Disparition soudaine de Pierre Audi

Xl_1200x680_sc_sc-pierre-audi-1-copyright-joel-saget-afp © AFP - Joel Saget

C’est un choc dans le milieu culturel : Pierre Audi, jusqu'à présent directeur du Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence et metteur en scène dont on a régulièrement pu admirer le travail, est décédé soudainement dans la nuit de vendredi à samedi.

Tristesse et stupeur se livrent bataille face à cette nouvelle. Pierre Audi, homme de culture incontournable des scènes lyriques, s’est éteint à l’âge de 67 ans dans sa chambre d’hôtel à Pékin, où il fut retrouvé inanimé au matin de ce 3 mai. Il s’était rendu en Chine afin de préparer l’arrivée de ses mises en scène de Siegfried et du Crépuscule des dieux.

Le Festival d’Aix-en-Provence endeuillé

Dans son communiqué, le festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence qu’il dirigeait annonce :

C’est avec une immense tristesse que l’équipe du Festival d’Aix-en-Provence vient d’apprendre le décès brutal de Pierre Audi, survenu dans la nuit de vendredi 2 à samedi 3 mai à Pékin. Le monde de la création artistique perd un immense artiste et directeur d’institution, citoyen du monde à la croisée des cultures méditerranéennes et occidentales. Comme metteur en scène, il s’est mis tout entier au service des œuvres, dans des réalisations associant sens du récit, épure et incarnation – parcourant quatre siècles d’opéra, mais avec une prédilection particulière pour le baroque, Wagner et la création contemporaine. (...) Il croyait profondément en l’avenir de l’art lyrique (et du théâtre musical), art plus que tout autre apte, selon lui, à surmonter toutes les crises ».

Un metteur en scène insatiable

Fils du banquier libanais Raymond Audi et d'Andrée Michel Fattal, Pierre Audi est né le 9 novembre 1957 à Beyrouth au Liban. Il fait ses études au lycée français de la ville, avant de partir à Paris pour des raisons familiales. Il fréquente alors le Collège Stanislas, puis part pour Londres et Oxford, où il poursuit sa scolarité à l’Exeter College.

A seulement 20 ans, il monte Timon d’Athènes de Shakespeare avec l’Oxford University Dramatic Society avant de fonder l’Almeida Theatre à Londres, deux ans plus tard en 1979, ainsi que son festival de musique contemporaine, qu’il dirige jusqu’en 1989.

Ses pas le mènent ensuite à Amsterdam, où il devient le directeur artistique de l’Opéra de 1988 à 2018. Il y « crée la plupart de ses mises en scène » tout en travaillant parallèlement sur des œuvres contemporaines (Neither de Feldman, Rêves d’un Marco Polo de Vivier, aus Licht de Stockhausen) et les créations mondiales d’œuvres de Rihm, Henze, Tan Dun, Vir, Saariaho, Knaïfel et Trojahn. Son appétit ne se limite toutefois pas au contemporain : met aussi en scène Vénus et Adonis, Tamerlano et Parsifal à l’Opéra de Munich, La Flûte enchantée et Dionysos au Festival de Salzbourg, Tamerlano, Alcina et Zoroastre avec la machinerie « historique » au Drottningholm Court Theatre, La Juive, Tosca et Fin de partie à l’Opéra national de Paris, multiplie les production à La Monnaie de Bruxelles – où il venait de sauver la fin d’un Ring entamé par Romeo Castellucci – de même qu’au Théâtre des Champs-Elysées. Il se rend également au Metropolitan Opera de New York pour Attila et Guillaume Tell, ou encore à Madrid pour La Conquête du Mexique et Bomarzo.

Parmi ses récentes productions, citons la création de L’Apocalypse arabe de Odeh Tamimi et Il ritorno d'Ulisse in patria au Festival d'Aix-en-Provence, Orphée et Eurydice au Mai Musical Florentin, Simon Boccanegra au Nouveau Théâtre national de Tokyo et à l’Opéra national de Finlande, la version française de Macbeth au Festival Verdi du Teatro Regio de Parme, ainsi que Siegfried et Götterdämmerung à La Monnaie de Bruxelles évoqués plus haut.

Un grand directeur d’institutions renommées

Durant ses trente années à la tête d’ l’Opéra d’Amsterdam, Pierre Audi y a présenté la première Tétralogie de Wagner aux Pays-Bas ainsi que de nombreuses autres productions, comme Les Troyens, Parsifal, Lohengrin, Tristan et Isolde et plusieurs œuvres de Schönberg, Puccini, Mozart, Rossini, l’ensemble des œuvres lyriques de Monteverdi ou encore plusieurs créations mondiales.

Parallèlement, il devient directeur artistique du Holland Festival de 2004 à 2014. En 2015, il devient également le directeur artistique du Park Avenue Armory à New York puis, trois ans plus tard, il prend la direction du Festival d’Aix-en-Provence, succédant ainsi à Bernard Foccroulle. En 2022, il y programme pas moins de sept spectacles et trois opéras en concert. Un pari ambitieux freiné par des finances menaçantes qui le contraignent à s’adapter.

Un travail reconnu et primé

Son travail a été reconnu par de nombreuses institutions, mais aussi par le public et la critique, lui valant ainsi de nombreuses distinctions. Parmi elles, le Leslie Boosey Award, le Prix de la Critique néerlandaise, le Prix Prins Bernhard Cultuurfonds, la Médaille d’argent de la Ville d’Amsterdam, la Médaille d’or du Théâtre royal de Drottningholm, le premier Johannes Vermeer Award, et la Médaille d’or des arts et des sciences décernée par la famille royale d’Orange-Nassau. Pierre Audi était chevalier de l’Ordre du Lion néerlandais, chevalier de la Légion d’honneur et officier des Arts et des Lettres.

Durant sa carrière, Pierre Audi a ainsi programmé plus de 450 productions, réalisé plus d’une centaine de mises en scène. Il restera dans les mémoires comme une personnalité passionnée, animée par une curiosité, un goût de la découverte et de l’échange insatiables. Toute nos pensées vont à sa familles et à ses proches.

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