Une Rusalka chorégraphiée à l'Opéra Ballet des Flandres

Xl_rusalka8 © Filip van Roe

Avec le changement de son nom en début de saison – l’Opéra de Flandre ayant été rebaptisé Opéra Ballet des Flandres –, le ton est désormais donné : Sidi Larbi Cherkaoui (directeur artistique du Ballet Royal des Flandres) fait jeu égal avec Jan Vandenhouwe, le nouveau directeur artistique en charge de la partie lyrique au sein de l’institution flamande.


Rusalka (c) Filip Van Roe


Rusalka (c) Filip Van Roe

Ainsi le second titre lyrique de la saison, après Don Carlos de Verdi dans sa version française, affiche la Rusalka d’Antonin Dvorak, et a donc été confié à un chorégraphe, le Norvégien Alan Lucien Oyen. Un premier essai, l’an passé, avec un Pelléas et Mélisande dansé (et signé par Cherkaoui) ne nous avait guère convaincus, et ce nouveau mélange des genres ne nous a pas beaucoup plus emballés... D’une part parce que la danse est ici omniprésente et prend entièrement le pas sur le chant (on se surprend à constamment regarder les danseurs qui doublent les chanteurs, le mouvement captant plus l’attention que la musique…), et au final complique inutilement une action suffisamment riche comme cela. On a beaucoup aimé, en revanche, l’étrange et troublant dispositif scénique (imaginé par Asmund Faeraavag) qui oscille entre vagues océaniques et carcasse de dinosaure, et qui, rendues formidablement vivantes par les éclairages changeants de Martin Flack, apportent un supplément de magie à la soirée.

Par bonheur aussi, la force de conviction des chanteurs réunis à Anvers prend largement le dessus sur les réserves suscitées par la mise en scène chorégraphiée. Deux mois après avoir incarné le rôle à l’Opéra national du Rhin, Pumeza Matshikiza campe à nouveau une Rusalka au chant puissant. Les accents sensuels de la soprano sud-africaine, comme la belle densité de son registre aigu, capable également de beaux sons filés, lui assure une place de choix dans la lignée des grandes interprètes du rôle. Le Prince est incarné par le ténor ukrainien Mykhailo Malafii qui divise : son approche du rôle est tout simplement superbe de style, mais par trop plus enclin à l’introspection rêveuse qu’aux débordements lyriques, et la voix est ainsi le plus souvent couverte par l’orchestre… Avec un des plus beaux timbres de basse que nous ayons entendus ces derniers temps, le Géorgien Goderdzi Janelidze incarne un Vodnik vocalement irréprochable, qui parvient même à paraître touchant dans sa composition de pervers protecteur. En Jezibaba, la mezzo suisso-néerlandaise Maria Riccarda Wesseling offre une voix robuste et à toute épreuve, tandis qu’avec son port de reine, la soprano belge Karen Vermeiren fait tout aussi forte impression dans le rôle de la Princesse étrangère, à laquelle elle prête son superbe timbre, cuivré et tranchant à la fois. Enfin, le ténor espagnol Daniel Arnaldos campe un Garde-Chasse de grand style, et la mezzo Raphaële Green un brillant Garçon de cuisine. La chanteuse afro-belge – qui vient d’intégrer la troupe de la maison flamande cette saison – incarne avec tout autant de talent une des trois Nymphes, aux côtés d’Annelies Van Gramberen et de Zofia Hanna.

En fosse, la jeune cheffe lituanienne Giedré Slekyté tire le meilleur d’un Orchestre Symphonique de l’Opéra Ballet des Flandres techniquement parfait. La performance est ovationnée au rideau final, au même titre que l’ensemble d’une distribution courageuse et méritante. Une ferveur d’abord attentive, suivie par une standing ovation, salue à juste titre cet opéra miraculeux, qui tient à la fois du conte de fées et du conte philosophique.

Emmanuel Andrieu

Rusalka d’Antonin Dvorak à l’Opéra Ballet des Flandres, jusqu’au 23 janvier 2020

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