Béatrice Uria-Monzon et Didier Sandre réunis autour du mythe de Faust au Festival Ravel

Xl_bum © Emmanuel Andrieu

C’est autour du mythe du Faust de Goethe que le Festival Ravel a imaginé une soirée musicale – au très beau Théâtre (Art nouveau) du Casino de Biarritz – en proposant L'Histoire du soldat d'Igor Stravinsky (narré par le comédien Didier Sandre) couplé à des airs d’opéras tirés des trois opéras « faustiens » – Faust de Gounod, La Damnation de Faust de Berlioz et Mefistofele de Boito – avec Béatrice Uria-Monzon en soliste.

L’Histoire du Soldat a été créée à Lausanne il y a tout juste cent ans, le 28 septembre 1918, et raconte l’histoire d’un soldat en permission qui vend son violon au Diable (c’est-à-dire son âme…) contre un savoir qui lui permet de guérir la fille du roi puis de l’épouser, avant de retomber dans les griffes du démon au terme du contrat. Si l’ouvrage est habituellement donné avec divers solistes vocaux (comme récemment à Lyon) assurant les différents personnages, c’est seul que le célèbre Sociétaire de la Comédie Française assume tour à tour les divers rôles de cette sombre histoire (sur un texte de Charles-Ferdinand Ramuz). C’est une approche très intense et véhémente qu’il adopte ici, notamment quand il s’agit d’évoquer les maléfices du diable acharné à séduire et emporter le malheureux soldat, mais il régale l’auditoire avec chacun de ses changements de voix, pour que chacun des quatre personnages soit reconnaissable, faisant ainsi montre de son protéiforme talent. Aux côtés de l’efficace piano de Jean-François Heisser (par ailleurs directeur de la manifestation basque), une formation composée de sept instrumentistes parvient avec tout autant de maestria à multiplier les atmosphères, parvenant à relancer de manière éblouissante chaque étape de la narration, par l’expressivité des timbres et l’acuité des rythmes. Un grand bravo à eux et à l’excellent Didier Sandre… plébiscité par le public !

En seconde partie de soirée, deux mois après son éblouissante incarnation de Margherita dans Mefistofele aux Chorégies d’Orange, c’est dans ce même rôle que l’on retrouve Béatrice Uria-Monzon, après les deux célèbres versions de « Marguerite au rouet » (« Gretchen on spinnrade ») mises en musique par Franz Schubert et Richard Wagner. Elle délivre d’abord un tétanisant « L’altra notte in fondo al mare » avant un bouleversant « Spunta l’aurora pallida », dans lequel on admire tout particulièrement les graves capiteux de la chanteuse. Après les deux principaux airs de Mefistofele, ce sont les deux airs de la Marguerite de La Damnation de Faust qu’elle délivre : la fameuse « Chanson du roi de Thulé » et le sublime « D’amour l’ardente flamme ». Toujours aussi belle et sculpturale, Béatrice Uria-Monzon habite la scène dramatiquement, quand bien même en récital, et sa présence scénique est superbement envahissante, aux cotés de l’amoureux et délicat piano de Jean-François Heisser. Les deux pages berlioziennes livrent le frisson attendu, grâce à l’alliage d’une incroyable puissance vocale et d’un chant magnifiquement articulé. Le dernier air est le célébrissime « Air des bijoux » du Faust de Gounod – un morceau également inscrit au programme de sa consœur Natalie Dessay deux jours plus tôt dans la voisine église de Saint-Jean de Luz – , et si la voix n’a pas la même ductilité, on n’en goûte pas moins la richesse et l’opulence du timbre dans un air rarement chanté par des voix graves… Sous le flot des applaudissements, elle entonne deux airs extraits de Carmen, « L’amour est un oiseau rebelle » et « Sous les remparts de Séville », dans lesquels la mezzo française n’a – comme on le sait – que peu de rivales...

Emmanuel Andrieu

L’Histoire du Soldat d'Igor Stravinsky (narré par Didier Sandre) et Airs d’opéras (chantés par Béatrice Uria-Monzon) au Festival Ravel (Théâtre du casino de Biarritz), le 2 septembre 2018

Crédit photographique © Emmanuel Andrieu
 

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