Tannhäuser en version française à l'Opéra de Monte-Carlo

Xl_tannhauser © Alain Hanel

L’Opéra de Monte-Carlo crée l’événement avec cette résurrection de Tannhäuser dans sa version de Paris, c’est-à-dire chanté en français, tel que l’ouvrage de Richard Wagner ne l’avait plus été depuis sa création à l’Opéra de Paris en 1861. Les différences avec la version primitive de Dresde (1845) sont surtout notables dans le premier acte où la fameuse scène du Venusberg a été réorchestrée et même étoffée, notamment par l’ajout d’un ballet dont on ne pouvait faire l’économie au XIXe dans la « Grande boutique ». L’autre défi est que cette nouvelle réalisation signée par le maître des lieux Jean-Louis Grinda est affaire de débutants. Tous les artisans de ce spectacle se mesurent en effet pour la première fois à cet opéra problématique entre tous… mais le risque a payé.

Comme à son habitude, Jean-Louis Grinda offre au public monégasque un spectacle à la fois beau et intelligent. Sobre, la scénographie imaginée par Laurent Castaingt (qui signe également les lumières) est efficacement épaulée par les superbes images vidéo de Gabriel Grinda (qui viennent situer l’action). L’acte I se déroule ainsi dans un « paradis artificiel » dans lequel Vénus engage le héros à fumer de l’opium tandis que quatre danseuses, clones de Vénus, s’affairent autour de lui. Le II offre au regard les voussures colorées d’une église gothique, sous lesquelles se tiendra le concours de chant, tandis que le III laisse entrevoir une contrée glacée et désolée. Deux idées fortes et originales sont proposées au cours de ce dernier acte, dans lequel la rédemption n'aura pas de place : Elisabeth se suicide en se tailladant les veines tandis que Tannhäuser est - comme la dernière image le laisse suppposer - abattu par ses compagnons…

Dans ce qui est pour lui une prise de rôle, le ténor argentin José Cura est impressionnant dans le rôle-titre : son vrai ténor change agréablement de tous ces timbres de baryton aigu qui luttent sans espoir de réussite contre une tessiture sans merci. Malgré l’étoffe et l’insolence de la voix, il parvient également à rendre la fragilité du personnage. Jean-François Lapointe est un Wolfram magnifiquement expressif, puissant et sonore, mais également capable de détailler la « Romance à l’étoile ».  De son côté, la basse américaine Steven Humes est un Landgrave plein d’autorité et de prestance. Dans les rôles des petits maîtres, l’excellence est également de rigueur (William Joyner, Roger Joakim, Gijs Van der Linden, Chul-Jun Kim), et le Pâtre d’Anaïs Constans leur offre un magnifique accompagnement.

Le reste de l'équipe féminine n’est pas en reste, avec l’Elisabeth radieuse de la soprano néerlandaise Annemarie Kremer qui s’attache à tirer le personnage de sa passivité. La voix sonne toujours facile et homogène, se déployant au-dessus de celles de ses partenaires et des chœurs avec une puissance et une lumière irrésistibles dans l’octuor de la fin du II. Malgré quelques problèmes de diction dans les moments aigus de sa partie, la mezzo française Aude Extrémo campe une Vénus nuancée et langoureuse. Elle chante le rôle avec beaucoup de subtilité, et voilà une incarnation qui annonce peut-être déjà une future Kundry.

Placée à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, la chanteuse et cheffe d’orchestre Nathalie Stutzmann constitue également une excellente surprise : elle s’avère l’efficace ordonnatrice de la soirée. Sa lecture précise, attentive aux chanteurs, rend justice aux richesses d’une partition dont elle fait sonner les moindres subtilités. Il convient encore d’ajouter que les chœurs, préparés par Stefano Visconti, se montrent tout simplement superbes de précision et de cohésion.

Emmanuel Andrieu

Tannhäuser de Richard Wagner à l’Opéra de Monte-Carlo, jusqu’au 28 février 2016

Crédit photographique © Alain Hanel
 

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