Reprise de Hérodiade de Massenet à l'Opéra de Saint-Etienne

Xl_herodiade © Cyrille Cauvet

Etrennée en mars dernier à l’Opéra de Marseille – nous avions dit alors tout le bien que nous en pensions –, la production signée Jean-Louis Pichon de Hérodiade de Jules Massenet pose cette fois ses bagages dans la cité commune aux deux hommes, l’attachante ville de Saint-Etienne, dont Jean-Louis Pichon est également « Conseiller pour les voix » auprès d’Eric Blanc de la Naulte, le fringant patron du vaisseau lyrique stéphanois qui trône sur une des collines surplombant la ville.

Connu pour être le plus ardent défenseur (aux côtés de son ami Raymond Duffaut) du chant français, et le meilleur défricheur de jeunes talents français, Jean-Louis Pichon a su réunir dans la cité ligérienne une distribution qui n’a rien à envier à l’affiche prestigieuse qui avait été proposée à Marseille - qui ont toutefois deux points en commun : le Jean de Florian Laconi et le Vitellius de Jean-Marie Delpas. Le premier fait preuve du même aplomb vocal, franchissant sans faiblir les écueils multiples dont son rôle est semé, mais le chant par trop tutta forza ce soir ne rend pas exactement compte de toutes les facettes de ce protagoniste plus complexe qu’il n’y paraît. Le second offre la même qualité de prestation qu’à Marseille, c’est-à-dire un chant musclé et bien conduit à la fois.

Les deux nouvelles venues féminines soulèvent l’enthousiasme. Ardente Blanche de la Force in loco la saison passée, Elodie Hache (Salomé) confirme qu’elle est une des grandes voix françaises de notre temps. Son engagement vocal et scénique emporte tout sur son passage : la voix, le timbre, la projection, sont de fait exceptionnels, l’incarnation scénique incandescente. Elle puise sans mesure dans ses généreux moyens, sans pour autant sacrifier la ligne et le phrasé, ni être au détriment de la stabilisation des piani. Vivement sa Fiordiligi ici-même au printemps prochain ! Dans le rôle-titre, la jeune mezzo roumaine Emanuela Pascu – Prix du Public au Concours international de Bordeaux en 2016 et membre de l’Académie de l’Opéra national de Paris – campe une Hérodiade élégante et sensuelle à la fois, au tempérament fier et passionné. La voix apparaît aussi puissante dans l’aigu que ronde et sonore dans le grave, toujours au service d’une très belle ligne de chant.

Superbe Escamillo à l’Opéra d’Avignon il y a deux ans, le baryton français Christian Helmer lui oppose un Hérode physiquement plus passif, mais superbement chantant, tout en élégance et en demi-teintes : la voix a par ailleurs gagné en puissance, en liberté et en souplesse depuis la dernière fois que nous avions entendu ce magnifique chanteur. Enfin, l’excellent Nicolas Cavallier se montre tout simplement idéal en Phanuel, et son air « Astres étincelants » figure comme un des moments parmi les plus intenses de la soirée. Saluons aussi le Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire pour sa vaillance jamais prise en défaut, dans une partition qui abonde en grandes machines « triomphales »…

Mais le meilleur revient sans conteste à la direction musicale de Jean-Yves Ossonce (qui lui aussi a tant fait pour le chant français lorsqu’il dirigeait le Grand-Théâtre de Tours…). De fait, qu’admirer le plus dans l’exécution musicale ? De la lecture franche et d’un lyrisme averti de la partition de Massenet, de la précision magistrale de chacun des pupitres, ou encore de la sensibilité de l’approche du chef français, qui n’exclut jamais l’exploitation des aspects quelquefois « grandiloquents » de la musique du maître stéphanois.

Emmanuel Andrieu

Hérodiade de Jules Massenet à l’Opéra de Saint-Etienne – les 14, 16 & 18 novembre 2018

Crédit photographique © Cyrille Cauvet
 

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