Cinq questions à Martin Kubich, directeur de l'Opéra de Vichy

Xl_martin-kubich © DR

Cela va faire un an que Martin Kubich (34 ans) est arrivé à la tête de l’Opéra de Vichy, succédant à Diane Polya-Zeitline qui y sera restée près de 27 ans. A l’occasion du festival d’été, nous avons rencontré l’ancien directeur artistique du Festival du Haut Limousin afin de faire un point sur l’état de l’institution bourbonnaise et sur les ambitions qu’il a pour elle.

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Opera-Online : Voilà un an que vous avez repris les rênes de l’Opéra de Vichy ? Comment avez-vous cherché à vous démarquer de votre prédécesseur qui est resté plus de 20 ans à la tête de l’institution auvergnate ?

Martin Kubich : Je ne cherche pas à me démarquer, ni même à marcher dans les pas de ma prédécesseur. Diane Polya Zeitline a réalisé un travail considérable en créant une saison d’hiver inexistante avant 1995. Elle a su également fidéliser un public assidu et exigeant. Son amour et sa connaissance de l’art lyrique et de la musique de chambre lui ont permis d’attirer les plus grands interprètes sur la scène de l’Opéra. Une gageure quand on connait le budget avec lequel elle dû composer, bien loin de ceux des autres institutions lyriques françaises.  J’apporte pour ma part un bagage différent, une sensibilité et une vision autre de la culture, de la programmation et de la gestion d’une institution. Elle se caractérise chez moi par une profonde croyance en la démocratisation culturelle, la création comme vecteur d’éveil intellectuel et personnel, mais également propice au développement de l’économie. Je place l’artiste et encore plus l’humain au cœur de mon projet. Je souhaite qu’à moyen terme, l’Opéra redevienne – mais autrement - ce formidable outil de création qu’il fût de 1901 jusqu’aux années soixantes.
Mon expérience de douze années en milieu rural et le travail de développement des publics que j’y ai réalisé m’incite, avec mes équipes, à multiplier les initiatives (visites, actions culturelles, spectacles hors de l’Opéra, promotions, etc.), propre à attirer des nouveaux publics mais aussi à sensibiliser les non publics. De grands changements accompagnent mon arrivée, dont une réorganisation de la structuration même de la programmation. Nous lançons tout d’abord un Festival d’Eté (NDLR : nous y avons assisté à l'occasion d'un retentissant Werther) aux consonances lyriques et symphoniques en lieu et place de la saison d’été. Et enfin, nous mettons en place une saison pluridisciplinaire de fin septembre à fin mai regroupant les manifestions du Centre Culturel et de l’Opéra de Vichy. Au total, nous proposons plus de soixante-dix évènements répartis sur les douze mois de l’année. L’art lyrique occupe une place non négligeable avec notamment la représentation de quatre opéras, un récital lyrique, un spectacle de Lied, et une œuvre de théâtre musical.

Avez-vous des projets de partenariat avec le tout proche Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand ?

Nous venons de terminer une fructueuse collaboration, dans le cadre du Festival d’Eté, avec le Centre Lyrique d’Auvergne. J’ai demandé à son directeur, Pierre Thirion-Vallet, de reprendre sa production du Barbier de Séville donnée à Clermont-Ferrand en 2016. Nous envisageons dans les années à venir de bâtir des passerelles plus étroites entre nos deux établissements. Nous pensons bien sûr à des programmations communes, mais aussi à des coproductions. Je participerai, par ailleurs, au jury du 26ème concours international de chant en février prochain. Nous poursuivons et intensifions notre partenariat avec l’Opéra National de Lyon, phare lyrique régional, qui présentera chez nous lors de la saison un Nabucco de Verdi en version de concert ainsi qu’une mise en scène du Retour d’Ulysse dans sa patrie de Monteverdi par William Kentridge.

La première adjointe du maire de la ville est également responsable de la culture. Est-ce un plus pour l’Opéra que vous dirigez ?

Un avantage assurément, d’autant que Charlotte Benoit dispose d’une vision aigue de la culture… tout comme notre maire Frédéric Aguilera, spectateur assidu et éclairé de l’Opéra et du Centre Culturel, qui a souhaité, dès sa prise de mandat en octobre 2017, inscrire la culture au centre des priorités de la ville au même titre que la redynamisation du centre-ville, la candidature Unesco et plus globalement que Vichy retrouve son titre de « Reine des villes d’eaux ». J’occupe d’ailleurs avant tout le poste de directeur de la Culture de la Ville. Poste inexistant jusqu’à ma prise de fonction…

Je crois que vous avez une formation de chant…

En effet, je cultive une passion pour le chant depuis mon enfance. Du plus loin que je me souvienne, je pense avoir toujours chanté. Mes premiers émois lyriques – j’avais 3 ans – remontent à l’écoute d’une retransmission de La Flûte enchantée au Festival d’Aix en Provence. Plus tard, à mes 7 ans, j’ai assisté à ma première représentation d’Opéra, en l’occurrence La Traviata de Verdi, au Théâtre des Arts de Rouen. Ma mère m’a ensuite amené régulièrement à l’Opéra de Paris. Est né en moi alors une passion que j’assouvis dès mes 17 ans en pratiquant le chant dans un premier temps en cours privé, puis aux conservatoires à Rayonnement régional d’Aubervilliers et de Paris. Je découvre le chant choral avec Laurence Equilbey et Geoffroy Jourdain au Jeune Chœur de Paris – je chante avec cet ensemble sur la scène de l’Opéra de Vichy en juillet 2003 – et rentre très vite dans la vie active en tant que soliste et choriste. Souffrant de complications aux sinus et préférant le travail de l’ombre, j’ai abandonné très vite et sans regrets ma carrière…

Pouvez-vous nous dévoiler les dates-phares de votre saison 18/19 (en ligne ici) ?

Outre la musique actuelle, très présente, qui verra l’accueil d’artistes de renoms, nous donnons deux ballets où la musique occupe une place prépondérante :

  • Tristan und Isolde sur les musiques de l’Opéra éponyme de Richard Wagner dans une chorégraphie de Joëlle Bouvier interprétée par la Ballet du Grand Théâtre de Genève ;
  • Marie-Antoinette par le Malandain Ballet Biarritz, création donnée sur des symphonies de Joseph Haydn.

L’art lyrique, comme je vous l'ai déjà indiqué, s’incarnera par deux productions de l’Opéra National de Lyon :

  • Nabucco de Verdi en version de concert, avec dans le rôle-titre le vétéran et star internationale Leo Nucci ;
  • Le Retour d’Ulysse dans sa Patrie de Monteverdi par le metteur en scène sud-africain William Kentridge, le Ricercar Consort et les chanteurs Studio de l’Opéra de Lyon ;
  • Jean Lacornerie et les forces du Théâtre de la Croix Rousse de Lyon remontent L'Opéra de Quat’sous dans une mise en scène acerbe et puissante situant l’action dans une usine.

Le baryton-basse Philippe Sly s’emparera du Voyage d’Hiver de Schubert et s’entourera de quatre instrumentistes et du metteur en scène Roy Rallo afin de proposer une vision pleine d’émotion et de force des 24 Lieder.

Le Théâtre reste aussi très présent alternant classique (le Cid, le Jeux de l’Amour et du Hasard), comédies (C’est encore mieux l’après-midi, Tant qu’il y a de l’amour, la raison d’Aymé) et pièces d’auteurs (Art, Edmond, Ramsès 2, Adieu Monsieur Haffman).

Nous poursuivons et intensifions notre festival jeune public, Tintamarre, qui fête ses 10 ans. Bref, 42 représentations jalonnent cette saison que j’ai souhaitée éclectique, festive, accessible... mais aussi réfléchie !

Interview réalisée par Emmanuel Andrieu
 

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