La Sonnambula de Bellini selon Francesca Lattuada à l'Opéra Grand Avignon

Xl_la_sonnambula___avignon © Cédric Delestrade

Après l’Opéra Clermont Auvergne et l'Opéra de Vichy, et avant ceux de Reims, Limoges, Massy et le Théâtre Impérial de Compiègne, c’est à l’Opéra Grand Avignon que fait escale cette très originale production de La Sonnambula de Vincenzo Bellini - signée par Francesca Lattuada. La femme de théâtre italienne régle également la scénographie et les chorégraphies, mais c’est sur les étonnants costumes de Bruno Fatalot qu’elle fait reposer le principal de son travail, plutôt que sur les décors, réduits ici à la portion congrue. Exit ainsi toute référence aux montagnes et aux forêts de l'histoire : une danseuse / contorsionniste (Lise Pauton) vient illustrer à la place le somnambulisme de l’héroïne, tandis que les costumes manifestent une farouche volonté d’échapper à l’atmosphère naïve et champêtre du livret de Felice Romani. Symbole de pureté, la robe en dentelle et la cape de satin blanc d’Amina tranche avec le costume banal de cet empoté d’Elvino. De son côté, Lisa arbore une robe rouge sang, en forme de dragon, symbole de la grande manipulatrice et séductrice qu’elle est. Pantalon rose bonbon, cuirasse d’or, et ailes blanches d’ange, le Comte Rodolfo est cependant le « mieux » servi, question oripeaux, et s’avère des plus inquiétants ainsi accoutré... car c'est une vision sombre du chef-d’œuvre de Bellini, que renforce les éclairages dramatiques de Christian Dubet, que cherche à imposer ici Francesca Lattuada.

La dernière lauréate du Concours international de chant de Clermont-Ferrand, la soprano russe Julia Muzychenko, pour qui la production a été montée, brille dans le rôle d’Amina - la fameuse somnambule. Innocente et diaphane, même quand elle est malmenée par Elvino qui lui arrache sa crinière rousse pour laisser apparaître son crâne chauve (quand il la croit infidèle), Julia Muzychenko déploie une technique sans faille jusque dans les acrobaties les plus vertigineuses, dessinant un personnage prisonnier d’un rêve éternel. Son Elvino est le ténor italien Marco Ciaponi, déjà applaudi en Ferrando à Saint-Etienne et en Duc de Mantoue à Toulon, qui se hisse sur les mêmes hauteurs, tant le timbre est beau et la voix homogène, avec un aigu aisé et un chant nuancé. En Lisa, sa compatriote Francesca Pia Vitale apporte un relief inattendu à son personnage, avec son instrument ample et généreux, superbement timbré. Nous sommes moins convaincus par la basse biélorusse Alexey Birkus, certes bien chantante, mais dont le charbon tout slave de la voix s’éloigne par trop de l’italianità requise par le Comte Rodolfo. Aucune réserve, en revanche, pour la Teresa volontaire de Christine Craipaud, ni pour l’Alessio au timbre chaud et profond du baryton-basse canadien Clarke Ruth.

En osmose avec la mise en scène de Francesca Lattuada, et à la tête d’un superbe Orchestre National Avignon-Provence, la cheffe italienne Beatrice Venezi privilégie une lecture tragique et crépusculaire, en portant une infinie attention au moindre détail instrumental, et au rapport entre fosse et voix.

Emmanuel Andrieu

La Sonnambula de Vincenzo Bellini à l’Opéra Grand-Avignon, les 25 et 27 février 2022

Crédit photographique © Cédric Delestrade

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