Rencontre avec Angélique Boudeville

Xl_angelique-boudeville © DR

Nous avons découvert la soprano française Angélique Boudeville à l’Opéra de Marseille en 2021, où elle nous a séduit tour à tour dans les rôles de Mimi (La Bohème) et de Mathilde (Guillaume Tell), après qu’elle a enthousiasmé également notre confrère Thibault Vicq, deux ans plus tôt, lors du concert des Voix Nouvelles (cru 2019) et dans La Chauve-Souris (rôle de Rosalinde) la même année à la MC 93 de Bobigny  - « une pointure de future Star », écrivait-il, et nous partageons un avis qui ne cesse de se confirmer de scène en scène, notamment après sa saisissante prise de rôle-titre dans Fidelio le mois dernier à l'Opéra de NiceIl était temps de se rapprocher d’elle pour lui tendre le micro d’Opera Online

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Opera-Online : Quel a été votre parcours ? Comment êtes-vous devenue chanteuse lyrique ?

Angélique Boudeville : Je suis clarinettiste de formation, et j’ai également obtenu une maîtrise de Musicologie. Je suis ensuite partie me perfectionner au Conservatoire Supérieur de Florence, auprès de Leonardo De Lisi, puis auprès de Mélanie Jackson à Paris, avant d’intégrer l’Opéra Studio du Théâtre de Berne et l'Académie de l'Opéra de Paris. J’ai remporté le prix du « Jeune talent » au Concours « Les Symphonies d’Automne » à Mâcon et, en 2018, le Deuxième prix, le Prix du public et le Prix des opéras suisses au concours « Voix Nouvelles », ainsi que le titre de Chanteuse de l’année à l’Opéra de Paris, décerné par l’A.R.O.P. en 2019. Néanmoins, je dirais que mon parcours est la conséquence d’une passion qui naquit jeune adulte et qui embrasa tout mon être. Étudiante en musicologie et clarinettiste depuis plus de quinze ans à l’époque, je découvre cet art du chant lyrique alors que j’étais en quête de moi-même. J’en fus bouleversée et même transcendée. J’avais trouvé le moyen parfait pour moi d’ « exprimer ce qui ne peut pas s’exprimer avec des mots et sur quoi il est impossible de se taire » - comme disait Victor Hugo… transmettre mes émotions, donner vie à mes propres sentiments ou ceux d’un personnage, pour les partager et les offrir au monde.  Je me rappelle cette pensée qui devint finalement une promesse : et si j’étais en mesure de donner autant que j’ai reçu moi-même grâce à l’Opéra ! Car en effet, je vous le confie pour la première fois en interview, écouter de l’Opéra m’a sauvé la vie à une sombre époque de ma vie. Il devint mon baume, ma lumière et étrangement comme une langue que je parlais couramment.

Comment définiriez-vous votre voix ? Dans quels répertoires, selon vous, est-elle le plus à même de s’épanouir ?

Je suis une soprano lyrique avec une voix d’un ambitus et d’une couleur qui tendent vers le spinto, mais qui me permet d’aborder un répertoire qui s’étend de Mozart au Vérisme, en passant par le Belcanto, sans oublier d’autres compositeurs comme Strauss, Wagner, Dvorak, Tchaïkovski etc.

Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées avec le rôle de Fidelio que vous venez d’interpréter à Nice, et vous êtes-vous intégrée avec facilité dans la proposition scénique très exigeante de Cyril Teste ?

Tout d’abord, Fidelio est le premier rôle travesti qu’il m’ait été donné de faire. Le personnage de Fidelio n'est qu'un uniforme pour Léonore, qui finit par l'incarner totalement en se nourrissant de la force de cette héroïne et des épreuves qu'elle traverse tout au long de l'œuvre. Elle gagne progressivement en détermination‚ en puissance et en confiance. Elle découvre alors sa nature profonde. Une grande part de mon travail fut donc de veiller à conduire l'énergie du rôle tout au long de la représentation en faisant voir cette évolution. La présence des caméras sur scène, et en amont lors du tournage - dont les vidéos sont un élément essentiel de la mise en scène -, m’ont permis cette subtilité et cette véracité que je recherche constamment en tant qu’artiste pour servir mes personnages.

Vous interpréterez prochainement le rôle de Mathilde dans Guillaume Tell de Rossini au Théâtre de Berne - après l’avoir abordé à l’Opéra de Marseille en 2020. C’est un rôle qui vous semble cher, pourquoi ?

Interpréter un rôle plusieurs fois est exaltant. Cet exercice permet d’aller encore plus loin dans l’interprétation pour tenter de sublimer le rôle. Celui de Mathilde m’a particulièrement plu pour son lyrisme, sa vocalité belcantiste et son caractère noble. Il me permet de déployer les ailes de ma voix sur toute ma tessiture et ses dynamiques. J’interpréterai en effet ce rôle, en version concert, au Théâtre de Berne le mois prochain. Ayant vécu quatre ans dans cette ville, j’en suis singulièrement touchée. Par ailleurs, j’aime notamment défendre le thème de la « Liberté », que nous pouvons retrouver avec les personnages de Mathilde et de Leonore, et je dois avouer que les deux finale de ces opéras me bouleversent à chaque fois.

Quels sont vos projets immédiats et vos rêves pour le futur ?

Mes projets immédiats, à part cette Mathilde à Berne, seront le rôle-titre de Tosca à l’Opéra de Tours, cette saison, puis le rôle de Leonora dans Il Trovatore à l’Opéra de Saint-Etienne et à celui de Marseille, la saison prochaine, et j’ai aussi une série de concerts prévue avec l’Orchestre National de Lille. Quant à mes rêves pour le futur, c’est de chanter et rechanter les rôles qui constituent mon répertoire, en y ajoutant de nouveaux, notamment les rôles verdiens que j’affectionne tout particulièrement, - et si possible dans des maisons prestigieuses, auprès d’éminents collègues, tout en restant libre de mes choix artistiques !...

Propos recueillis en janvier 2023 par Emmanuel Andrieu

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