Ernani clôt triomphalement la saison de l'Opéra de Marseille

Xl_ernani2 © Christian Dresse

Reprise en clôture de saison à l’Opéra de Marseille, la production d’Ernani de Giuseppe Verdi – signée par Jean-Louis Grinda il y a quatre ans pour l'Opéra de Monte-Carlo – a récolté un incroyable triomphe à l’issue de la représentation… et ce malgré le fait qu’une partie du personnel technique se soit mis en grève, en cette soirée de première, ce qui a notamment privé les spectateurs des très beaux éclairages nocturnes de l’acte II (signées par Laurent Castaingt). Mais au final, le spectacle n’a été que peu entaché par ce mouvement social, l’essentiel était là, et nous avons par ailleurs déjà dit – dans ces colonnes – tout le bien que nous pensions du travail de Grinda, à la fois beau et intelligent, avec ses costumes somptueux de l'âge d'or espagnol et ses tableaux adroitement ordonnés. Le public phocéen a ainsi pu goûter, grâce aussi (et surtout) à un quatuor vocal d’exception, le bonheur simple et populaire du panache vocal des cabalettes, les sensations fortes de situations dramatiques primaires, et de chœurs dont la vaillance le cède parfois à une nostalgique tendresse. Ernani, cinquième opéra de Verdi, est sans doute le meilleur avant Macbeth, et c’est ce qui ressort très clairement de cette représentation marseillaise, où mise en scène et direction musicale privilégient constamment le dessein dramatique et musical, en mettant en évidence la grandeur du livret et de la partition, tout particulièrement au III, avec le puissant final « A Carlo Quinto sia gloria e onore ».

Déjà présent à Monte-Carlo, le célèbre baryton marseillais Ludovic Tézier domine les débats et suscite à nouveau l’enthousiasme dans le personnage de Don Carlo, confèrant toute la stature, l’autorité et la magnanimité requises par sa partie. Il donne à son « Vieni meco », alors qu’au deuxième acte, il invite Elvira à le suivre, une morbidezza amoureuse, et sa méditation devant le tombeau de Charlemagne, au III, est d’une grande noblesse… et sans aucun doute le moment le plus fort de la soirée. Superbe Leonora (Il Trovatore) aux Chorégies d’Orange en 2015, et non moins magnifique Tosca un an plus tard à la Semperoper de Dresde, la soprano chinoise Hui He offre sa grande voix, longue et généreuse, chaude dans le grave et flamboyante dans l'aigu, au personnage d’Elvira. Certes, elle se laisse à bousculer un peu les lignes dans la fougue de la cabalette de « Ernani, Ernani, Involami », au premier acte, mais au fil de la soirée, son chant se discipline dans l’expression de la passion. De son côté, le ténor italien Francesco Meli déploie toutes les ressources d’un instrument parfaitement adapté aux exigences d’Ernani. Il fait preuve d’un luxe inouï dans le raffinement de la ligne, et délivre des demi-teintes à se pâmer. Et si le grave sonne parfois un peu faible, l’aigu brille lui de tous ses feux, au fil d’une incarnation toute d’ardeur et de passion. Egalement présent dans la production monégasque, la basse russe Alexander Vinogradov possède bien la stature dramatique de Da Silva, mais aussi une puissance et une vigueur telles que l’on a parfois du mal à croire à son personnage de vieillard maléfique ! Enfin, les seconds rôles sont bien distribués, et le Chœur de l’Opéra de Marseille confirme son excellence dans une partition qui leur confie un rôle important.

Rythmes serrés, cordes chaleureuses… Le chef américain Lawrence Foster – directeur musical de la phalange massilienne – témoigne d’évidentes affinités avec le chef d’œuvre de jeunesse de Verdi, et obtient d’un superlatif Orchestre de l’Opéra de Marseille un équilibre optimal entre romantisme fougueux et post-belcantisme élégiaque. Au bilan, un Ernani superbement chanté (et dirigé), comme on ne pensait pas que ce puisse être encore possible en 2018 !

Emmanuel Andrieu

Ernani de Giuseppe Verdi à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 16 juin 2018

Crédit photographique © Christian Dresse
 

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading