I Puritani de Bellini mettent le feu à l'Opéra de Marseille

Xl_p1180265_m__photo_christian_dresse_2019 © Christian Dresse

Moins de trois semaines après le grand succès remporté, ici-même à l'Opéra de Marseille, par La Reine de Saba, grand-opéra orientaliste de Charles Gounod, c’est un spectaculaire triomphe qui a couronné Les Puritains de Vincenzo Bellini (également donnés sous format concertant), grâce à une équipe vocale de haute volée et à la direction fiévreuse et haletante de Giuliano Carella. Une fois encore, le magnifique chef italien témoigne de ses affinités avec l’univers bellinien, et livre une interprétation d’une incroyable tension dramatique. Il parvient surtout – à la tête d’un Chœur et d’un Orchestre de l’Opéra de Marseille qui donnent ce soir le meilleur d’eux-mêmes (et se couvrent même de gloire !) – à nous faire comprendre l’essence même de cette musique, débordante de joie et d’amour, rythmée par les élans de la passion, au service d’un chant qui se mouille des larmes du désespoir et de la douleur, pour mieux, in fine, exploser d’allégresse et de bonheur. 

Dans le rôle d’Elvira, la soprano australienne Jessica Pratt – applaudie un mois plus tôt dans la triple incarnation féminine des Contes d’Hoffmann à Bordeaux – offre pleinement ce que l’on attend du rôle : une vibration intime, avec ces moments sublimes où le chant se fait le miroir d’une âme en détresse. Pratt parvient ainsi à faire vivre son personnage, par la seule science de son approche musicale, et notamment grâce à son timbre de plus en plus charnu et rond, qu’elle colore avec un maximum d’impact dramatique, pour le plus grand bonheur d’un public phocéen (en délire) qui lui réservera une incroyable ovation après chacun de ses sons filés et/ou acrobaties vocales. Le ténor chinois Yijie Shi, stupéfiant Argirio sur cette même scène en 2017, n’est pas en reste. Il possède également – et au plus haut point ! – le style que requiert le primo ottocento, offrant un portrait hautement séduisant d'Arturo. Même s’il n’a rien de remarquable, le timbre est néanmoins fort agréable, et surtout la technique se montre aguerrie : jusqu’à l’extrême aigu (même si les contre-Fa du « Credeasi misera » sont ici esquivés, quand les contre-du « Vieni fra queste braccia » sont pleinement assumés), la voix reste homogène, avec un superbe contrôle du souffle, et des colorations et nuances qui ne se révèlent jamais gratuites. Le raffinement dans le phrasé et la perfection de la diction forcent également l’admiration... et lui valent ainsi un beau triomphe personnel (et pleinement mérité !) au moment des saluts.

Déjà présent dans la production de La Reine de Saba précitée, Nicolas Courjal (Giorgio) brille décidemment dans tous les répertoires, et confirme sa place aux tous premiers rangs des basses d’aujourd’hui, avec notamment un « Cinta di fiori » admirablement équilibré dans la sonorité et dans l’accent. Plus en difficulté dans les coloratures, et péchant parfois par des coups de glotte intempestifs, le baryton québécois Jean-François Lapointe (Riccardo) ne possède pas moins l’autorité et la prestance requises par son personnage. Enfin, Julie Pasturaud apporte un beau métal au petit rôle d’Enrichetta, tandis qu’Eric Martin-Bonnet (Lord Walton) et Christophe Berry (Bruno) complètent dignement la distribution réunie par l’imparable flair de Maurice Xiberras.

Plus que jamais, Marseille s'impose comme la capitale française du belcanto !

Emmanuel Andrieu

I Puritani de Vincenzo Bellini à l’Opéra de Marseille, le 5 novembre 2019

Crédit photographique © Christian Dresse

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