La Veuve joyeuse - ou plutôt La Vedova allegra ! - au Circo Massimo de Rome

Xl_la_vedova_allegra_al_circo_massimo_ph_yasuko_kageyama-opera_di_roma_2020_9584_web © Yasuko Kageyama

Aux côtés de Rigoletto et du Barbier de Séville, le choix du troisième titre du festival d’été du Teatro dell’Opera de Rome (au Circo Massimo) s’est porté sur La Veuve joyeuse de Franz Lehar. L'ouvrage est donné ici dans une version italienne avec des dialogues tronqués, et en version de concert (améliorée), en lieu et place de la mise en scène qu’aurait dû réaliser Damiano Michieletto. On lui a substitué un projet visuel imaginé par Giulia Randazzo et Giulia Bellè, constitué de projections vidéo de films en noir et blanc tournés pendant la Belle époque, ce qui permet d’apporter un éclairage sur l’action, en même temps qu’animer un peu la scène. Dans la même optique, point de chanteurs en rang d’oignons ici, mais des déplacements nombreux et des interactions entre les personnages (à moins d’un mètre !…). Et cette absence de mise en scène n’est peut-être pas un mal quand on sait qu’un rien suffit généralement à briser l’équilibre savant de cet ouvrage, où le goût du divertissement se mêle à de superbes épanchements lyriques, où la finesse du trait le dispute à l’élégance du discours. On le sait, La Veuve joyeuse de Lehar est non seulement le symbole de l’Entre-deux-guerres, mais également l’incarnation d’une Mitteleuropa crépusculaire que le compositeur autrichien met en scène avec un sourire teinté de nostalgie.

Et si Le Barbier comportait une erreur de casting, c’est un zéro faute en revanche pour cet autre titre, dans lequel tous les chanteurs suscitent sans réserve le plus grand des enthousiasmes. À commencer par la frémissante (et toujours dansante !) Hanna Glawari de la soprano allemande Nadja Mchantaf qui chante avec un timbre lumineux et des aigus aussi assurés que puissants. L’Autrichien Markus Werba campe un Danilo ambigu, à la fois impétueux et las, alliant une présence en scène remarquable et une prestation vocale des plus séduisantes. De son côté, la basse italienne Andrea Concetti possède une fière allure en Baron Mirko Zeta, et affiche une élégance qui va comme un frac au personnage. On signalera aussi le Camille de Rosillon du ténor rossinien Juan Francisco Gatell, au phrasé délicat et au timbre  toujours aussi charmeur, aux côtés de la délicieuse Valencienne de la soprano arménienne Hasmik Torosyan, dont le ramage vaut le plumage. Une mention, enfin, pour le Vicomte Cascada de Simon Schnorr et le Raoul de Saint-Brioche de Marcello Nardis, aussi épatants comédiens qu’excellents chanteurs.

En fosse, Stefano Montanari dirige l’Ochestre du Teatro dell’Opera di Roma avec autant de précision que de fluidité. Son geste fait également preuve de mordant quand la partition l’exige, et il s’avère tout aussi capable de rendre justice à la sensuelle langueur des valses. Et malgré les éléments parasites déjà mentionnés dans notre compte-rendu du Barbier, nous n’avons pour autant pas boudé notre plaisir : la partition de Lehar résiste de toute façon à tous les aléas...

Emmanuel Andrieu

La Veuve joyeuse de Franz Lehar au Circo Massimo de Rome (août 2020)

Crédit photographique © Yasuko Kageyama

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