Un superbe Gala lyrique autour de Benjamin Bernheim au Théâtre du Capitole

Xl_b._bernhaim_et_l._dufy_au_th__tre_du_capitole © Emmanuel Andrieu

Pour conjurer la longue fermeture des portes du Théâtre du Capitole, Christophe Ghristi a choisi de ne pas clore sa saison sur l'extraordinaire Elektra qui devait en être l’aboutissement, mais a imaginé un festival d’été de manière quasi impromptue et nommé « Les Nuits d’été au Capitole ». Entre les 6 et 21 juillet, c’est une kyrielle de noms prestigieux qui se sont succédés sur la mythique scène toulousaine, de Jordi Savall à Sonya Yoncheva, ou de Jakub Jozef Orlinski à Benjamin Bernheim - qui s’est produit au Théâtre du Capitole ce 17 juillet en compagnie de trois autres superbes artistes : les sopranos françaises Anaïs Constans et Lila Dufy, ainsi que le baryton-basse russe Mikhail Timoshenko.

La première partie de soirée est entièrement consacrée au répertoire français et débute par l’Ouverture de Mignon d’Ambroise Thomas, un ouvrage qui avait été donné sur cette même scène il y a une quinzaine d'années - et qui avait marqué les débuts de Jonas Kaufmann en France ! À la tête de l’Orchestre national du Capitole, le jeune chef vaudois Marc Leroy-Calatayud s’attache à ciseler cet ouvrage rare (et que certains trouvent « mineur ») avec autant de soin et d’amour que s’il s’agissait d’un chef-d’œuvre confirmé : textures sonores aérées, rythmique assurée et précise, sensibilité frémissante, telles sont les caractéristiques interprétatives que sa baguette distille à ce petit bijou symphonique. Et c’est par un tube de l’art lyrique que débute la partie proprement vocale : « Au fond du temple saint » extrait des Pêcheurs de perles de Bizet. Benjamin Bernheim unit sa voix à celle de Mikhail Timoshenko, et c’est merveille de constater à quel point leurs timbres se marient à la perfection, ce qui vaut au public toulousain un moment de temps suspendu, car les deux hommes privilégient l’intimité et l’intensité à la tentation du fortissimo.

C’est ensuite à une véritable « révélation » à laquelle nous assistons avec l’arrivée d’une artiste qui nous est alors inconnue mais qui devrait vite faire parler d’elle : la jeune soprano colorature Lila Dufy, qui a fait ses études musicales au Canada et aux Etats-Unis, et qui interprètera rien moins que la Reine de la Nuit au prestigieux Lyric Opera de Chicago en début de saison prochaine ! C’est au fameux « A vos jeux mes amis » tiré de Hamlet d’Ambroise Thomas qu’elle se confronte d’abord, morceau dans lequel sa voix aérienne se trouve admirablement conduite, et qui enchante dès les premières phrases par une technique superlative, mais également un bel investissement des mots, un médium déjà solide et des aigus suspendus.

La chanteuse toulousaine Anaïs Constans, beaucoup plus connue du public (on se souvient de sa Micaëla en 2018 ou sa Blanche de la Force l’année suivante, in loco) prend le relais avec un intense Air du poison extrait de Roméo et Juliette de Gounod. Tout dans sa voix séduit : son timbre, sa facilité d’émission, le contrôle du souffle, la tessiture et le legato, qualités auxquelles il faut rajouter une diction exemplaire de la langue de Racine et bien sûr une émotion à fleur de peau. Une émotion qui culmine également dans le duo « Ange adorable », dans le même ouvrage, qu’elle interprète aux côtés d’un Benjamin Bernheim qui dispense ici son art consommé de la voix mixte, qui se marie idéalement aux accents langoureux et diaphanes de sa partenaire. La température monte encore d’un cran avec l’air de Des Grieux « Ah ! Fuyez douce image » puis le duo « N’est-ce plus ma main » (extraits de Manon de Massenet) qui réunit cette fois le ténor français et la brillante Lila Dufy. Dans le premier morceau, il renouvelle l’enthousiasme qu’il avait su susciter en nous à Bordeaux (aux côtés de Nadine Sierra) il y a deux ans, avec des aigus qui nous ont semblé plus foudroyants encore. En revanche, dans le duo, la jeune cantatrice affiche quelques limites en termes de puissance et de rayonnement sonores, quelque peu « écrasée », vocalement parlant, par les considérables moyens de Benjamin Bernheim.

Après un court entracte où nombre de spectateurs rejoignent la Place du Capitole pour tomber le masque quelques instants, c’est l’Italie qui est mise à l’honneur au travers d’ouvrages de la main de Verdi, Rossini et Puccini. L’air « O toi que je chérie » tiré des Vêpres siciliennes permet de goûter à nouveau à l’élégance de son phrasé, à la perfection de l’intonation et de la diction, et la séduction immédiate du timbre. Sa prestation lui vaut un triomphe amplement mérité. Mikhail Timoshenko peut briller à son tour avec l’aria « Là del ciel » (La Cenerentola) dont il se tire avec grande classe, avec toute l’autorité, la souplesse et l’étendue vocale requise par ce délicieux morceau. Point d’orgue de la soirée, c’est ensuite tout le troisième acte de La Bohème de Puccini qui est interprété par nos quatre solistes. C’est pour nous le moins intéressant des quatre, mais porté par un tel quatuor, la musique de Puccini s’en trouve magnifiée… et le duo final réunissant Benjamin Bernheim (Rodolfo) et Anaïs Constans (Mimi) fait des étincelles !

Gala lyrique autour de Benjamin Bernheim au Théâtre du Capitole, le 17 juillet 2021

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu

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