Saioa Hernandez, une grande Lady Macbeth au Festival de Macerata

Xl_macbeth_macerata_2019_tab_8254tabo_foto_tabocchini © Zanconi

A Macerata (où nous n’étions plus revenus depuis une Turandot en 2017), le fameux Sferisterio continue de résonner des grands classiques de l’art lyrique, et ce depuis 1921… après que la tauromachie italienne et la Pelote (pour lesquels il fut construit) soient passés de mode. Cette arène en demi-ellipse - avec ses 90 mètres de longueur et son mur de fond de 18 mètres de haut - nous fait ainsi à nouveau grand effet, d’autant que l’acoustique s’y avère toujours aussi remarquable : les voix sont littéralement portées, et l’orchestre ne les couvre jamais, peu importe l’emplacement où l’on se trouve ; on comprend dès lors aisément pourquoi ce lieu s’est imposé comme un festival de premier plan aux côtés des Thermes de Caracalla et des Arènes de Vérone. Fidèle à sa tradition, l'édition 2019 - intitulée « Rouge-Désir »  (Rossodesiderio) - offre trois opéras issus du « grand répertoire » : Carmen, Rigoletto et Macbeth.

C’est avec ce dernier titre que nous débutons notre séjour de festivalier, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il commence mieux que bien au vu de la réussite de la soirée. Co-produit avec le Teatro Regio de Turin et le Teatro Massimo de Palerme, le spectacle est signé par la célèbre femme de théâtre sicilienne Emma Dante, mais est repris ici (et forcément adapté…) par son assistant Giuseppe Cutino. Fidèle au leitmotiv de ce 55ème festival, la couleur rouge est omniprésente grâce au sang qui coule beaucoup tout au long de la soirée. La scène d’ouverture donne le ton, et les sorcières(-mères) apparaissent sous un grand drap sanglant, symbole ici de la virginité perdue. Elles sont fécondées par des satyres, une future progéniture qui sera refusée au couple infertile qu’est Macbeth et sa femme (dans la vision d’Emma Dante). Le même drap empourpré servira de linceul à Macbeth, lors de son assassinat par Malcolm, que Lady Macbeth ramassera ensuite pour le porter en étendard devant une foule effrayée et stupéfaite. Les images fortes ne manquent pas, comme celle où l’on voit des figurants laver la dépouille du Roi Duncan, après avoir dressé son corps désarticulé, une évocation explicite du Christ au moment de sa descente de croix. On n’oubliera pas non plus cette autre évocation, celle du fameux « Triomphe de la mort » (que l’on peut admirer au Palazzo Abatelis de Palerme), qui montre un homme juché sur un squelette de cheval : c’est ainsi qu’apparaît Macbeth sur scène, bientôt rejoint par sa Lady ! (photo).

Ce dernier est interprété par le baryton italien Roberto Frontali, qui déçoit quelque peu dans le rôle, comme il l’avait déjà fait au TCE en 2015, et ce en dépit d’une incarnation émouvante et tragique du héros shakespearien. Mais la voix ne répond qu’imparfaitement aux exigences de sa partie, et il termine le fameux air « Pietà, rispetto, amore » de manière bien fatiguée... La composition de la soprano madrilène Saioa Hernandez - déjà impressionnante Odabella (dans Attila) lors de la dernière ouverture de saison scaligère - n’en semble que plus éclatante de variété et d’intelligence, avec une remarquable pertinence linguistique et stylistique, un respect précis des annotations de la partition, et une palette de couleurs quasi illimitée : tantôt dévorée par l’ambition (« Vieni, t’affretta ») ou par une jubilation maléfique (la cabalette qui suit), elle sait se faire menaçante et sournoise comme une coulée de lave (« La Luce langue »), méprisante et ironique quand son époux est en proie au doute ou au délire, pleine d’une joie non feinte dans le Brindisi, qui se mue en rage au deuxième couplet, pour sombrer dans la folie en une superbe scène de somnambulisme, couronnée d’un contre- bémol pianisssimo. La basse italienne Alex Esposito campe un Banco de grande classe, avec sa voix d’airain capable d’une surprenante gamme de nuances. Autre bonheur vocal de la production, le jeune ténor italien Giovanni Sala, autoritaire et solide, généreux et spontané, a contrario de son collègue argentin Rodrigo Ortiz, à l’émission bien trop relâchée.

A la tête d’un impeccable Orchestre Philharmonique des Marches (et d’un Chœur lyrique Vincenzo Bellini tout aussi bien disposé), le chef italien Francesco Ivan Ciampa offre une lecture vigoureuse et fortement dramatique de la partition de Giuseppe Verdi, mais néanmoins parfois au détriment des pages les plus délicates dont l’ouvrage est également parsemé...

Emmanuel Andrieu

Macbeth de Giuseppe Verdi au Festival de Macerata, jusqu’au 4 août 2019

Crédit photographique © Zanconi

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