Poliuto au Festival de Glyndebourne

Xl_poliuto © Glyndebourne Festival

Première nouvelle production du Festival, Poliuto de Gaetano Donizetti n'a jamais été représenté à Glyndebourne, et constitue ainsi la grande curiosité du cru 2015. L'ouvrage du maître de Bergame n'est pas né sous une bonne étoile : composé en 1838 pour le Teatro di San Carlo de Naples, sur un livret inspiré à Salvatore Cammarano par la tragédie de Corneille (Polyeucte), il fut interdit par la censure religieuse - car il narre l'histoire d'un chrétien jeté en pâture aux lions avec son épouse, fidèle jusqu'à la mort, bien qu'amoureuse d'un autre... Donizetti le remania l'année suivante pour l'Opéra de Paris, sur un texte d'Eugène Scribe et sous le titre Les Martyrs (première le 10 avril 1840). En novembre 1848, huit mois après la mort de son auteur, Poliuto put enfin être joué au San Carlo mais, dans l'intervalle, l'étoile de Verdi s'était levée au firmament, et le succès ne fut pas au rendez-vous...

Confiée à la metteure en scène française Mariame Clément (qui avait signé un Don Pasquale retentissant in loco en 2013), la réalisation du spectacle – transposé au milieu du XXe siècle - s'avère d'une belle efficacité. Sa mise en scène intelligente et sobre trouve un cadre particulièrement pertinent dans l'évocation d'une Mytilène insécure et gangrenée par la peur. Les chrétiens – reconnaissables à leurs crânes rasés – tombent ici sous les coups d'une junte militaire enivrée de sa puissance. 

Dans le rôle-titre, le ténor américain Michael Fabiano paraît aussi fruste que sonore, avec ses aigus insupportablement claironnés. Seulement soucieux de « faire du son », il ne déploie ni le legato ni le raffinement dans la ligne qu'exige cette partie, écrite à l'intention du célèbre ténor Adolphe Nourrit. Dommage. Nous lui préférons du coup le Nearco du jeune ténor italien Emanuele D'Aguanno, autrement stylé que son confrère.

Dans le rôle de Paolina, la soprano portoricaine Ana Maria Martinez convainc, elle, de bout en bout : c'est une battante qui sait donner à son personnage une ardeur, une vaillance qui jamais ne s'expriment aux dépens d'une ligne de chant maîtrisée, avec un matériau très riche et des bases stylistiques assurées. De son côté, le baryton russe Igor Golovatenko campe un proconsul romain (Severo) d'une belle autorité, autant physiquement que vocalement, tandis que la basse britannique Matthew Rose - dont nous avions aimé l'incarnation de Henry VIII la saison passée à Bordeaux -  offre sa stature et ses graves au Grand-Prêtre Callistene.

Grand connaisseur du répertoire belcantiste, le chef espagnol Enrique Mazzola dirige le London Philharmonic Orchestra avec l'élan et la fougue irrésistibles qu'on lui connaît. Et si certains raffinements de la partition passent à la trappe, la fusion n'opère pas moins, portée jusqu'à l'incandescence dans la célèbre marche triomphale de l'acte II, dont Verdi n'oubliera pas de se souvenir quand il composera Aïda...

Emmanuel Andrieu

Poliuto de Gaetano Donizetti au Festival de Glyndebourne, jusqu'au 15 juillet 2015

Crédit photograhique © Glyndebourne Festival

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