Un Poliuto de Donizetti triomphal au Liceu de Barcelone

Xl_poliuto © A. Bofill

Terminée en juillet 1838, la partition de Poliuto de Gaetano Donizetti devait être créée au San Carlo de Naples, à l’automne suivant, avec le ténor Adolphe Nourrit en vedette. C’était sans compter sur Ferdinand II, roi des Deux-Siciles, qui interdit le spectacle un mois plus tard par décret spécial, au prétexte qu’un sujet religieux ne convenait pas à une représentation lyrique (pour le synopsis, nous renvoyons le lecteur vers notre recension d'une production de l’ouvrage lors d’une récente édition du Festival de Glyndebourne). C’est finalement à l’Opéra de Paris, en avril 1840, qu’eut lieu la création sous le titre Les Martyrs, les nombreux remaniements apportés par l’auteur comprenant notamment une Ouverture de grande envergure avec chœur. 

Quarante-trois ans après sa dernière exécution in loco, le Gran Teatre del Liceu de Barcelone reprend l’ouvrage, en version de concert cette fois, avec un trio de chanteurs capables d’animer les personnages centraux, et réussissant la gageure d’esquiver les dangers de l'écriture Donizettienne. Du haut de ses 64 ans, Gregory Kunde - qui vient de quitter Jean de Leyde (Le Prophète de Meyerbeer) à la Deutsche Oper de Berlin - nous offre un Polyeucte de grande classe, toujours prêt à se confronter aux parties difficiles de la partition, en se les appropriant au travers de variations inédites. Sa grande scène de l'acte I est parfaitement maitrisée, et il la termine par un contre-Ut impactant… salué avec fracas par le public catalan ! Entre deux répétitions à l’Opéra de Paris où elle est actuellement à l’affiche dans Un Ballo in maschera, la grande soprano canadienne Sondra Radvanovsky retrouve en Paolina l’agilité et la fougue belcantiste qu’on lui connaît. Ses sonores graves de poitrine et ses contre- éclatants (à faire pâlir Montserrat Caballé !) font également délirer le public du Liceu, où on reviendra l’applaudir dans le rôle de Maddalena (Andrea Chénier) en mars prochain. Remarqué très positivement au dernier festival de Radio-France & Montpellier (dans Siberia de Giordano), mais aussi dans I Puritani le mois dernier à Monte-Carlo, l’excellent baryton italien Gabriele Viviani parvient à se hisser au niveau de ses partenaires, en faisant forte impression dans la partie de Severo. Il offre une émission généreuse et un timbre mordant et chaleureux à la fois, brossant du général romain une image assez fascinante. Les trois artistes récoltent un incroyable triomphe au moment des saluts, succès auquel il faudra adjoindre une équipe de comprimari plus que satisfaisante (Josep Fado en Felice, Ruben Amoretti en Callistene et Alejandro del Cerro en Nearco).

Enfin, à la tête d’un Chœur et d’un Orchestre du Gran Teatre del Liceu dans une forme olympique, le chef italien Daniele Callegari donne au chef d’œuvre de Donizetti tout l’éclat et tout le frémissement que suppose une résurrection portée et transportée par la foi.

Emmanuel Andrieu

Poliuto de Gaetano Donizetti au Liceu de Barcelone, les 10 & 13 janvier 2018

Crédit photographique © A. Bofill

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