Reprise de Faust selon Nadine Duffaut à l'Opéra de Marseille

Xl_faust © Christian Dresse

Etrennée à l’Opéra Grand Avignon en juin 2017, cette production de Faust imaginée par Nadine Duffaut - dont nous avions rendu compte à l’époque - avait été très controversée à l’issue du spectacle, qui s’était achevé par une bronca. Prudente, la metteuse en scène a ainsi retiré - pour sa reprise à l’Opéra de Marseille - l’élément le plus sulfureux de sa proposition scénique (qui prêtait des mœurs homosexuelles à Méphisto…), et s’est également gardée de rejoindre les artistes au moment des saluts en cette matinée de première…

Chouchou du public de la maison phocéenne (son Philippe II et son Pimène avaient été plébiscités in loco en 2017), Nicolas Courjal remporte un incroyable triomphe dans le personnage emblématique de Méphistophélès. De fait, il incarne cette fois un Diable magistral, pour lequel la chaleur du timbre, le panache de l’aigu et l’énonciation parfaite de notre langue sont de remarquables atouts. Et quel acteur ! Non satisfait de faire un sort à chaque mot, il accompagne à tout instant le geste à la parole, composant tour à tour un personnage lascif, louvoyant, sarcastique, grinçant, voire même sadique, pour le plus grand bonheur du public. Brillant Werther l’été dernier à l’Opéra de Vichy (rôle qu’il reprendra en fin de saison au Théâtre du Capitole), Jean-François Borras reste dans le répertoire français avec le rôle-titre du chef d’œuvre de Charles Gounod. Avouons d’abord notre soulagement quand le vieux Faust (Jean-Pierre Furlan, certes plus à l'aise scéniquement que Borras, mais en revanche loin de posséder une voix aussi agréable que son cadet…) redevient jeune, le ténor monégasque apparaissant en pleine forme, d’une fraîcheur vocale qui n’est pas sans rappeler, par instants, celle d’Alain Vanzo. Il se promène dans le rôle avec une diction parfaite et un timbre rayonnant. Son « Salut, demeure chaste et pure » est de toute beauté, couronné par un contre-Ut émis en voix en mixte (et du plus bel effet).

Chaleureusement applaudie sur cette même scène en décembre dernier dans La Traviata, la soprano australienne Nicole Car offre ses mêmes somptueux moyens à Marguerite. Son timbre riche et charnu lui permet de donner un profil plus « accusé » que de coutume à l’héroïne goethienne, ce qui ne l’empêche pas de délivrer quelques sonorités sur le fil de la voix qui s’avèrent d’une grande délicatesse (et un baume pour nos oreilles). Après avoir chanté la partie de Giorgio Germont dans la production de Traviata précitée, c'est avec celle de Valentin qu'Etienne Dupuis remonte sur les planches marseillaises. De toute évidence, Gounod lui va aussi bien - si ce n'est mieux - que Verdi, sa voix s'adaptant parfaitement au rôle. La chaleur tout autant que l’éclat de son « Avant de quitter ses lieux » ne manque pas d’enchanter le public. Sa mort est également d'une grande beauté vocale, et d’une touchante justesse scénique. Confié à un ténor, le personnage de Siébel convient superbement au jeune et talentueux Kévin Amiel. De son côté, Jeanne-Marie Lévy incarne une savoureuse Dame Marthe, encore tourmentée par ses hormones malgré son âge avancé, tandis que l'excellent Philippe Ermelier parvient, en seulement deux minutes, à faire exister Wagner. Enfin, le Chœur de l’Opéra de Marseille s’acquitte de sa tâche avec un engagement scénique et une impétuosité vocale irréprochable (Bravo à Emmanuel Trenque qui le prépare avec beaucoup de réussite).

En fosse, Lawrence Foster dirige avec une grande conviction et une fermeté constante un Orchestre de l’Opéra de Marseille qui distille tout le raffinement et la subtilité que réclame la partition de Gounod. Sa lecture de l’opéra français le plus célèbre et joué à travers le monde, aux côtés de Carmen, est en tout cas un des atouts majeurs du spectacle.

Emmanuel Andrieu

Faust de Charles Gounod à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 21 février 2019

Crédit photographique © Christian Dresse

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