Une Turandot de grand format à l'Opéra National de Montpellier

Xl_turandot © Marc Ginot

Importée de Nancy, la Turandot imaginée par Yannis Kokkos pour l'institution lorraine il y a deux saisons a enthousiasmé le public montpelliérain, qui a salué la production par une longue standing ovation au moment des saluts. Il faut dire que chef, orchestre, chœurs, et solistes ont été à la hauteur du chef d'œuvre de Giacomo Puccini, tous dignes des plus vives louanges.

La mise en scène de l'homme de théâtre grec – qui signe également le décor (unique) et les costumes –  est conçue à la manière d'un opéra chinois, mais empreinte d'impératifs esthétiques contemporains, et issue d'un esprit résolument occidental. Placée sous le signe de l'épure et de la stylisation, sa scénographie est sobrement constituée d'une passerelle (sur laquelle évolue une partie des chœurs) et d'une colonne centrale par laquelle apparaissent l'Empereur et Turandot. le fond de scène étant lui occupé par un immense cercle lumineux qui s'apparente à la fois à une lune, un gong ou un miroir. De leur côté, les costumes aux couleurs vives (jaune, rouge ou bleu) apportent également à cette mise en image une saveur toute orientale. Bref, le spectacle réussit à séduire visuellement, sans distraire pour autant des richesses de la partition. 

Malgré une entrée délicate (les aigus du fameux « In questa reggia » sont criés, voire faux), la soprano allemande Katrin Kapplusch campe une Turandot crédible, véritablement de glace et de feu. Une présence scénique qui ne se dément jamais est magnifiquement complétée par une prestation vocale à tous points de vue séduisante, la sonorité ample et le timbre nourri compensant largement les approximations de son air d'entrée. La psychologie du personnage est par ailleurs admirablement traduite, non seulement dans la subtilité du chant, mais aussi dans un choix réduit de gestes et de mimiques qui s'harmonisent parfaitement avec le hiératisme de la proposition scénique. Le triomphateur de la représentation est cependant le ténor coréen Rudy Park qui campe un extraordinaire Calaf, grâce à sa voix de stentor qui semble sans limite, aussi surpuissante dans l'aigu que sonore dans le grave. Son « Nessum dorma », empreint d'une grande noblesse, déchaîne l'enthousiasme du public.

La jeune soprano italienne Mariangela Sicilia apporte à Liù un timbre de velours, un sens inné du phrasé puccinien et une intensité touchante, tandis que Gianlucca Buratto, à la voix chaude et au tempérament paternel, trouve en Timur un emploi qui sied à ses conséquents moyens. On prend également plaisir au trio de ministres (Changhan Lim, Loïc Félix et Avi Klemberg) qui s'ébrouent avec un tel plaisir dans la complicité de leurs personnages qu'ils s'avèrent irrésistibles. L'Empereur (Eric Huchet) et Le Mandarin (Florian Cafiero) sont également bien servis.

Dirigeant là son premier opéra depuis qu'il a été nommé Chef principal de l'Opéra Orchestre National de Montpellier, l'excellent chef danois Michael Schonwandt tient à bout de bras l'ensemble de la représentation, lui insufflant une vitalité et une énergie qui circulent généreusement. A la tête d'un orchestre maison en état de grâce en cette matinée de première, il coordonne également de main de maître les Chœurs conjugués de l'Opéra National de Montpellier et de l'Opéra National de Lorraine (plus celui d'Opéra Junior). Au premier acte, les passages choraux respirent une violence élémentaire et féroce, progressivement tempérée au cours du deuxième finale pour s'achever en apothéose sur le rayonnant hymne à la lumière finale.

Emmanuel Andrieu

Turandot de Giacomo Puccini à l'Opéra National de Montpellier (Opéra Berlioz) - les 7*, 9 & 11 février 2016

Crédit photographique (c) Marc Ginot

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