Thomas Jolly, « entremetteur en scène » de Fantasio

Xl_fantasio-opera-comique © DR

Les travaux de l’Opéra-Comique n’empêcheront pas le lancement de sa saison lyrique 2017. C’est donc le Fantasio de Jacques Offenbach qui ouvrira le bal, ce 12 février, à l'occasion d'une représentation délocalisée au Théâtre du Chatelet (et huit autres suivront jusqu’à la fin du mois, sur la même scène).
Oeuvre rare du répertoire français, Fantasio a subi quelques affres dans son histoire. Jacques Offenbach en a tiré les trois actes et quatre tableaux du livret signé par Paul de Musset, d'après la pièce-éponyme de son frère Alfred. Créé en 1872, l’opéra ne sera représenté que 14 fois avant de sombrer dans l'oubli et d'être partiellement recyclé dans les Contes d’Hoffmann, puis de « s’éteindre » plus encore avec la disparition d’une partie de sa partition dans l’incendie de l’Opéra-Comique. Reconstitués en 2013, les feuillets de cet ouvrage peu connu reviennent sur le devant de la scène aujourd’hui grâce à une nouvelle production mise en scène par Thomas Jolly (après avoir déjà mis en scène Eliogabalo à l'Opéra de Paris).

Ces circonstances particulières (travaux obligent !) ont permis de développer un nouveau modèle de production lyrique où davantage de temps a été accordé à la maturation artistique. Dès ses prémices, en 2015, un véritable laboratoire créatif a été mis en place avec les artistes, l’équipe et… le public. Une approche encore relativement rare en France, qui a permis aux spectateurs de mieux comprendre comment un collectif d’artistes s’approprie une œuvre. La création des Ateliers de Jacques a ouvert les portes des premières rencontres. Ce processus s’est poursuivi au cours d’ateliers participatifs et interactifs permettant de suivre la mise en œuvre du projet et surtout d'interagir avec le public – notamment pour tester les choix de mise en scène et vérifier son efficacité. Thomas Jolly imagine ainsi une scénographie très mouvante et s'appuyant sur des jeux de lumières, comme celle d'Eliogabalo, pour mieux souligner la nature à la fois merveilleuse et macabre du conte qu’est Fantasio.
Une méthode libérée qui revendique aussi un certain retour aux sources.

« Les fêtes que donnait Jacques Offenbach à Paris étaient aussi courues que les représentations de ses opéras et au milieu de cette frénésie festive dominée par l’humour et l’absurde, le compositeur  imperturbable  poursuivait l’écriture de son œuvre... Nous avons repris le principe de ses soirées hétéroclites et le temps dont nous avons disposé a permis de distiller au public le fruit du travail dramaturgique dédié à la construction de Fantasio »  explique Thomas Jolly pour qui « l’œuvre s’est imposée comme un désir irrépressible ».

Le metteur en scène (également comédien et directeur de compagnie) se félicite également d’avoir pu puiser dans le texte de la pièce d’Alfred de Musset, plus complexe que le livret, « qui pose questions sur les rapports au monde, la politique, l’imaginaire, la jeunesse et l’art… ». Une réflexion qui a poussé à la mise en place d’ateliers entièrement dédiés aux techniques théâtrales.

Evidemment, quand bien même Thomas Jolly est un metteur en scène de théâtre, il n'en oublie pas pour autant la musique... et s’appuie là encore sur un travail collaboratif, cette fois avec les chanteurs. Les ateliers sont l’occasion de leur exposer ses intentions par exemple, pour la scène de la Ronde des fous. La consigne donnée est ambitieuse : inventer un spectacle dans le spectacle et les chanteurs seront invités à présenter leur travail d’invention pour la prochaine séance.
Nommée Artiste de l’année 2016, fin janvier, aux Victoires de la musique classique, Marianne Crebassa se prête au jeu pour tenir ici le rôle-titre masculin de Fantasio. À 30 ans, la jeune mezzo-soprano sera aussi portée par son prix de Nouveau talent lyrique 2016 de l’Académie Charles Cros pour « O’ Boy! », album où déjà elle interprète six rôles masculins, alliant airs d’opéras populaires ou plus méconnus.
Franck Leguérinel (qui se qualifie lui-même de baryton d’opéra comique) lui donnera la réplique en roi de Bavière, aux côtés de la soprano-colorature canadienne Marie-Eve Munger, récemment nommée Chanteuse associée de la Troupe Favart du Théâtre national de l’Opéra-Comique, qui endosse ici le rôle de la princesse Elsbeth.

Ils pourront tous aussi compter sur l’Orchestre Philharmonique de Radio France et le Chœur Aedes, placés sous la baguette de Laurent Campellone, chef de cette nouvelle production. Le Toulousain de 44 ans qui dirige en France (Lakmé, Carmen en 2016) et partout dans le monde, participe lui aussi à faire redécouvrir le répertoire français du XIXème siècle dont il apprécie «  la mélodie, la retenue et une certaine préciosité ». Ici aussi, les chanteurs auront à pousser leur travail sur le texte, à exceller dans une prononciation auquel le chef est particulièrement attaché.

Après avoir eu l’opportunité de participer au processus créatif original, le public va maintenant découvrir Fantasio à la scène à partir du 12 février et, à son tour, s’approprier l’œuvre. Thomas Jolly qui présente ici une version remaniée (il est même intervenu dans les parties parlées) dit croire aux vertus de cette appropriation : «  Je cherche à trouver les clés scéniques qui rendent l’ouvrage accessible. Je suis un entremetteur en scène ».

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