Inaltérable Gregory Kunde dans Otello à l'Opéra de Monte-Carlo

Xl_126-otello__2019_-_alain_hanel_-_omc__5_ © Alain Hanel

Douze ans après sa dernière présentation à l’Opéra de Monte-Carlo, Otello de Giuseppe Verdi est de retour à l’affiche comme ultime titre de la saison monégasque, alors que la nouvelle vient tout juste d’être annoncée par Jean-Louis Grinda. Confié au metteur en scène espagnol Allex Aguilera (qui avait déjà réglé in loco il y a quatre ans le couplé Une Tragédie florentine / I Pagliacci), le spectacle est agréable à voir, et surtout adapté aux dimensions réduites du plateau de la Salle Garnier. Le décor unique (signé Bertrand de Lavenère) présente les arches d’un palais de la Renaissance comme on peut en trouver sur l’île de Chypre, dont la cour est surplombée par une passerelle où officie principalement le noir Iago. L’espace vital est élargi au moyen de quelques projections vidéo (conçues par Etienne Guiol et Arnaud Pottier), notamment pour la scène d’ouverture avec sa mer déchaînée et son ciel strié d’éclairs, symbole de la tragédie à venir. Pour le reste, Aguilera ne cherche pas à multiplier les subtilités dans la direction d’acteurs, mais rend le drame lisible pour les regards les moins initiés.

A 65 ans, le ténor américain Gregory Kunde ne cesse de nous surprendre et de nous éblouir, dans un rôle qu’il a abordé il y a sept ans maintenant, et qui, comme chacun sait, s’avère l'un des plus éprouvants du répertoire de ténor. Grâce à sa claironnante et percutante, doublée d'un métal somptueux, il passe l'orchestre avec une arrogance inouïe, comme dans l'« Esultate ! » initial. Mais Gregory Kunde possède aussi, dans le bas médium, la vigueur et les sonorités sombres sans lesquelles le fameux air « Dio ! Mi potevi scagliar » ne produit pas tous ses effets, tandis que les couleurs solaires du duo d’amour sont tout aussi présentes grâce à son passé de chanteur belcantiste. Vivement de le retrouver dans le très attendu Don Carlos (en VF) de Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie la saison prochaine !

Déjà Desdémone à la Royal Opera House il y a deux saisons (aux côtés de Jonas Kaufmann), la soprano italienne Maria Agresta sonne aujourd’hui encore plus radieuse dans le timbre et plus opulente dans l’émission ; elle a également amélioré son jeu, pour insuffler une vulnérabilité qui rend le crime d’Otello encore plus insoutenable. Magnifique baryton verdien (notre préféré aux côtés de Ludovic Tézier et de Tassis Cristoyannis), George Petean est un Iago de poids, à la voix puissante mais également capable de nuances, dans le récit du rêve de Cassio notamment, où sa maîtrise du mot fait merveille. Ce dernier personnage est chanté par le jeune ténor roumain Ioan Hotea (qui nous avait plutôt charmé dans le Barbier de Séville à Strasbourg en début de saison), auquel il prête son chant clair et stylé, tandis que les seconds plans n’appellent aucun reproche, avec une mention pour l’Emilia maternelle de Cristina Damian et l’imposant Ludovico de la basse coréenne In-Sung Sim.

Dernier maître d’œuvre du succès de la soirée, le chef italien Daniele Callegari qui dirige un excellent Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, avec un modelé exemplaire des passages les plus complexes de la partition de Verdi. La différentiation des motifs instrumentaux pendant la tempête, les échanges entre les vents pendant le « Fuoco di gioia », le rythme faussement burlesque du Brindisi ressortent de manière saisissante. On gardera également en mémoire l’accompagnement envoûtant de l’air du Saule, pour une lecture parmi les plus achevées de l’ouvrage que nous ayons entendue.

Emmanuel Andrieu

Otello de Giuseppe Verdi à l’Opéra de Monte-Carlo, jusqu’au 30 avril 2019

Crédit photographique © Alain Hanel

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading