Ernani à l'Opéra de Monte-Carlo

Xl_ernani © Opéra de Monte-Carlo

En assistant, à l'Opéra de Monte-Carlo, à une représentation d'Ernani, comment ne pas être frappé par ce qui fera toujours la supériorité d'une exécution sur le vif par rapport à un enregistrement, si parfait soit-il ? Cet opéra n'est pas, loin de là, l'un des plus joués de Verdi. Comme toute œuvre marquée par le romantisme, il a besoin pour vivre de beaucoup de passion, de beaucoup de folie, mais la rigueur lui est aussi nécessaire, tant à l'orchestre que sur le plateau. La chaleur du public est donc indispensable au plein épanouissement de cette musique, et celui de la Salle Garnier n'a pas boudé son plaisir à l'issue du spectacle.

Le choix d'une mise en scène très classique – signée par le maître des lieux Jean-Louis Grinda – reposant sur une suite de tableaux superbement éclairés (par le fidèle Laurent Castaingt) présente ici bien des avantages. On est plongé d'emblée dans un monde où le raffinement des images répond à la sauvagerie des sentiments. Dans ces ambiances sombres, parfois austères, dédoublées par un grand miroir en fond de scène, les jeux de la jalousie et de l'amour ne prennent alors que plus de relief. On aurait tort de limiter cette approche à la seule nostalgie passéiste, et les citations de l'univers pictural du grand peintre de la Renaissance Paolo Ucello s'accompagnent également ici d'une volonté de stylisation plus contemporaine. Dans la mise en images du drame, ni Hugo, ni Verdi ne sont trahis, et seuls des esprits délibérément iconoclastes pourraient regretter que cet Ernani aux splendeurs sévères ne viennent jamais déranger le bon goût.

La direction musicale du chef milanais Daniele Callegari témoigne d'évidentes affinités avec la partition de Verdi. Rythmes sérrés, cordes chaleureuses, l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo brille de mille feux.

Sur le plan vocal, le grand triomphateur de la soirée est Ludovic Tézier dont on ne peut que continuer d'admirer la superbe allure vocale, et le timbre sombre, à l'émission arrogante et aux aigus puissants. Avec un cantabile d'une rare noblesse, le baryton français restitue sans problème à Don Carlo un legato expressif, une retenue et un contrôle dans la ligne exemplaires qui font particulièrement merveille dans un « O de' verd'anni miei » de toute beauté.

La bulgare Svetla Vassileva impose une grande voix, aux aigus impressionnants, mais les vocalises d'Elvira lui échappent. La diction est par ailleurs privée de clarté et on relève trop d'inégalités dans la ligne, notamment lorsqu'elle délivre sa cavatine « Ernani, Ernani, involami » au premier acte. Dans le rôle-titre, Ramon Vargas traduit à merveille les passions de vie et les pulsions de mort qui hantent son personnage. Après un « Come regiada al cespite » un peu en porte-à-faux (il arrive bien tôt !), le ténor mexicain sait se reprendre pour finalement nous offrir une interprétation d'une grande justesse de ton, sans emphase ni mièvrerie, d'une grande probité. Enfin, la basse russe Alexander Vinogradov confère au brutal Silva une tenue scénique et un mordant des mieux venus, et son grand air « Infelice, e tuo credevi » est empreint d'un indéniable sens du pathétique.

Emmanuel Andrieu

Ernani de Giuseppe Verdi à l'Opéra de Monte-Carlo - Le 22 avril 2014

Crédit photographique © Opéra de Monte-Carlo

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