Un trio de rêve pour La Sonnambula de Bellini à l'Opéra de Nice

Xl_la_sonnambula_de_bellini___l_op_ra_de_nice © Dominique Jaussein

En coproduction avec rien moins que le Metropolitan Opera de New-York, la Semperoper de Dresde et le Théâtre des Champs-Elysées, la mise en scène de La Sonnambula de Vincenzo Bellini imaginée par le ténor touche-à-tout Rolando Villazon investit cette fois l’Opéra Nice Côte d'Azur, quatrième ville coproductrice du spectacle. Le Mexicain, avec la complicité de son scénographe Johannes Leiacker, semble s’être inspiré de quelques tableaux de Holder ou Friedrich pour camper un décor de glaciers, en dessous duquel des portes blanches permettent l’accès aux villageois sur la scène. Ces derniers sont vêtus tout en noir, évoquant une assemblée austère et puritaine, dont la curiosité malsaine est très appuyée, et qui tranche avec la liberté et la légèreté de l’héroïne, toute de blanc vêtue, qui ne cesse de virevolter sur scène, souvent accompagnée par trois sylphides qui dansent avec ou autour d’elle. Après sa réjouissante cabalette à la toute fin de l’opéra, Amina, loin de tomber dans les bras d’Elvino, est contrainte d’assister à son mariage avec Lisa, fait sa valise et quitte la scène, Villazon prenant ainsi à rebrousse-poil le happy-end voulu par le livret. Cela peut surprendre, mais la démarche étant parfaitement assumée tout au long du spectacle, jusque dans les plus petits détails, l’entreprise de « modernisation », et même de relecture, ne nous a posé aucun problème.

Electrisante Marie dans La Fille du régiment au dernier Festival Donizetti de Bergame, la soprano catalane Sara Blanch confirme qu’elle occupe une des premières places dans le chant belcantiste aujourd’hui. Grâce à sa virtuosité confondante et toujours expressive, un suraigu éclatant, une incroyable palette de nuances, et sa longueur exceptionnelle du souffle, elle enthousiasme au plus haut point un public niçois qui lui fait une indescriptible fête au moment des saluts. Son Elvino est ici le ténor uruguayen Edgardo Rocha, dont la voix nous apparaît toujours aussi belle et homogène, après son récent Percy (Anna Bolena) au Grand-Théâtre de Genève. Son aigu aisé quoique peu sonore (il est couvert par sa partenaire dans les duos), son chant nuancé et châtié, et sa ligne mélodique d’une suprême distinction en font un Elvino de référence. De son côté, la basse roumaine Adrian Sampetrean fait jeu égal avec ses deux partenaires : avec son timbre sonore de basse chantante, sa belle conduite du phrasé, son articulation parfaite et sa virtuosité de haute école, il caractérise très bien ce personnage ambigu, à la fois paternel et séducteur. Cristina Giannelli, avec un instrument bien projeté mais non dénué de stridence, contraste efficacement avec le rôle-titre, et incarne avec talent la coquette Lisa. La Teresa de la mezzo italienne Annunziata Vestri est maternelle et protectrice à souhait, défendant sa fille bec et ongle contre les villageois hostiles, tandis que le jeune Timothée Varon retient l’attention, avec sa belle voix de baryton, dans le personnage d’Alessio.

En fosse, l’excellent chef italien Giuliano Carella – à la tête d’un non moins excellent Orchestre Philharmonique de Nice –, privilégie une lecture tragique et crépusculaire, en portant une attention infinie au moindre détail instrumental, et au rapport entre la fosse et les voix… comme à sa très bonne habitude.

Emmanuel Andrieu

La Sonnambula de Vincenzo Bellini à l’Opéra Nice Côte d’Azur, le 6 novembre 2022

Crédit photographique © Dominique Jaussein

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