Elektra au festival "Mémoires" de l'Opéra de Lyon

Xl_elektra © Bertrand Stofleth

Après Le Couronnement de Poppée mis en scène par Klaus Michael Grüber, déjà chroniqué dans ces colonnes, le second ouvrage à l’affiche du Festival « Mémoires » proposé par l’Opéra de Lyon était la fameuse production d’Elektra dans la mise en scène que Ruth Berghaus imagina pour la Semperoper de Dresde en 1986. La fosse de l’Opéra de Dresde – à l’instar de celle de Lyon – étant trop petite pour contenir la centaine de musiciens nécessaire ici pour rendre justice à la partition de Richard Strauss, les musiciens ont donc été placés sur la scène, tandis qu’une structure métallique blanche sous forme de plongeoir de piscine constitue l’unique décor (conçu par Marie-Luise Strandt), placé en arrière de la formation orchestrale. C’est donc au bord du gouffre que se joue toute l’action, abîme dans lequel le destin des Atrides est prêt de sombrer…

Electre, c’est ici Elena Pankratova – dont nous avions adoré le Fidelio à Genève en juin 2015 et qui, à aucun moment, ne cède à la facilité de la vocifération. Tout est ici chant, contrôle, jusque dans les plus violents accents, avec un soin porté à chaque mot. De ses premiers « Agamemnnon ! Agamemnnon ! », proférés avec solennité, jusqu’à sa joie délirante à la fin, la soprano russe sait donner une tenue et un style à sa prestation, jouer des couleurs, passer en un instant, au moment où elle reconnaît Oreste, de l’éclat de joie à la tendresse la plus charnelle. De son côté intense Turandot à l’Opéra de Montpellier il y a tout juste un an – l’allemande Katrin Kapplusch n’a aucun besoin de se réfugier dans l’expressionisme pour créer l’émotion, et offre une Chrysothémis à la forte personnalité, avec cette lumière dans la voix et cette légèreté dans l’accent qui en fait l’exact pendant de sa sœur vengeresse. Plus en retrait, avec notamment un registre grave pas assez nourri pour le rôle, Lioba Braun campe une Clytemnestre assez pâle. L’affrontement avec Elektra n’apporte ainsi pas le frisson attendu, car il manque à sa composition scénique l’emphase et la morbidité que requiert ce personnage hors-norme. Christof Fischesser est un Oreste à la couleur sombre (une basse a été ici préférée à la coutumière tessiture de baryton), mais bien projetée, et son débit est très compréhensible. Enfin, le ténor allemand Thomas Piffka trouve en Egisthe le juste équilibre entre la suffisance et l’hystérie, la qualité des seconds rôles concourant à la réussite de l’ensemble.

Côté fosse, la direction musicale du grand chef allemand Hartmut Haenchen privilégie la chaleur et le lyrisme, sans perdre de vue l’intensité et le pouvoir dévastateur des paroxysmes orchestraux. La texture instrumentale ne sonne jamais trop épaisse, et les tableaux s’enchaînent sans cassure dans une progression d’une logique implacable, soutenue par un Orchestre de l’Opéra de Lyon à la hauteur de l’enjeu.

Emmanuel Andrieu

Elektra de Richard Strauss à l’Opéra national de Lyon, jusqu’au 1er avril 2017

Crédit photographique © Bertrand Stofleth    

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