Marc Minkowski dirige Robert le Diable de Meyerbeer à l'Auditorium de Bordeaux

Xl_j._osborn_et_e._morley_dans_robert_le_diable___bordeaux © Pierre Planchenault

La seule et unique fois où nous avions entendu Robert le Diable de Giacomo Meyerbeer (c’était à Bruxelles en avril 2019), nous avions caressé un rêve : celui que Marc Minkowski reprenne ce titre après l’avoir brillamment défendu à Berlin dans une version quasi intégrale au début des années 2000. Et bien, c’est chose faite dans son fief bordelais, même si la situation sanitaire aura eu raison de la version scénique (initialement confiée à Olivier Py), troquée ici contre une mise en espace réglée par Luc Birraux. Celle-ci est avant tout basée sur des didascalies projetées contre le fond de scène, qui viennent (souvent avec humour voire dérision) « éclairer » le spectateur sur l’intrigue qui se déroule sous ses yeux, à la fois pour compenser quelques coupures dans la partition mais aussi l’absence totale de scénographie. On lui doit aussi une direction d’acteurs plutôt judicieuse, notamment en faisant intervenir les solistes aux quatre points cardinaux de la salle, pour un principe de spatialisation sonore qui fait toujours son petit effet.

Dans le rôle de Bertram, on retrouve la basse française Nicolas Courjal (présent à Bruxelles) qui ne fait qu’une bouchée de ce Diable dont s’inspireront tous les autres Méphistos (Berlioz, Gounod, Boito, etc.). Avec sa voix d’airain, aussi mordante que flexible, il s’impose définitivement dans ce personnage auquel il prête aussi son jeu plein d’autorité. Trouver un Robert tient un peu de la mission impossible, avec sa vocalité oscillant entre ténor léger et baryténor, mais c’était sans compter avec le talent du plus Français des ténors américains (place que Michael Spyres vient lui disputer depuis quelques années cependant…), John Osborn, dont on se rappelle les fabuleux rôles de Raoul (Les Huguenots à Bruxelles) et de Jean (Le Prophète à Essen). Dans un français parfait, il délivre une leçon de chant où il multiplie les usages de la voix de tête pour des effets élégiaques. De son côté, la soprano américaine Erin Morley (Isabelle) offre, avec le sublime « Robert, toi que j’aime » et ses « Grâce ! » stratosphériques, le moment le plus intense de la soirée. A une technique sans faille, elle ajoute une sensibilité et une présence touchantes. Mais la plus grande surprise vocale provient de la chanteuse egypto-néo-zélandaise Amina Edris (elle nous a accordé un entretien) qui campe une magnifique Alice : l’émission surprend par son ampleur, le timbre est beau, le souffle long, et ses écarts de registre ne manquent pas d’impressionner, sans compter qu’elle s’exprime dans un français plus que chatié. Enfin, le ténor maltais Nico Darmanin campe un bondissant Raimbaut, à la voix claire et superbement projetée.

Maître d’œuvre de la soirée, Marc Minkowski dirige un Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Bordeaux-Aquitaine (en état de grâce) avec un rythme si soutenu que les spectateurs se sentent littéralement emportés par le flot de la musique. Prévenons enfin le lecteur que les micros du Palazzetto Bru Zane-Centre de Musique Française Romantique étaient présents dans la salle pour une captation audio en vue d’une édition prochaine en CD de l’événement, et qu’il pourra ainsi disposer d’une séance de rattrapage de cette fabuleuse soirée !

Emmanuel Andrieu

Robert le Diable de Giacomo Meyerbeer à l’Auditorium de Bordeaux (septembre 2021)

Crédit photographique © Pierre Planchenault
 

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