Saison 2019 de l’Opéra Comique : la différente constance

Xl_opera-comique-saison-2018-2019 © DR

Depuis la fin des récents travaux de l’Opéra Comique, les saisons de la Salle Favart ont été annoncées durant le week-end des Journées européennes du Patrimoine. La programmation 2019, troisième du directeur général Olivier Mantei, ne déroge pas à la règle. Encore une fois, on peut questionner l’intérêt du calendrier de janvier à décembre, les événements suivant les mêmes contraintes que dans les autres maisons fonctionnant de septembre à juillet (pas de représentations durant les vacances scolaires et la trêve estivale, par exemple), mais qu’importe… L’ambition du Théâtre s’accorde à ses objectifs : continuer à tisser des liens avec les institutions et les publics, dans un lieu collaboratif de création. Et pour preuve : le nombre de levers de rideaux hors les murs (en tournée) a dépassé l’intra-muros.  

Les lyricophiles auront déjà eu vent de deux des six grands titres en butinant dans les programmes de saison d’autres maisons coproductrices. Ainsi, le 7e Festival Palazzetto Bru Zane déroule le tapis rouge à Madame Favart de Jacques Offenbach (l’une de ses dernières œuvres scéniques), dont la première aura lieu le 20 juin 2019, pour le bicentenaire exact de la naissance du compositeur. Ironie du sort : cette adaptation de la vie tumultueuse de Justine Favart (actrice et épouse d’un des codirecteurs de l’Opéra Comique au XVIIIe siècle) n’avait jamais été jouée in loco ! Marion Lebègue et Christian Helmer interpréteront le couple qui a révolutionné la gestuelle et les costumes au théâtre, aux côtés d’Anne-Catherine Gillet et de François Rougier. Laurent Campellone, déjà aux manettes de Fantasio en février 2017, redonnera vie à cette partition de maturité avec l’Orchestre de chambre de Paris, tandis qu’Anne Kesler, de la Comédie-Française, mettra en scène ces péripéties.

Puis, le Manon de Jules Massenet qu’Olivier Py avait monté au Grand Théâtre de Genève en septembre 2016 fera halte à l’Opéra National de Bordeaux pour enfin atterrir place Boïeldeu, du 7 au 19 mai, sous la baguette de Marc Minkowski. Patricia Petibon reprend le rôle principal -pas si effarouché-, entourée de Frédéric Antoun (chevalier Des Grieux) et de Jean-Sébastien Bou (Lescaut).

Les férus du chœur accentus ont noté dans leur agenda au printemps Le Postillon de Lonjumeau, d’Adolphe Adam, grand succès de l’opéra-comique en France au XIXe siècle, et en Allemagne au XXe. Cette coproduction avec l’Opéra de Rouen Normandie suivra Chapelou (Michael Spyres, dont le Rodolphe dans La Nonne sanglante avait encore montré la place méritée qu’il ocupe dans les œuvres francophones), abandonnant son épouse Madeleine (Florie Valiquette) pour rejoindre le marquis de Corcy (Franck Leguérinel), lorsque celui-ci l’engage à l’Opéra de Paris en l’entendant émettre un contre-ré anthologique. Madeleine va tendre un piège à son mari, devenu une célébrité, afin de le récupérer. Les quiproquos et les déguisements sont un jeu d’enfant pour Michel Fau, à la mise en scène et dans un rôle travesti, comme dans sa savoureuse Ciboulette il y a quelques années !

La création contemporaine s’inscrit dans l’ADN de l’Opéra Comique, qui a commandé une œuvre nouvelle à Francesco Filidei (musique) et à Joël Pommerat (mise en scène) intitulée L'Inondation. On se souvient que l’homme de théâtre avait adapté en ces murs sa pièce Au Monde en 2015, sur une partition de Philippe Boesmans. Il écrit pour la première fois un livret original pour l’opéra, d’après une nouvelle d’Evgueni Zamiatine pleine de non-dits et de frustrations. L’écrivain a directement travaillé avec le compositeur et les chanteurs (Chloé Briot, Boris Grappe, Enguerrand de Hys, Yael Raanan-Vandor, Guilhem Terrail, Vincent Le Texier) par le biais d’ateliers, pour imprégner le chant de la théâtralité naturelle des mots. La création mondiale, annoncée comme une date marquante dans l’histoire de la Salle Favart, aura lieu à la rentrée 2019.

La Nouvelle Troupe Favart reste un point d’ancrage de l’institution ; ses effectifs (dont certains participants ont été cités ci-dessus) participeront à toutes les productions, à l’exception d’Ercole amante (Hercule amoureux), de Francesco Cavalli, notamment en partenariat financier avec Château de Versailles Spectacles, et seul spectacle qui ne soit pas en français. Raphaël Pichon dirigera dans la fosse son Ensemble Pygmalion pour la résurrection d’une œuvre écrite en 1662 en l’honneur de la monarchie française, par le représentant le plus complet de l’opéra de son époque. La distribution réunira Nahuel di Pierro, Anna Bonitatibus, Giuseppina Bridelli, Francesca Aspromonte, Krystian Adam, Eugénie Lefebvre et Giulia Semenzato. Comme pour Le Domino noir, cette mise en scène mythologique sera confiée à Valérie Lesort et Christian Hecq.

Autre habitué (et sociétaire de la Comédie-Française), Denis Podalydès ressortira Fortunio (d’André Messager) du placard pour les fêtes de fin d’année, avec la même équipe qu’en 2009 (celle qui est également à l’origine du Comte Ory de fin 2017 : Louis Langrée et l’Orchestre des Champs-Elysées, costumes de Christian Lacroix et décors d’Éric Ruf) et une distribution étincelante : Cyrille Dubois, Anne-Catherine Gillet, Franck Leguérinel, Jean-Sébastien Bou et Philippe-Nicolas Martin.

Outre les récitals commentés, les séances scolaires et les spectacles de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, le jeune public a rendez-vous avec la deuxième édition de « Mon premier festival d’opéra », en ouverture de saison. Une adaptation en français de Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck, une exploration du mythe d’Orphée, ainsi que des contes chinois, ne donneront plus d’excuses aux parents pour ne pas faire venir leurs enfants (dès six ans) avec eux. Les concerts du déjeuner, les colloques et les cabarets Porte 8 (passant de 22h à 19h30) continueront quant à eux nourrir l’actualité.

L’Opéra Comique reste un incomparable dénicheur de raretés, en ce qui concerne les titres, participant ainsi à la réanimation d’un patrimoine musical éternel. Après une saison 2018 marquée par une prise de risque dans le choix de metteurs en scènes moins familiers avec l’opéra, il semble toutefois avoir choisi en 2019 la routine pour des équipes artistiques ayant participé au rayonnement de ses coproductions en France et à l’étranger. Cela n’empêche pas d’attendre avec impatience les festivités, et de rembobiner en boucle les souvenirs d’hier.

Thibault Vicq

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