tombée complètement amoureuse et le reste appartient à l'histoire. 

Vos prochains engagements seront surtout en France. Actuellement Alice dans Robert le Diable à Bordeaux, vous serez Micaëla en décembre à l’Opéra national du Rhin, La Traviata à Limoges en février 2022, le personnage de la Folie dans Platée à l’ONP en juin… Comment se sont noués ces liens avec les maisons d’opéras françaises et quel rapport entretenez-vous avec notre pays de manière générale ?

Je ressens un lien très fort avec la France et les opéras français. J'ai fait mes débuts européens ici en France, à Bordeaux, avec l'Opéra national de Bordeaux, et j'en garde les plus beaux souvenirs. Le personnel de l'opéra, les chœurs et le public ont une passion indéniable pour l'opéra et ils veulent tous vous voir réussir et vous épanouir. Ce genre d'énergie est à la fois magnifique et contagieuse.  Bien que cet opéra ait une place spéciale dans mon cœur, j'espère vraiment établir de bonnes relations avec d'autres opéras en France.

On sait que la Manon de Massenet – que vous avez interprété d’abord à Bordeaux puis à Paris – est un personnage qui vous tient particulièrement à cœur. Quelles en sont les raisons et reprendrez-vous bientôt ce rôle ?

J'ai toujours été très attirée par le côté dramatique d'un rôle ainsi que par la musique elle-même. Même si j'ai l'occasion de chanter de nombreux rôles merveilleux que j’apprécie vraiment, je trouve que beaucoup d'entre eux ne sont pas vraiment développés – dramatiquement parlant. Les personnages ne profitent pas toujours d’un grand arc. Avec Manon, il y a de glorieux moments musicaux tout au long du spectacle, et l'histoire est écrite de telle manière que le personnage lui-même traverse de nombreux états émotionnels du début à la fin. Les nombreuses situations dans lesquelles elle est placée et toutes les décisions qu'elle doit prendre entraînent un changement constant dans le drame de l'histoire dans son ensemble, ce qui signifie que le personnage doit continuer à évoluer. La façon dont je l'incarne au début de l'opéra doit changer au deuxième acte, puis au troisième, au quatrième et enfin au dernier acte. Je dois injecter dans le personnage tout au long de l'opéra des émotions telles que l'amour, la jeunesse, l'ambition, la cupidité et le regret. Il y a tellement de choses à ressentir et de couleurs à explorer, musicalement et dramatiquement. J'aime pouvoir me lancer à fond dans le rôle, à la fois en tant qu'actrice et en tant que chanteuse.

Que pouvez-vous nous dire sur celui d’Alice dans Robert le Diable. Aimez-vous l’esthétique du Grand-Opéra et comment se passent ces représentations bordelaises de cet ouvrage particulièrement rare à la scène ?

L'histoire de Robert le diable dépeint essentiellement une lutte entre le bien et le mal, et pour moi la présence d'Alice dans l'histoire est presque celle d’un ange gardien. Elle a un grand sens de la responsabilité tout en étant très objective et j'admire son dévouement sans faille envers Robert pour le sauver de l’obscurité. J'ai un faible pour le grand opéra français et j'aimerais qu'il soit plus pratiqué ! Meyerbeer a une musique vraiment passionnante et mémorable à offrir dans cette pièce. Et la mise en scène de chaque personnage correspond parfaitement à son histoire et à son but. Je souhaiterais presque que nous ayons eu l'occasion de présenter cet opéra dans une production entièrement mise en scène pour vraiment tout rassembler – je suis certaine que le public bordelais l'aurait encore plus apprécié !

Vous intéressez-vous à d'autres choses que la musique ?

Je m’intéresse à la cuisine et j’adore explorer n'importe quelle ville où je me trouve. J'aime aussi beaucoup la salsa. Je voulais vraiment prendre des cours de danse quand j'étais jeune, mais je n'ai pas eu la chance de le faire. Quand je suis arrivée à l'université, j'ai commencé à prendre des cours de salsa avec un ami et depuis, je suis accro... C'est un bon moyen de faire de l'exercice sans s'en rendre compte ! (rires).

Propos recueillis en septembre 2021 par Emmanuel Andrieu
 

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