Aude Extrémo triomphe dans La Périchole au Grand-Théâtre de Bordeaux

Xl_perichole © Vincent Bengold

Après avoir ravi le public des festivals de Montpellier et de Salzbourg, c’est sur les bords de la Garonne qu’accoste cette Périchole de Jacques Offenbach qui a fait couler beaucoup d’encre l’été dernier, avec ceci de plus que le Grand-Théâtre de Bordeaux bénéficie lui d’une mise en scène ! Marc Minkowski – à la fois directeur général de l’institution girondine et maître de cérémonie de la soirée – a fait confiance au jeune Romain Gilbert, ancien Directeur de production de l’Orchestre des Musiciens du Louvre (en fosse ce soir), pour signer là sa première (vraie) mise en scène d’opéra.

Il choisit de transposer l’action dans l’univers du cabaret, version Jon Fosse avec moult strass et paillettes, et tel quel le spectacle amuse, distrait, et le public bordelais ne boude pas son plaisir. Cette transposition farfelue lui permet de créer une galerie de personnages secondaires tous plus cocasses les uns que les autres, avec le concours de costumes très réussis (imaginés par Mathieu Crescence qui signe également une scénographie très efficace). On lui a adjoint deux marionnettistes – Emilie Valentin et Jean Sclavis – qui apportent un surplus de poésie à la mise en scène, comme dans la scène du Vieux Prisonnier, bien que la marionnette se montre quelque peu libidineuse (après douze années passées au fond d’un cachot certes, mais bon…). C’est d’ailleurs le seul reproche que l’on fera à l’encontre du travail de Gilbert, sa tendance à parfois trop appuyer le trait de la provocation et du scabreux : le Vice-Roi apparaît ainsi en tablier devant mais juste revêtu d’un slip derrière, avec une allusion aux parties génitales du monsieur dont on aurait pu tout aussi bien faire l’économie…

La Périchole, c’est la magnifique mezzo française Aude Extrémo, déjà admirée cette année dans le rôle d’Arsace (Semiramide) à Saint-Etienne, et l’an passé dans celui de Vénus (Tannhäuser) à Monte-Carlo. Disons-le d’emblée, quand bien même un peu péremptoirement, il est impossible de chanter et de jouer cette partie mieux qu’elle ne le fait. Elle en a tout l’esprit, toute la gaîté, tout le charme, et sa voix possède une fraîcheur, un éclat, une musicalité et une lumineuse aisance devant lesquels on ne peut que se mettre à genoux. Elle parvient sans peine à distiller toute l’émotion requise dans la scène de la Lettre, tout comme elle sait insuffler piquant et féminité dans le célèbre « Je t’adore ». Par ailleurs, elle dit le texte avec un naturel parfait, au demeurant tout comme son excellent partenaire Stanislas de Barbeyrac qui incarne un Piquillo d’une naïveté, d’une jeunesse, et d’une spontanéité irrésistibles. Sa voix lumineuse se joue avec brio de la tessiture légère de son personnage, et lui donne un brillant qui force l’admiration. Quant à Alexandre Duhamel, chanteur et comédien à la technique infaillible et à la voix d’airain, il est un Vice-Roi idéal et s’avère impayable en dictateur d’opérette ! Il complète ce trio inégalable en donnant à cette royale ganache toute la cocasserie voulue. Mais les comprimari ne sont pas en reste, et il serait injuste de ne pas leur rendre hommage, à commencer par les facétieux Eric Huchet (Don Miguel de Panatellas) et Marc Mauillon (Don Pedro de Hinoyosa), toujours bien chantants malgré une direction d’acteur parfois physiquement exigeante. De leurs côtés, les Trois Cousines (Olivia Doray, Julie Pasturaud et Mélodie Ruvio) montrent un réel abattage scénique et vocal, à l’instar des excellents Enguerrand de Hys (Le Marquis, Premier notaire) et François Padailhé (Second notaire).

En fosse, on pouvait faire confiance à Marc Minkowski de restituer à la musique du Petit Mozart des Champs-Elysées toute sa dynamique et sa fraîcheur. Il lui confère surtout une ligne générale idéale, riche de rebondissements et de palpitations, et les quelques décalages entre fosse et plateau dans les ensembles les plus enlevés ne sont vraiment que péchés véniels en regard de la réussite globale de l’entreprise !

Emmanuel Andrieu

La Périchole de Jacques Offenbach au Grand-Théâtre de Bordeaux - les 13, 14, 15* et 16 octobre 2018

Crédit photographique © Vincent Bengold

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